8 juillet 2024

Rêve : un prêtre entre en coup de vent dans mon bureau pour prendre une des plantes enveloppées dans du papier kraft. Mon adjoint lui dit que toutes ces plantes ont été réservées par Mélenchon. Le prêtre arrache le papier kraft entourant la plante: elle consiste d’une seule tige portant une petite fleur rose. Je dis: “S’il y a une personne qui mérite cette fleur, c’est bien cet homme.” Il sort en prononçant un commentaire d’une énorme vulgarité au sujet de Mélenchon. Quelque chose de pas du tout chrétien, en tout cas.

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Hier matin, sur la place centrale, coulaient deux courants de bonne humeur, comme dans une rivière charriant deux cours d’eau qui ne se mêlaient pas : d’un côté, la bonne humeur bon enfant des gens réunis autour de la parade des masques du Festival Rues d’Été et de l’autre, des groupes d’hommes d’un certain âge, dans la section du marché lui-même, d’une bonne humeur explosive, se saluant à coups de “ça y est ! Enfin, on y est !” dont on comprenait aussitôt qu’ils ne célébraient pas la 16e édition du Festival en question. Hier soir, une immense clameur de soulagement s’est élevée autour de la buvette du Festival – toujours le dernier élément à être démantelé. Les tenants de l’autre courant devaient grincer des dents. Ici, dans la 2e circonscription du Tarn, Karen Erodi représentant le NFP a été réélue par une courte tête sur le candidat RN. Il serait illusoire d’imaginer que nous voguons désormais sur les flots bleus du bonheur; mais soulagement quand même à ce que le pire soit évité dans l’immédiat. On se prépare à vivre une traversée houleuse mais, au moins, le cadre même de la Constitution française n’a pas été détruit hier soir par une victoire décisive du RN.

J’ai une envie plus que moyenne de visiter ma page facebook dans l’immédiat. Je vais laisser la poussière retomber un peu avant de prendre connaissance des analyses et commentaires plus ou moins astucieux qui vont y fleurir, pendant que les négociations vont bon train dans les coulisses et officines du pouvoir. Pour l’heure, sur la place publique, la grande bataille des récits ne fait que commencer. J’anticipe sans difficulté (mais avec une certaine lassitude) le flot d’inepties qui va déferler.

Pause. Question que les mots égarés émergent du vacarme.

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En attendant, cette traduction de l’opinion de l’historien Timothy Snyder concernant le traitement accordé par les grands médias à la question de la capacité de Biden de remporter la victoire présidentielle sur Trump, opinion publiée dans sa chronique sur substack.com :

Le fascisme et la peur

Le moment, les médias, l’élection

TIMOTHY SNYDER
7 JUILLET

Les grands médias ont traité le président Biden avec préjudice et arrogance. Un certain nombre de Démocrates, réagissant à cette attitude, considèrent toute mention de l’aptitude du président Biden comme un manque de loyauté. C’est une erreur, même si elle est compréhensible.

Le fascisme de Trump est l’une des sources de l’énergie négative. Se concentrer sur ce point ne répondra pas à la question de savoir ce que feront les Démocrates, mais nous aidera à comprendre le contexte dans lequel se déroule la discussion. Par fascisme, j’entends simplement (1) le culte de la personnalité d’un leader ; (2) le parti qui devient un parti unique ; (3) la menace et l’utilisation de la violence ; et (4) le grand mensonge qui doit être accepté et utilisé pour remodeler la réalité : dans ce cas-ci, que Trump ne peut jamais perdre une élection.

On pourrait en dire beaucoup plus (comme je l’ai fait ailleurs), mais c’est le grand mensonge officiel et les menaces de violence qui sont un danger pour ceux dont le travail consiste à rapporter la vérité. Trump a déclaré publiquement qu’il considérait les journalistes comme des ennemis du peuple. Que dois-je penser – pourrait se demander un journaliste – des propos de Trump sur l’arrestation des journalistes ? Lorsqu’elles ne sont pas confrontées, ces questions deviennent des peurs qui se réalisent d’elles-mêmes.

Ça, c’est la version subtile. Pendant ce temps, ceux qui sont plus haut placés dans les entreprises peuvent aimer les sondages que Trump génère, ou aimer Trump lui-même. Il est donc plus facile de garder le débat au niveau personnel, de donner du temps à Trump, en pensant qu’il se discréditera lui-même, et de se concentrer sur l’âge de Biden plutôt que sur ses réalisations. Les journalistes peuvent avoir l’impression que le travail est fait lorsque seul Biden est critiqué – alors qu’en fait, le terrain a été déplacé par le fascisme, ou par l’incapacité à l’affronter.

