C’est un fait-divers, comme on dit. Publié dans le #9 de L’Empaillé: à Toulouse, un homme sans papiers vivait à la rue – comme tant d’autres, me direz-vous. Oui, mais Yacine avait ses habitudes, son quartier et, surtout, un gilet jaune siglé “Toulouse Métropole”. Vêtu de ce gilet, il balayait les trottoirs, rangeait les poubelles, les alignait pour le passage de la benne à ordures. Et il vouait un véritable culte aux symboles de la France, au point de conserver le moindre tract avec l’image du drapeau bleu-blanc-rouge. Son ambition suprême était de devenir éboueur pour Toulouse Métropole, justement.

Mais voilà: un sans-papiers balayant les trottoirs, vêtu d’un gilet jaune de Toulouse Métropole, croyez-le ou non, ça faisait désordre. On exigea qu’il l’enlève. Devant son refus, la police s’en est mêlée. Il a pris 5 mois ferme et risque l’expulsion hors du territoire français…pour avoir balayé les trottoirs, revêtu de l’un des symboles de sa ville d’adoption. Il est détenu au pénitencier de Seysses comme l’écrit L’Empaillé, “pour délit d’entraide, délit de bénévolat ou délit de rêver.” A moins que ça ne soit pour les trois.

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Citation, parmi tant d’autres, dans La Fabrique de nos Servitudes de Roland Gori* : “L’idéal de l’homme-machine est de faire en sorte que rien n’arrive qui n’ait été prévu par son programme, ses ‘experts’, ses ‘courtiers’ en propagande commerciale ou industreielle. Nous y sommes ou presque. Nous pourrions écrire, comme D-503 dans Nous autres, “manifestement même chez nous, la solidification, la cristallisation de la vie ne sont pas encore terminées et quelques marches sont encore à franchir pour arriver à l’idéal. L’idéal, c’est clair, sera atteint lorsque rien n’arrivera plus”.*** Tel l’Empereur de Chine qui préféra, un temps, l’oiseau automate au rossignol vivant, parce “qu’avec le vrai rossignol on ne peut jamais prévoir ce qui va suivre, tandis que chez l’oiseau artificiel tout est déterminé,” nous avons lâché la proie du vivant pour l’ombre des algorithmes.”

Heureusement, tout n’est pas encore soumis à la colonisation de l’humain par le biais des algorithmes supposément plus ‘intelligents” que nous. Des foyers, voire des gouttelettes, de résistance existent. Au bout de la rue ou dans les parcours relatés par l’anthropologue Nasstassja Martin dans À l’est des rêves – réponses even aux crises systémiques ***Dont on peut lire un extrait ici.

*Roland Gori, La Fabrique de nos Servitudes, Editions Les Liens qui Libèrent,

**Eugène Zamiatine, Nous autres

*** Hans Crhistian Andersen, Le Rossignol de l’Empereur de Chine.

***Nasstassja Martin, À l’est des rêves, Les Empêcheurs de Penser en Rond, aux éditions La Découverte

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It’s one of those pieces of minor news, as they are called. Published in #9 of the regional paper L’Empaillé: In Toulouse there lived a homeless man without residency papers – as so many others like him, you will say. Yes, but Yacine had his habits, his neighborhood and, mostly, he owned a yellow jacket with the logo of Toulouse Métropole. Wearing this jacket, he swept the sidewalks, put away garbage cans, aligned them for the garbage truck. He had a overriding cult for French symbols, to the point of keeping the slightest leaflet showing an image of the blue-white-red flag. His supreme ambition was to become a garbage collector for none other than Toulouse Métropole.

But imagine: an illegal resident sweeping the sidewalks wearing a yellow jacket from Toulouse Métropole, believe it or not, this is terribly messy. He was summoned to remove the jacket. When he refused, the police intervened. He was sentenced to 5 months in jail and is now liable to be expelled from the French territory…for having swept the sidewalks, wearing one of the symbols of his city of adoption. He is detained in the Seysses penitentiary as L’Empaillé writes “for the offence of mutual aid, for the offence of volunteering, or for the offence of dreaming.” Unless it is for all three.

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A quote, among so many others, from La Fabrique de nos Servitudes (The Manufacturing of our Servitudes) by Roland Gori: “The ideal of the man-machine is to achieve a state in which nothing can happen that has not been planned by its program, its ‘experts’, its ‘brokers’ in commercial or industrial propaganda. We’ve almost reached that point. We could write, as D-503 does in We, “Patently, even here, solidification, crystalisation of life is not yet completed and a few more steps must be taken in order to reach the ideal. The ideal, clearly, will be reached when nothing will happen any more.” Like the Emperor of China who, for a while, preferred the automatic bird to the living nightingale because “with the real nightingale you can never predict what will happen next, whereas everything is pre-determined in the artificial bird” , we have dropped the prey of the living in order to seize the shadow of algorithms.”

Luckily, not everything is subjected yet to the colonization of humanity through algorithms supposedly more ‘intelligent’ than we are. Centres, or even droplets, of resistance exist. At the end of your street or in journeys related by anthropologist Nasstassja Martin in À l’est des rêves – réponses even aux crises systémiques *** (East of Dreams – even Answers to systemic crises). An excerpt in French, available here.