
Je croise un homme qui m’avait confié l’écriture d’un livre sur un groupe de musiciens punk, il veut que j’en écrive un autre, il a perdu mon adresse, je pars à la recherche d’un bout de papier sur lequel la lui noter, je croise mon ex avec lequel je suis en froid, mais je lui raconte quand même cette rencontre pour une commande qui ne m’enchante pas mais, en même temps, comment refuser un travail payant dans ma situation ?
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Il est vrai que les seules “commandes” depuis longtemps sont pour du travail bénévole; pour ce qui est des autres, les moteurs de traduction sont largement adéquats pour des articles de journaux, par exemple, où le langage est quasiment codé et automatique. Par contre, dans les travaux réalisés purement par amitié, hier, il y a eu un très beau texte écrit par Zehra Dogan pour son exposition “Barricade”. J’ai demandé à ma copine turque de vérifier avec Zehra si elle serait d’accord pour que j’en publie le texte en version française sur ma page facebook Maria Damcheva, parce qu’elle y dit quelque chose de précieux, je trouve. Et même si cela ne devait avoir de résonances que pour une seule autre personne, mes ambitions ne vont guère plus loin dorénavant. La copine m’apprend que la version allemande de la bd de Zehra, Prison #5 (publiée chez Dalcourt en français) a trouvé preneur dans sa version allemande et part chez l’imprimeur. Ce qui s’explique, vu le nombre de Turcs et de Kurdes en Allemagne. Je promets de me remettre à la traduction vers l’anglais, quoique je doute qu’elle trouve preneur. Qui se soucie des kurdes, ces jours-ci, surtout depuis l’annonce bizarre selon laquelle Ocalan aurait ordonné le dépôt des armes par le PKK – en échange de quoi ? Personne ne sait. Mais bon – à raison d’une heure par jour, je vais produire une version anglaise, et si la copine parvient à trouver un éditeur intéressé…
Pendant ce temps, aux Etats-Unis, la Cour Suprême s’applique à détricoter tranquillement les lois du pays fondés sur la Constitution, malgré les protestations indignées de deux de ses membres. La Cour avait déjà entamé ce travail avant même la ré-élection de Trump en décrétant l’immunité complète du président pour tout acte qu’il attribuerait à ses prérogatives officielles (et bonjour à l’interprétation de chacun). Cahin-caha, mine de rien, la Cour Suprême s’emploie à officialiser son impuissance, comme l’a déjà fait le Congrès, en faveur d’une présidence impériale et libre d’agir à sa guise. Ça proteste, bien sûr, mais dans une sorte de brouillard, comme si tout ça pourrait être inversé aux prochaines élections. Où se trouve l’inconscience, où se trouve le déni, je suppose qu’il varie selon l’attention plus ou moins grande que les gens prêtent à ce qui se passe autour d’eux. Vu d’ici, le tout a la marque plus qu’évidente d’une prise de pouvoir fasciste, dont les destructions ne seront pas effacées par un simple claquement de doigts. C’est comme d’observer des somnambules se dirigeant vers le bord d’une falaise en bas de laquelle d’autres avant eux sont déjà tombés.
Quant aux ordres de leurs officiers à Gaza de tirer sur les civils affamés tentant d’obtenir un sac de farine dans des conditions infâmes, apparemment, même le témoignage des soldats en faisant état fait l’objet de dénégations de la part du gouvernement israélien, bien sûr, mais se heurte aussi contre le déni de ceux pour qui le seul, l’unique “méchant” dans l’histoire se doit d’être le Hamas, et ces tueries, même reconnues, leur sont toutes attribuées malgré le témoignage des soldats.
À quoi servent encore les témoignages quand les gens ne veulent plus ni voir, ni entendre ? Je ne sais pas. C’est aussi inutile que de se demander à quoi ça rime qu’un enfant crie “l’empereur est nu” quand les adultes le voient bien et se prosternent quand même.
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I come across a man who had given me a book to write about a group of punk musicians, he wants me to write another but has lost my address, I take off to look for a scrap of paper on which to jot it down for him, I cross paths with my ex with whom I’m no longer on speaking terms but I tell him anyway about this encounter for a job that doesn’t thrill me but, at the same time, how can I refuse a paying gig in my situation?
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True enough, for a good while already the only “jobs” have been of the free and voluntary kind; all the others can easily be handled by automatic translation which proves more than adequate for newspaper articles, for example, in which the language is practically coded and automatic. On the other hand, yesterday in one of those jobs done purely out of friendship, there was a very fine text written by Zehra Dogan for her exhibition “Barricade”; I asked my Turkish buddy to check with Zehra if she would authorize me to publish the French version on my Maria Damcheva facebook page because she says something very precious in it, to my mind. And even if this should resonate for only a single other person, my ambitions don’t reach much further than that, these days. The buddy tells me the German version of Zehra’s graphic novel, Prison #5 (published in French by Dalcourt) has found a publisher for a German version which is off to the printer’s (given the number of Turks and Kurds in Germany, this is understandable). I promise to get back to the English translation, although I doubt it will find a taker. Who cares about the Kurds these days, especially since Ocalan ordered the laying down of arms by the PKK – in exchange of what ? No one knows. But OK – I’ll put an hour a day on producing an English version, and if the buddy manages to find a publisher that’s interested…
Meanwhile, in the USA, the Supreme Court is quietly unknitting the laws of the country that are based on the Constitution, despite the indignant protests from two of its members. The Court had already started the job even before Trump’s re-election by decreeing the complete immunity of the president for any action attributed to his official prerogatives (welcome one and all to interpreting same). Bit by bit, quietly, the Supreme Court is busy rendering its powerlessness official, as the Congress has already done, in favor of an imperial presidency, free to do as it pleases. There are protests, of course, but in a kind of brain fog, as if all this could be countered at the next elections. What in this is the result of unawareness, what is the role of denial, I suppose it varies depending on the greater of lesser attention people pay to what is going on around them. Seen from over here, it carries the horrific imprint of a fascist takeover, the destructiveness of which will not be reversible with a snap of the fingers. Something like walking sleepwalkers heading to the edge of a cliff over which other sleepwalkers before them have already fallen.
As for the orders of their officers in Gaza to shoot on the famished civilians attempting to obtain a bag of flour in unspeakably vile conditions, apparently, even the evidence provided by the soldiers is denied by the Israeli government, of course, but also encounters the denial from those for whom the one and only “bad guy” in the tale must be Hamas and these killings, even when acknowledged, are all attributed to it despite the soldier’s evidence. Quant aux ordres de leurs officiers à Gaza de tirer sur les civils affamés tentant d’obtenir un sac de farine dans des conditions infâmes, apparemment, même le témoignage des soldats en faisant état fait l’objet de dénégations de la part du gouvernement israélien, bien sûr, mais se heurte aussi contre le déni de ceux pour qui le seul, l’unique “méchant” dans l’histoire se doit d’être le Hamas, et ces tueries, même reconnues, leur sont toutes attribuées malgré le témoignage des soldats.
What good are testimonies still when people no longer want to see nor hear? I don’t know. It’s as useless as asking what’s the point to a child yelling out “the emperor is naked” when the adults see that full well and choose to kneel and bow anyway.
Comme enfant. Si je ferme les yeux et les oreilles, tout est parfait
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So…keep the eyes of a child, I guess.
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