C’est ainsi que le fascisme se répand et s’installe dans nos esprits pendant cette période cruciale entre la première tentative de coup d’État de Trump et la seconde. L’administration Biden est soumise à des normes, alors que l’administration Trump précédente ne l’est pas ; et Biden personnellement est soumis à des normes, alors que Trump en tant que personne ne l’est pas. Cela contribue à créer une aura fasciste. Il doit y avoir quelque chose de spécial chez Trump pour qu’il soit différent des autres : un leader au-delà de toute critique plutôt qu’un simple pirate endetté, un criminel du Queens ou un client d’un dictateur russe.

Il devrait sembler étrange que les appels à la démission lancés par les médias n’aient pas d’abord été adressés à Trump. Si nous demandons à Biden de se retirer parce que quelqu’un doit empêcher Trump de faire tomber la République, alors il aurait été plus logique de demander d’abord à Trump de se retirer. (C’est ce qu’a fait le Philadelphia Inquirer). Je connais les contre-arguments : ses supporteurs ne s’en seraient pas souciés et ils n’auraient pas écouté. Le premier argument passe à côté d’une question importante. Il y a pas mal d’Américains qui n’ont pas encore pris leur décision. La seconde revient à obéir par avance. Si vous acceptez qu’un fasciste soit hors de votre portée, vous avez normalisé votre soumission.

Lorsque les médias décrivent les discussions entre Démocrates comme un chaos et un désordre, ils suggèrent implicitement qu’il vaut mieux que le chef d’un parti ne soit jamais remis en question. (Est-ce dire que le fait de faire partie d’un ensemble est une bonne chose en soi ?) On passe à côté d’un aspect évident : Les Démocrates peuvent dire ce qu’ils veulent, car aucun d’entre eux n’a peur. Et c’est une bonne chose ! La gouverneure Maura Healey peut exprimer son désaccord et Joe Biden peut exprimer sa frustration à son égard – mais personne ne s’inquiète pour la sécurité physique de Maura Healey.

Trump, en revanche, contrôle son parti par la terreur stochastique (aléatoire), de menaces émises sur les médias sociaux qu’on peut s’attendre à ce que ses adeptes les mettent à exécution. Les Républicains quittent la politique parce qu’ils craignent pour eux-mêmes et leurs familles. Ceux qui restent obéissent tous à l’avance. C’est nouveau, cela ne devrait pas être normal et cela ne devrait pas se répandre davantage. Mais cela devient normal lorsque nous considérons les discussions, et non la coercition, comme anormales.

Si j’ai raison de dire qu’une grande partie de l’énergie derrière l’attaque de Biden est de la peur déplacée d’un changement de régime, une grande partie des médias continuera à générer de l’écume fasciste pour Trump, que Biden soit ou non le candidat Démocrate – à moins, bien sûr, que les journalistes n’affrontent leurs peurs, qu’ils gardent la question du changement de régime à l’intérieur de l’histoire comme l’un de ses éléments, et qu’ils fournissent une alternative constructive à côté de la critique personnelle.

Trois critères déterminent la bonne foi de ceux qui proposent que le président Biden se retire. Le premier consiste à reconnaître que le premier mandat de M. Biden a été marqué par des réalisations extraordinaires. Le deuxième est un plan sur ce que les Démocrates feraient, si M. Biden se retirait, afin de sélectionner un candidat et de remporter l’élection. La troisième est la reconnaissance du fait que la menace d’un changement de régime pourrait justifier le changement de candidat. 


Je ne veux pas éluder la question de la candidature du président Biden – j’aurai quelque chose à dire à ce sujet. Mais j’ai trouvé que je ne pouvais entrer dans la discussion qu’après avoir dit un mot sur la façon dont elle a été déformée – par le fascisme et la peur.”

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Dream: a priest rushes into my office to take one of the plantes wrapped in brown paper My assistant tells him all the plants have been reserved by Mélenchon. The priest rips off the paper around the plant, revealing a single small stalk holding a tiny pink flower. I say :” If there’s one person who deserves this plant, it is this man.” He leaves, pronouncing an enormously vulgar comment about Mélenchon. Something not at all Christian, that’s for sure.

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Yesterday on the central town square, two streams of good humor ran, like in a river carrying two streams of water that didn’t mix: on one side, the pleasant good humor of folks gathered round the parade of masks of the Street Festival and on the other, in the market area, that of groups of middle-aged men exploding in excited calls of “this is it! We’ve done it at last!” that could easily be understood as not expressing glee over the 16th edition of said Festival. Last night, a huge hurrah went up around the Festival drinking hole – always the last part of the installation to be dismantled. Those of the other tendency were probably grinding their teeth. Here , in the 2nd District of the Tarn, Karen Erodi, representing the leftist NFP was re-elected by a short majority over the extreme-right candidate of the RN. It would be illusory to imagine that we are now sailing forth of the blue waters of happiness; but there’s relief nonetheless in the fact we have avoided the worst for the time being. A choppy ride is in view but the general frame of the French Constitution was not torn down yesterday by an overall victory of the RN.

