16 octobre 2023

Hier, rentrée tard d’une trop longue journée, j’ai lu et re-lu le poème 1er janvier 1924 de Mandelstam dans les diverses versions que j’en ai, en français et en anglais, pour en tirer ce que j’en peux, hors du russe que je lis en ne comprenant qu’un mot sur sept ou huit. Poème traversé par l’image de pommes: celle des yeux fermés du siècle, comme deux pommes sommeillantes, de l’odeur de pomme de la neige, du son de pomme croquée que font les patins du traîneau dans la neige. Et toutes les phrases soulignées dans ma copie bilingue bien usée de la Librairie du Globe dans laquelle j’ai collé diverses traductions trouvées ailleurs. Lourdes paupières fermées et pourtant transparentes. Nulle part où fuir le siècle. Et la neige “à l’odeur d’autrefois.”

Un peu à l’image du plus difficile en temps réel : l’impossibilité de communiquer avec qui que soit autour de moi là où mes pensées et mes sentiments errent ces jours-ci. Tout se passe en surface avec les autres, même lorsqu’on tente d’aborder des questions plus profondes, ni par leur faute, ni par la mienne. Comme si nous étions tout simplement syntonisés sur des longueurs d’onde différentes.

De ces deux observations, mes rêves me racontent qu’au final, c’est avec ces éléments épars que je dois composer, pendant que se jouent des parties d’échecs dont chacun s’imagine être le maître des horloges. Image d’Alice dans le monde de Through a Looking Glass, monde qui se prend pour un échiquier avec trop de joueurs s’imaginant en être des grands maîtres, alors que le monde n’est rien de tel et n’a jamais eu vocation à le devenir.

Premières pensées “de jour” pour la Pologne où le parti pro-européen dirigé par Donald Tusk semble détenir l’avantage des voix sur le PiS d’Orban. Si ça se confirme, ça sera toujours une plage de répit de ce côté. Pour le reste, les conflits s’étalent comme de l’encre sur la page, on se garde encore de décrire le tout comme une guerre mondiale dont on fait plus que frôler les banlieues dorénavant.

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Journées remplies; c’est tout de même le temps du rêve qui dit le vrai.

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Last night, home late after too long a day, i read and re-read Mandelstam’s poem January 1st 1924 in the various versions I own, in French and in English, to draw as much out of it as I can, outside the Russian I read while only understanding one word out of seven or eight. Through it all, the recurring image of apples: that of the century’s closed eyelids like two apples, the apple smell of snow, and the sound of crisp apples made by the skates of the carriage in the snow. And all the underlined bits in one of my well-worn bilingual copies from Librairie du Globe in which I’ve pasted in other readings from various sources. Heavy lids, closed yet transparent, no place where to flee the century. And the fragrance of snow, with a smell of bygone days.

All of this a bit in the image of what I find the hardest in real time: the impossibility of communicating with anyone around me about where my thoughts and feelings roam these days. Exchanges take place on the surface, even those attempting to move into deeper realms, not through any fault of theirs, nor of mine. As if we were simply attuned to different frequencies.

From these two observations, my dream say that in the final reading, I must do with those scattered elements, while games of chess are being played in which each protagonist takes himself for the Master of the Clocks. Image of Alice in the world of Through a Looking Glass, a world taking itself for a chess board with too many chess masters, when, in fact, it is nothing of the kind and was never meant to be.

First “day thoughts” go to Poland where the exit polls give the pro-European party led by Donald Tusk seems an advance over Orban’s PiS. If confirmed, it will at least offer a respite at that end. For the rest, conflicts are spreading like ink on the page, there is still care taken not to describe the whole thing like a world war in which we are more than skimming the suburbs now.

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Full days. Yet dreamtime is still the most truthful.

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