15 novembre 2025

Feuille – image trouvée sur facebook que je compte dessiner — Leaf, an image found on facebook I intend to draw

Je m’éveille à 4 heures du matin sur un fragment de rêve où je suis assise devant une table recouverte d’une nappe unie, beige, sur laquelle se trouve une assiette, un couteau, une fourchette et une cuillère.

Les yeux qui piquent, le nez qui coule. J’y comprends rien (ni aux éternuements, ni au fragment de rêve.) Puis me reviennent les nappes que ma mère avait brodées durant les fiançailles de mes deux soeurs : l’une était rose, l’autre était crème avec des incrustations d’un beige plus soutenu. Je ne me souviens pas de laquelle était pour l’une et laquelle pour l’autre. Evidemment, contre la volonté de mon père, épousant un juif — oh horreur ! oh damnation ! — je n’eus pas droit à une nappe brodée par ma mère, et personne de ma famille n’assista à mon mariage (il me semble que ma soeur aînée était enseignante dans le Grand Nord québécois à l’époque). La mère d’un copain de collège nous fit une petite réception. Voilà.

Je lis une nouvelle édition* des contes de Jacob et Wilhelm Grimm. Me revient en mémoire le personnage de “l’invisible” dans une nouvelle que j’ai écrite il y a — quoi ? — trois ans ? quatre ans ? Juste avant le covid, il me semble. Et les mêmes neuf mesures du trio de Schubert pour piano, violon et violoncelles tournent en boucle dans ma tête. J’éternue. Je me frotte les yeux. J’attends pour ce que mon cerveau s’occupe à assembler.

Episodiquement, je lis aussi des extraits de Toucher le monde,** les mémoires d’Helen Keller. Episodiquement, en sautant les passages religieux — c’était une chrétienne très croyante — ce qui m’intéresse c’est le monde des rêves d’une femme sourde et aveugle de naissance, et la façon dont elle s’est créée ses analogies pour comprendre la notion de nuances dans des coloris dont elle ne savait rien — analogie tirée du monde du goût, celui d’une orange différant de celui d’un pamplemousse, par exemple. Des rêves que j’imagine composés de pensées et de sensations physiques plutôt que d’images.

Assise devant un couvert. La table est mise. J’attends les mots qui décriront ce qui se posera dans l’assiette.

*Grimm, Contes, Edition nouvelle de Véronique Gély, folio classique, Gallimard 2025 avec les traductions de Lilas Imbaud et sa révision des traductions de Max Buchon, Marthe Robert et Jean Amsler.

**Helen Keller, Toucher le monde — Mémoires d’une main qui voit, traduction de Marie Chuvin, Edition Les Prouesses 2025 d’un texte publié d’abord en 1908 sous le titre The World I Live In.

*

I wake up at 4 AM on a fragment of a dream where I am sitting in front of a table covered with a plain beige tablecloth, on which there is a plate, a knife, a fork and a spoon.

Itchy eyes, runny nose. I don’t understand a thing (about the sneezing or the piece of the dream.) Then, they come back to me, the tablecloths my mother had embroidered during my two sisters’ engagements: one was pink, the other was cream colored with slightly darker inlays. I don’t remember which tablecloth was for which sister. Of course, against my father’s will, since I was marrying a Jew — oh horrors ! oh damnations ! — I was not entitled to an tablecloth embroidered by my mother and no one from my family came to my wedding (I seem to recall that my eldest sister was teaching up in Northern Québec at the time). The mother of a college buddy held a small reception for us. Voilà.

I’m reading a new edition of the tales by Jacob and Wilhelm Grimm. Comes to mind the characters of the “invisible” one in a short story I wrote — what was it ? Three ? Four years ago ? Just before covid, it seems to me. And the same nine bars of Schubert’s trio for piano, violin and cello play over and over again in my head. I sneeze. I rub my eyes. I wait for whatever my brain is busy assembling.

Off and on, I read excerpts from the French translation of Helen Keller’s memoirs, The World I Live In. Off and on, skipping the religious passages – she was a devout Christian — what interests me is the world of dreams of a woman blind and deaf from birth, and the way in which she created her analogies to understand the notion of shades in colors she knew nothing about — analogies drawn from the world of taste, that of an orange being different from that of a grapefruit, for example. The dreams I imagine to have been made up of thoughts and physical sensations rather than images.

Sitting in front of a place setting. The table is set. I’m waiting for the words that will describe what will land in the plate.

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