25 juillet 2023

Que dire, après une pareille tournée matinale des infos ? Que les incendies et chaleurs extrêmes semblent avoir poussé tout l’air frais sur la région que j’habite où les nuits sont d’une fraîcheur inhabituelle et les jours dans les températures normales pour la saison ? Ce qui expliquerait que le parc devant chez-moi demeure vide, tout d’un coup ?

Qu’avec l’aval du ministre de l’intérieur français, la haute direction de la police se permet de rabrouer la justice pour le placement en détention provisoire d’un policier dans encore une autre affaire de brutalité extrême, injustifiée selon toutes les apparences ? Et que le Président de la République louvoie pour éviter d’offenser les “gardiens de l’ordre” en nous disant que notre société a besoin de plus d’autorité à tous les niveaux, y compris dans les familles ?

Que, selon Le Monde, “le Kremlin dément avoir visé la cathédrale d’Odessa (« Nos forces armées ne frappent jamais des infrastructures sociales et encore moins des églises (…). Nous démentons ces accusations, c’est absolument faux. Il s’agit ici de tirs antimissiles [ukrainiens] qui ont été lancés et ont détruit la cathédrale », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Qu’en Israël, un gouvernement contrôlé par la droite extrême s’en prend aux prérogatives de la Cour Suprême du pays, sous l’impulsion d’un homme traînant moultes casseroles judiciaires, et non des moindres ?

Je sais. Tout ça donne envie de hurler. Je m’oblige à lire ce genre d’horreur pour ne pas céder à mon envie de hurler, justement. Pour ne jamais oublier qu’il n’y a pas un seul de ces pourris qui mérite autre chose que la prison à perpétuité. Et le plus tôt serait le mieux. (Non, je ne suis pas partisane des mises à mort, une forme de punition beaucoup trop rapide à mon goût; elle n’a de sens que si l’on croit qu’elle débouche sur une condamnation éternelle aux enfers. Non, c’est sur terre qu’ils font le mal, c’est sur terre qu’ils doivent en subir les conséquences.)

*

Au lieu de gaspiller de l’énergie à hurler, j’ouvre La Russie l’Été de Kari Unksova* (au hasard, comme j’ouvre toujours les livres, dans des moments semblables) et je tombe sur le poème Cinq sourires de l’intelligentsia dont deux vers retiennent particulièrement mon attention :

Le jeu de l’histoire est trop bancal

Pour justifier une objectivité du mal

On ne saurait mieux dire. Mais qu’est-ce que la bataille est inégale, quand même. Car c’est bien elle, Kari Unksova, qui fut fauchée par une voiture sortie de nulle part, à quelques jours de son départ définitif de la Russie.

De toute évidence, le pendule se déplacerait un peu plus vers le bien qu’on ne s’en porterait que mieux.

*Kari Unksova, La Russie l’Été, préface et traduction d’André Markowicz, Les Éditions Mesures, 2021

*

De l’historien Alain Besançon, je ne connais rien d’autre que cet hommage qui lui est rendu dans Desk Russie. Hommage dont je retiens surtout ce passage sur sa conception de l’idéologie qui me paraît fort juste: “L’idéologie n’est pas une vision du monde, un projet grandiose, mais une « réalité fictive » qui s’impose en détruisant la « réalité réelle ». Le cœur de l’idéologie est cette duplication des réalités et la lutte de la réalité fictive contre la réalité réelle. Il y a bien une croyance révolutionnaire dans la phase de prise du pouvoir mais, une fois le pouvoir conquis, l’idéologie devient le pouvoir même : « L’idéologie n’a plus à être crue, même sous la forme de la fausse évidence sous laquelle elle s’était autrefois emparée des consciences révolutionnaires. Elle est du fait : elle est le pouvoir. Elle a donc à être exécutée. »

Et vraiment, c’est bien de cela qu’il s’agit.

*

What is there to say after such a morning tour of the news ? That the fires and extreme temperatures seem to have pushed all the fresh air into the region where I live, where the nights are unusually cool and the days only as hot as they are usually in this season? Which would explain why the park across the street stays empty, all of a sudden?

When with the approval of the French Minister of the Interior, the upper echelons of the police allow themselves to chide the judiciary for the temporary detention of a policeman in yet another incident of extreme brutality, unjustified according to all appearances? And when the President of the Republic equivocates so as to avoid offending the “guardians of the peace” by telling us our society is in need of more authority at all levels, including in families?

When, according to Le Monde, “the Kremlin denies having targeted the cathedral in Odessa ( « Our armed forces never strike social infrastructures and churches even less (…) We refute these accusations, they are absolutely false. These were antimissile (Ukrainian) launches that destroyed the cathedral”, declared Dmitri Peskov, the Kremlin’s spokesman.)  

When in Israël, a government controlled by the extreme right wing attacks the prerogatives of the country’s Supreme Court, under the impulse of a man facing judiciary accusations, and not of the slightest import.

*

I know. All this makes you want to howl. But I force myself to read these horrors, precisely so as not to waste my energy in howling. So as never to forget that not a single one of those rotten ones deserves anything other than perpetuity in prison for all the harm they are causing. And the sooner the better. (No, I don’t advocate death sentences, much too swift a form of punishment, in my view. A death sentence only makes sense if you believe an eternal sentencing to hell will follow. No, they commit evil on earth. On earth must they suffer the consequences for it. )

*

Instead of wasting my energy on howling, I open Kari Unksova’s La Russie l’Été (at random, as I always do in such moments) and come across the poem Five Smiles of the Intelligentsia in which two verses hold my attention. They could be translated as

History’s game is too wobbly

to justify evil’s objectivity

No one could put it better. But the battlefield is so uneven, so often. And Kari Unksova is precisely one who was rammed down by a car, a few days before quitting Russia permanently. Clearly, the pendulum would swing a bit toward the good that we would all be the better off from it.

*

I know nothing of historian Alain Besançon other than the testimonial dedicated to him in Desk Russie. A testimonial I note especially for this passage concerning his reading on ideology which strikes me as most apt: “Ideology is not a vision of the world, a grandiose project, but a “fictitious reality” that imposes itself through the destruction of “real reality”. At the heart of ideology is this doubling of realities and the struggle of fictitious reality against the real one. A revolutionary faith truly exists during the seizing of power, but once power is conquered, ideology itself turns into power. Ideology no longer needs to be believed, even under the guise of the phony evidence under which it previously took hold of revolutionary consciences. It becomes a fact: it is power. It must thus be carried out.”

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2 comments

  1. HURLER.   Pourquoi pas? Ça libère et cela ne fait de tort à personne…

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