Réunion/Reunion

Réunion –

C’était à une époque où je participais à beaucoup de réunions. Il y avait : des réunions préparatoires, des réunions de coordination, des réunions d’évaluation et un nombre incalculables de réunions convoquées afin de résoudre les problèmes demeurés en suspens à la réunion précédente.

Mes rôles variaient : parfois je préparais l’ordre du jour ; parfois j’étais déléguée pour  représenter un point de vue ; il arrivait que je préside, il arrivait que j’agisse à titre de secrétaire pour rédiger le rapport des délibérations.

Je ne me souviens pas du sujet précis de la réunion à la suite de laquelle je demeurai assise pendant que l’assemblée s’ébrouait, satisfaite de sa matinée de parlotte. Par contre, je me souviens très bien du résumé personnel de la rencontre que je mis en marge de mes notes: « encore une fois, nous avons parlé pour nous convaincre d’avoir agi. »

Est-ce à dire que la parole est inutile ? Pas du tout. Mais la parole désincarnée, si, et pire qu’inutile.

Et qu’est-ce que la parole désincarnée ? C’est la parole qui tourne sur elle-même, sans prise sur la réalité qu’elle prétend décrire ou modifier. C’est la parole qui  enjolive ou  inspire pitié ou terreur dans le seul but  d’attirer la sympathie ou le respect du groupe sur le parleur… et de détourner l’attention des questions fondamentale.

Et, malheureusement,  les mots désincarnés sont ce que la plupart d’entre nous considéront dorénavant comme reflétant la véritable nature du discours politique.

C’est donc avec d’autant plus de plaisir que j’ai visionné  Rojava, utopie au coeur du chaos syrien d’où il ressort clairement (à mes yeux, du moins) que la ligne de faille ne se situe pas entre la réalité et l’utopie. Elle se situe dans le refus de tenter l’enracinement d’une vision « autre » de l’avenir, afin de s’agripper à des mots creux    qui parlent de conjurer les désastres… en alimentant leur perpétuation.

Pour parler d’avenir – au Moyen Orient et ailleurs – qui de mieux que  les véritables experts des différents régimes sous lesquels ils ont survécu.   Ceux qui savent vraiment de quoi ils parlent sont ceux à même de vraiment parler de politique…et que nous avons besoin  d’écouter et d’entendre.

Illustration: “Entre ciel et terre”, oeuvre de Florian Rosier au Musée du verre de Carmaux. 

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Reunion

It was a time when I participated in a lot of meetings. There were : preparatory meetings, coordination meetings, evaluation meetings and a countless number of meetings convened in order to resolve the  problems left in abeyance at the previous meeting.

I had various roles in these meetings : sometimes, I prepared the agenda ; sometimes I was delegated to represent a point of view ; sometimes I chaired, and sometimes I was the secretary writing up the report of the deliberations.

I don’t recall the precise topic of the meeting following which I stayed in my seat while the assembly broke up, most satisfied with a morning’s worth of chatter. What I do recall very well is the personal summary of that meeting I jotted on the margin of my notes : « once again, we’ve talked in order to convince ourselves we had acted. »

Is this to say words are useless ? Not at all. But disembodied words are that, and worse.

And what are « disembodied » words ? Words that circle back on themselves, with no grounding in the reality they claim to describe or modify. They are words intended to prettify or to inspire pity or terror in order for the speaker to attract sympathy or respect from the group… and divert attention away from the fundamental issues.

Disembodied words are, unfortunately, what most of us now consider to be the true nature of political speech.

I was that much more pleased to view Rojava, utopie dans le chaos syrien (Rojava, utopia amid the Syrian chaos)    in which it appears clearly (in my eyes, at least) that the fault line does not run between reality and utopia. It resides in the refusal to attempt grounding « another » vision of the future, in order to cling to empty words that speak of attempts to avert disasters…by feeding their perpetuation.

The true experts on the various regimes are those who have survived their exactions.    The ones who really know what they are talking about are the ones truly entitled to talk about politics, and that we need to hear and listen to.

(For English speakers : although the narrative is in French, there are English speakers in the video and the images are worth viewing for a better sense of what the realities of daily life look like in zones recently liberated from ISIS.)

Illustration : « Entre ciel et terre », work by Florian Rosier at the  Musée du verre de Carmaux.

 

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