24 juin 2025

Des gens, racontant des mensonges, des bobards traités comme des faits; Sam Altman d’Open AI traitait la réalité comme un canevas sur lequel construire ses fantasmes; je réussissais à dégager un petit espace pour une conversation intelligente avec quelqu’un.

Rien ne s’est passé comme prévu, hier. Le groupe de l’atelier avait prévu un pique-nique au lac en bordure de ville. Conversations sans queue ni tête, j’ai posé un coude sur la table, appuyé ma tête contre ma main, et je me suis endormie. Après quoi, j’ai demandé qu’on me ramène chez-moi où j’ai dormi presque tout l’après-midi.

L’eau du lac était très basse . On ne peut pas s’y baigner car ses eaux servent de déversoir à des pesticides saturant les terres agricoles environnantes. Sur la colline, nombre de conifères étaient de couleur rouille, tout secs. La chaleur comme un coup de poing.

Au réveil, poursuite de la lecture de Empire of AI de Karen Hao – description de ces immenses constructions abritant les ordinateurs composant “l’intelligence” des machines, nourries de tout le savoir humain disponible et rafraîchis avec l’eau potable des régions les plus pauvres où on en prive les humains au bénéfice de ces machines. Plus grosses, toujours plus grosses. Témoignant devant le Sénat américain l’année dernière, deux femmes tiennent des propos intelligents que tous s’empressent d’oublier : si on craint que les IA en viennent à pouvoir créer des armes biologiques inédites, c’est parce qu’on leur fournit des données existant déjà à ce sujet, alors qu’en opérant une sélection rigoureuse des données avant le traitement, le problème n’existerait pas, dit l’une. Le “secret des affaires” invoqué par les fabricants, dit l’autre, va à l’encontre des exigences scientifiques fondamentales; si on ne sait pas sur quoi repose les “preuves” scientifiques des fabricants, on n’est pas en mesure d’en vérifier l’exactitude. Puis, Sam Altman de Open AI vint faire son numéro et les sénateurs tombèrent sous le charme irrésistible du bigger is always better.

En soirée, je tente de lire des poèmes de Marina Tsvétaïeva dans l’édition bilingue de la Librairie du Globe que m’a prêtée une connaissance du cirque. Peine perdue. Je n’arrive pas à “entendre” ce qui doit se trouver dans le russe. Je ressors les Partages de 2015-2016 pour les deux chroniques portant sur les Arbres – la violence inouïe qu’imposent les allitérations, violence que je ne retrouve pas dans les traductions françaises parce que ça n’est pas le mot “tonnerre”, par exemple, qui en rend la sensation tout seul et en lui-même, c’est la construction des vers, leurs mouvements, le roulement des consonnes et des voyelles qui peuvent en rendre l’impression. Enfin, comme on dit ,”c’est comme ça”.

De quelles intuitions

de quelles vérités

de quoi bruissez-vous donc

feuillages débondés ?

Je suis certaine que la Pythie ne l’aurait pas dit ainsi et Tsvétaïéva non plus. Hier, les conifères roussis près du lac étaient plus éloquents que ça au-dessus de l’eau verdâtre n’atteignant plus les rives. Eaux trop polluées pour rafraîchir les circuits informatiques des IA qu’on ne peut abreuver que d’eau potable pour maintenir intacts leurs “circuits neuronaux”.

*

Cirque ? Les cours pour adultes s’interrompent pour l’été. L’atelier d’écriture suspend ses activités. La vie reflue derrière les portes closes, sauf pour le festival “Rues d’Eté” des 4, 5 et 6 juillet.

*

Un jour, parlant à des nouvelles recrues de Open AI, l’un de ses dirigeants du nom de Sutskever, dit en passant qu’avant de lancer leur fameux modèle ‘super-intelligent”, il faudra, bien sûr, avoir construit “le bunker”. “Le bunker ?” dit un des nouveaux, interloqué. Oui, comme il est impossible de prévoir de quoi cette super-intelligence sera capable, il faudra protéger les meilleurs penseurs parmi nous, réplique Sutskever, en précisant que chacun sera libre de s’installer ou pas dans le bunker.

Retour à L’Horloger des Brumes.

2 comments

  1. c’est pas si bête, de penser à se protéger des machines qu’on fabrique….
    mais “les meilleurs parmi nous” (selon Sutskever) valent-ils le béton du bunker ?

    bien sûr, ce serait plus malin (mais moins fun) de ne pas fabriquer la machine et de laisser l’eau et les arbres faire leur job d’eau et d’arbre (qui, même s’ils ne le font pas dans ce but, nous maintiennent vivants et pensant mieux que cent mille diodes)

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    • En arrivant aux dernières pages du livre (magistral) de Karen Hao, je suis plus convaincue que jamais de l’étroitesse de vue conduisant tout droit à la stupidité de la soif de pouvoir de certains – l’emballement semble se produire, puis se nourrir, de lui-même. Les solutions existent; mais comme pour tout le reste, elles requièrent un minimum d’attention au réel de la majorité, de préférence aux fantasmes et aux délires de quelques-uns. C’est loin d’être gagné.

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