5 octobre 2025

Je m’éveille. Dans l’angoisse. L’angoisse, à tous les étages, du plus personnel à l’universel. Les rêves ont gentiment transposé le tout – en rêve, c’était les médicaments pour animaux qui n’étaient plus disponibles, rien, pas un seul, j’étais entouré d’hommes, de femmes , d’enfants très gentils mais condamnés sans le savoir car non seulement les animaux allaient-ils tous mourir, mais ils rendraient les humains malades, eux aussi.

Je suppose que d’ouvrir au hasard Les Métamorphoses hier soir et tomber sur la lutte des Lapithes et des centaures…j’aurais préféré le récit sur Vertumnus et Pomone, c’est certain. Très détaillé, le massacre, ils n’ont rien de gentils, ces centaures-là. Mais je sais bien que le rêve n’est que le reflet de l’angoisse générale dans laquelle je baigne en ce moment, en faisant mine de “quoiqu’il arrive, j’ai toujours le sourire, je prends la vie, la vie du bon côté…” et cetera. Longue, très longue visite hier d’une personne dont je ne saurais dire si elle est plus angoissée que moi, ou juste plus sujette à en faire le récit détaillé. Dans son cas, 15 années de psychanalyse semble l’avoir rendue experte dans ses exposés – qu’elle délivre en regardant ailleurs, transformant l’autre en présence anonyme. Mais bon. Le véritable détonateur n’est pas là.

Il est dans une très courte séquence vu sur facebook — filmée sur un téléphone, sans doute — où des “grands de ce monde” conversent et rigolent entre eux comme des gamins à la récré. Le président de l’Azerbaïdjan est en train de se payer la tête de Trump et d’expliquer à quel point ses relations avec l’Albanie sont au top depuis l’intervention de ce dernier. Macron le tapote sur la joue et s’éloigne dans une pirouette, en rigolant.

Moi, je les vois et je suis atterrée. Ils sont exactement comme des gamins dans le préau, en train de se payer la tête de l’imbécile de la classe – la bonne blague, hahaha. Pendant ce temps, des vivres et des médicaments pourrissent dans des entrepôts en Afrique, la famine décime des zones entières, les Palestiniens vivent ce que personne ne devrait subir, des dizaines de milliers d’Américains sont à risque de perdre leur droit même à un minimum d’aide médicale, le monde est à feu et à sang, mais – ah, quel imbécile, ce Trump, hahahaha, la blague, elle est bien bonne.

Bon. Au moins, la chronique d’André Markowicz est à sa place sur facebook, ce matin. On me trouvera peut-être bizarre, je m’en fous, mais le sonnet de Garcilaso de la Vega traduit par Françoise Morvan colle de si près à mon état d’esprit présent que j’y trouve presque une consolation avec son premier vers, comme un rappel du premier vers dans la Divine Comédie de Dante :

Pensant que le chemin allait tout droit, 

je dus subir telle mésaventure 

que même en pur délire, j’en suis sûr,  

je ne pourrais y voir ombre de joie.  

Les champs sans fin me paraissent étroits,

la plus claire des nuits me semble obscure, 

la douce compagnie amère et dure 

et le dur champ de bataille un lit froid.

Du songe, s’il me vient, seul me demeure  

ce qui, portant l’image de la mort, 

vient s’accorder à mon âme angoissée.

Enfin, j’en suis venu dans mon malheur 

à trouver le présent plus noir encore

que, même mal vécue, l’heure passée. 

Garcilaso de la Vega, dans la traduction de Françoise Morvan *

*Françoise Morvan, Clair Soleil des Esprits, Amour et mort à l’âge baroque, Editions Mesures, 2025

*

Atelier d’écriture au Muséum d’Histoire naturelle de Gaillac cet après-midi, sur le thème des bestiaires. Les mots. Le refuge ultime, que ces criminels et ces inconscients s’acharnent à vider de leur sens pour y verser leur fiel.

Je n’ai pas le coeur à la traduction, ce matin, mais j’ai bel et bien livré mon article à Jean-Marc Adolphe, hier. Qu’il en fasse ce qu’il voudra.

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