
Cette notion même qu’il lui appartient de définir le bien et le mal, la chanson cajun lui répliquait “moi, je vis sur l’amour, et j’espère de vivre vieux”. Je me réveille, il est minuit et je ne parviendrai à me rendormir que vers les 4 heures du matin où je ferai un second rêve où je me dispute avec ma soeur cadette qui vient me visiter dans mon logement à Québec et laisse la porte déverrouillée, puis un troisième où elle prétend ne pas être responsable de ses agissements, qui seraient la faute de Poutine…
Le logement au 14 de la rue Hébert dans le vieux Québec possédait un mur intérieur en pierre, datant de l’époque française. La structure avait été reconstruite après les batailles avec les Anglais; elle était en brique jaune qui servait de lest dans les navires, brique déchargée sur le quai quand le navire repartait chargé de fûts de chêne pour la fabrication de mâts. Les cajuns (Acadiens) sont descendants des colons français déportés du Canada dans les années 1750 lorsque la Nouvelle-France (Canada) devint possession britannique. À l’époque, la Louisiane était propriété de la France, elle fut vendue aux Américains en 1803 par Napoléon.
Quant à savoir pourquoi tout cela me revient en mémoire maintenant – et m’empêche de dormir la nuit … je deviens vieille, donc, je radote ? C’est bien possible mais, surtout, je me débats avec un sentiment énorme de futilité, à voir la facilité avec laquelle l’humain oublie. Vieille, on devient invisible, ce qui comporte certains avantages, en même temps qu’un immense désarroi devant le mode opératoire des humains, justement, où chaque génération, critiquant la précédente, se fait forte de ré-interpréter l’histoire à sa façon. En ce moment, ici comme ailleurs, la critique va jusqu’à une réhabilitation du nazisme. Et dans tout ça, la vérité est toute bête: les possédants ont décidé que la démocratie ne servait plus leurs intérêts. Pour les grands prédateurs économiques, la démocratie ne fait plus sens, elle fait même obstacle aux “forces de production”. Voir Quinn Slobodian, Le Capitalisme de l’Apocalypse. Inhumanité, indifférence au mieux, délectation au pire devant ses conséquences, et le sentiment que même les protestations sont récupérées pour accélérer le démantèlement.
Éclairs et tonnerre, ce matin, la pluie tombe avec fracas. La rivière coule en accéléré, chargée du limon arraché dans les hauteurs, et d’arbres transportés comme des fétus de paille. Le chat cherche refuge et confort, sursaute et m’interroge du regard à chaque roulement du tonnerre. Au 14 de la rue Hébert, c’est la vieille chienne que le tonnerre terrorisait. La seule façon de la calmer, c’était de lui mettre les écouteurs sur les oreilles et de lui faire écouter La Pastorale de Beethoven. Pour une raison que j’ignore, pour elle, l’orage dans La Pastorale annulait la terreur de l’orage en cours. Les vibrations n’étaient tout simplement pas les mêmes, je suppose.
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The very notion that he is the one who defines what is good and what is evil and the Cajun song was answering him “me, I live on love and I hope I’ll live to be old”. I wake up, it’s midnight and I won’t be able to get back to sleep until 4 AM when I’ll have a second dream in which I’m arguing with my second sister who’s come to visit me in my lodgings in Québec and has left the door unlocked, then a third in which she calims she is not responsible for her actions, they are Putin’s fault…
The lodgings at 14 Hébert Street in old Québec had an inner wall of stone dating to the French period. The structure had been rebuilt after the battles with the British; it was made of the yellow brick the ships carried as ballast and left on the wharf when the ship sailed away loaded down with the oak for masts. The Cajuns (Acadians) are the descendants of the French colonists deported from Canada in the 1750s, when New-France (Canada) became a British possession. At the time, Louisiana was French property, Napoleon sold it to the Americans in 1803.
As to why all this comes back to memory now – and keeps me from sleeping at night…I’m getting old so I prattle? This is quite possible but, mostly, I’m struffling with a huge feeling of futility, seeing the ease with which humans forget. When you’re old, you become invisible, which has certain advantages, along with a huge feeling of dismay seeing humans’ modus operandi, precisely, in which each generation, criticizing the previous one, considers itself competent in re-interpreting history in its own way. These days, over here like elsewhere, criticizing goes so far as to rehabilitate nazism. And to all this, the dumb truth is simply that the wealthy have decided that democracy is no longer meaningful, that it’s creating an opposition to the “forces of production”. See Quinn Slobodia, Crack-up Capitalism. Inhumanity, indifference at best, delight at worst seeing its consequences, and the feeling that even protests are recuperated in order to accelerate the dismantling.
Thunder and lightning this morning, the rain is crashing down. The river runs at a faster pace, loaded with silt pulled away from the heights, and carrying trees as if they were straws. The cat seeks shelter and comfort, is startled and questions me with a look at each rumbling of thunder. At 14 Hébert Street, it was the old dog who was terrified by thunder. The only way to quieten her down was to put the headphones on her and have her listen to Beethoven’s Pastoral. For some reason I can’t fathom, for her, the storm in the Pastoral cancelled out the terror of the ongoing one. The vibrations were just not the same, I guess..