I’m less than inclined to a visit on my facebook page for the time being. I’ll let the dust settle a bit before taking in the more or less astute comments and analyses that will be blossoming there while the haggling rages in the back rooms and alleys of power. For the time being, the Battle of the Storytelling is only beginning to take shape.

Pause. So that the words gone astray can re-emerge from the din.

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In the meantime, this opinion by historian Timothy Snyder, concerning the skewed commentary produced by mainstream media over the debate concerning Biden’s fitness to win the presidential election against Trump (from his substack.com column) :

Fascism and Fear

The Moment, The Media, The Election TIMOTHY SNYDER
JUL 7

Mainstream media have treated President Biden with prejudice and arrogance. Quite a few Democrats, reacting to this, treat any mention of President Biden’s fitness as disloyalty. This is mistaken, if understandable.

One source of the negative energy is Trump’s fascism. Focusing on it will not answer the question of what Democrats do, but will help us to understand the context in which the discussion is taking place. By fascism I just have in mind (1) the cult of personality of a Leader: (2) the party that becomes a single party; (3) the threat and use of violence; and (4) the big lie that must be accepted and used to reshape reality: in this case, that Trump can never lose an election.

Much more could be said (as I have done elsewhere), but it is the official big lie and the threats of violence that are dangerous to those whose job is to report truth. Trump is on the record as regarding reports as enemies of the people. What should I make — a journalist might ask — of Trump’s talk of arresting journalists? When not confronted, such questions become self-realizing fears.

That’s the subtle version. Meanwhile, those higher up in corporations might like the ratings Trump brings, or like Trump himself. And so it is easiest to keep things personal — give Trump time, on the self-deluding logic that he will discredit himself, and focus on Biden’s age rather than his achievements. For reporters it can feel like the work is being done when only Biden is at the receiving end of criticism — whereas, in fact, the ground has been shifted by fascism, or by the inability to confront it.


And so fascism spreads and settles in our minds during this, the crucial period between Trump’s first coup attempt and his second. The Biden administration is being held to standards, while the previous Trump administration is not; and Biden personally is being held to standards, while Trump as a person is not. This helps to generate a fascist aura. There must be something special about Trump such that he is different from others: a Leader beyond criticism rather than just an indebted hack or a felon from Queens or a client of a Russian dictator.

It should seem odd that media calls to step down were not first directed to Trump. If we are calling for Biden to step aside because someone must stop Trump from bringing down the republic, then surely it would have made more sense to firstcall for Trump to step aside? (The Philadelphia Inquirer did). I know the counter-arguments: his people wouldn’t have cared, and he wouldn’t have listened. The first misses an important point. There are quite a few Americans who have not made up their minds. The second amounts to obeying in advance. If you accept that a fascist is beyond your reach, you have normalized your submission.


When media folks describe discussions among Democrats as chaos and disarray, they are implicitly suggesting that it is better for a leader of a party to never be questioned. (Why, after all, is being part of an array a good thing?) An obvious point goes missed: Democrats can say what they want, because none of them is afraid. And that is good! Governor Maura Healey can express her dissent and Joe Biden can express his frustration with her — but no one is worried about her physical safety.
Trump, by contrast, controls his party through stochastic terror, threats issued through social media that his cult followers can be expected to realize. Republicans leave politics because they fear for themselves and their families. Those who remain all obey in advance. That is new, and it should not be normal, and it should not spread any further. But it becomes normal when we treat discussions, and not coercion, as abnormal.

If I am right that much of the energy behind the Biden pile-on is displaced fear of a regime change, much of the media will continue to generate fascist froth for Trump, whether or not Biden is the Democratic nominee — unless, of course, journalists confront their fears, and keep the issue of regime change inside the story, and provide a constructive alternative alongside personal criticism.

There are three tests of good faith for those who are proposing that President Biden step down. The first is recognition that Biden’s first term has been one of extraordinary achievement. The second is a plan for what the Democrats would do, should Biden withdraw, to select a nominee and win the election. The third is recognition that the threat of regime change is what might justify changing the nominee.

I don’t want to dodge the issue of President Biden’s candidacy — I will have something to say about that. But I found I could only enter the discussion after saying a word about how it has been warped — by fascism and fear.

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