21 avril 2024

Dans la “vraie vie”, la ville au Québec s’appelle Trois-Rivières.; je n’y ai jamais vécu. Dans le rêve, assise à l’arrière de la voiture, je vois que le panneau routier l’annonce sous le nom de Three Women. Le chauffeur longe une rivière large comme un fleuve où roule une eau brune comme celle des barrages effondrés en Oural. À pied, je longe une ruelle étroite; j’y entre, elle donne accès à un escalier extérieur très haut, immense comme il a dû me paraître lorsque j’étais enfant. Je le monte lentement, en évitant les trous. Je me retourne : le paysage est celui d’une petite ville que j’ai habitée lorsque j’avais neuf ans et je sais que dorénavant, j’y vivrai en permanence et que tel sera le décor sous mes yeux.

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Après des mois et des mois de politicaillerie de bas étages – et donc, des mois et des mois de morts, de blessés et de destructions inutiles – le Congrès américain a finalement voté l’aide américaine à l’Ukraine hier. Je n’en ressens rien qui puisse ressembler à une réjouissance, à peine du soulagement, avec les mots de Est-ce ainsi que les hommes vivent qui se baladent dans ma tête.

L’autre jour sur facebook, quelqu’un écrivait un commentaire où il faisait son deuil de l’optimisme, disait-il. J’ai répondu qu’il me semblait nécessaire de comprendre que l’optimisme était une notion à ajuster aux circonstances. En temps de paix, on a l’optimisme du beau temps qui prévoit un déjeuner à la campagne, en temps de guerre, l’optimisme consiste plutôt dans le refus obstiné de son contraire.

Evidemment, c’est moins léger comme sentiment.

Le temps s’est mis à l’ensoleillement, mais froid. Les idées divaguent comme des oiseaux à la recherche d’un courant d’air ascendant.

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post-scriptum : le répulsif ? Un faux espoir. Sur la table de la cuisine : l’un des kiwis a été grignoté. Seule consolation: les coups de dents sont trop petits pour ceux d’un rat…

In “real life”, the town in Québec is called Trois-Rivières (Three Rivers); I never lived there. In the dream, sitting in the back seat of the car, I see the road sign giving its name as Three Women. The driver follows a road next to a river as wide as one leading to the sea and filled with water as brown as that of the ruptured dams in the Ural. On foot, I walk by a narrow alley; I enter it, it gives access to a a very high and steep outside staircase, as huge as it must have seemed to me when I was a child. I climb slowly, avoiding the holes. I turn around: the scenery is that of a small town in which I lived when I was nine years old, and I know that, henceforth, I will live there permanently and that this is what I will always see before me.

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After months and months of the lowest levels of politicking imaginable – thus allowing for unnecessary deaths, wounds and destruction – the US Congress finally approved American aid to Ukraine yesterday. I don’t experience anything resembling rejoicing, barely a feeling of relief, with the words from Est-ce ainsi que les hommes vivent (Is this how men live ?) playing in my head.

The other day on facebook, someone wrote a comment in which he said he had given up on optimism. I answered that it seemed to me optimism was a notion one needed to adjust to the circumstances. In times of peace, one has the optimism of a picnic in the country in fine weather. In times of war, optimism consists in an obstinate refusal to give in to its opposite.

Of course, it’s not as light a feeling.

Over here, the weather has turned sunny, but cold. Ideas rambling like birds in search of an upwind.

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PS : the repellent ? A false hope. This morning on the kitchen table, one of the kiwis has been gnawed upon. Only consolation: the teeth marks are too small for a rat…

4 comments

  1. adapter l’optimisme, est-ce encore de l’optimisme ? Je me gratte la tête et me répond “oui”, même si l’enfant gâté* qui sommeille en moi se dit que c’est un peu pessimiste.

    *pas de guerre ni de famine “chez moi” depuis 70 ans… juste chez les voisins, mais bon, “c’est leur histoire, pas la mienne”, alors “ça ne compte pas vraiment”. N’est-ce pas ce que “tout le monde” pense ?
    et puis notre président a dit que le réarmement (pas la guerre, le réarmement) était “une vraie chance” pour l’économie française ; alors, bon, si ça profite, ça peut pas être si mal….

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    • disons que je n’ai jamais pensé à la notion de “réarmement” en frétillant de joie, et que l’absence de famine immédiate ne m’a jamais paru motif de réjouissance, non plus. Mais, sérieusement, “l’enfant gâtée” que j’étais sans le savoir alors a pris de sérieuses leçons d’ajustement à la réalité au contact d’une ex-belle-mère ayant traversé de l’Oural à la Pologne à pied, avec un enfant de 2 ans, au moment de la 2e guerre quand les rafles l’attendaient à l’arrivée; et qui ne finissait pas de vanter les bottes exceptionnelles fabriquées par son beau-père à elle, bottes auxquelles elle disait devoir la vie, et dont elle parlait encore avec émotion plus de 30 ans plus tard.Une autre application du principe de la relativité, si on veut 🙂

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      • Je vous comprends (et désolé pour la tentative d’ironie maladroite). Que le réarmement soit nécessaire face à l’ogre Poutine, c’est une évidence, que l’enthousiasme économique de notre président ne saurait masquer.
        “Gâté” et surtout protégé par mes parents qui ont vécu cela de plein fouet, je n’ai appris que par bribe l’histoire de mes grands parents raflés/internés/fusillés pendant la guerre, ou celle de mes deux oncles qui, enrôlés en Algérie, se sont suicidés au retour. Mais il se peut que ces bribes m’aient donné un certain mélange de pessimisme inéluctable et d’optimisme indispensable.

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