4 juillet 2023

C’est un aspect du texte Sur la violence d’Hannah Arendt qui n’avait pas retenu mon attention. Mais de retour dans la ville où j’habite et au contact de l’immense ras-le-bol de ceux et celles autour de moi qui se décarcassent depuis des années, la comparaison me saute aux yeux.

Dans son texte, Arendt fait référence aux “hippies”, mouvement dont elle dit ne pas tenir compte puisque ces jeunes choisissent de s’éloigner de tout ce qui est de nature politique. C’est justement la tentation qui guette un nombre grandissant de responsables d’associations qui n’en peuvent plus d’être ignorés, déconsidérés, sous-financés et soumis à une déshumanisation croissante des rapports avec les administrations – le règne du tout-informatique qui fait que la préparation et la mise en ligne des demandes de subventions grugent plus de temps salarié qu’elles n’en rapportent en argent soutenant leurs actions. L’envie de tout plaquer, d’aller cultiver un petit lopin dans une zone hors-réseau, on me la confie presque tous les jours.

Mais cet habitant de la Villeneuve de Grenoble le dit mieux que moi. Moi aussi, je m’étonne qu’on s’étonne.

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Non, je ne raconte pas tout sur cette page, là n’est pas mon propos. J’espère tout simplement y dégager l’espace mental des encombrants qui rendent inaudibles les voix de personnages qui me tiennent à coeur. Je n’y parviens pas toujours. Hier, il n’y eut que deux petites phrases à émerger du fatras des interruptions et soucis divers et variés.

Lu, lu et relu à voix haute un poème de Kari Unksova hier dans la traduction d’André Markowicz.* Le premier vers coule d’un seul mouvement: “S’écoulait le temps serein sur les vallons et les ravins de nos douleurs…” et le sable coule, coule dans le sablier.

Je rêve que les langues salies par les menteurs retrouvent leur dignité. De mots, de musique et de couleurs.

*Kari Unksova, La Russie l’Été, préface et traduction d’André Markowicz, Les Éditions Mesures, 2021

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It’s one aspect of Hannah Arendt’s text On Violence that hadn’t held my attention. But now that I’m back in the town where I live and in contact with the huge fed-upness of those around me who’ve been putting themselves out for years, the comparison is striking.

In her text, Arendt refers to the hippy movement, saying she isn’t taking it into account since those young people choose to move away from everything having to do with politics. That’s precisely the temptation lurking for a growing number of people who are responsible for associations and who are tired of being ignored, not considered, under-financed and subjected to a growing de-humanization of contacts with administrations – the rule of all-through-internet that turns the elaboration and filing on line of subsidy request a labor-intensive proposition that uses up more money in salaries that it brings in for activities. The urge to drop everything, to head out to cultivate a small plot of land out in a no-internet zone, I hear it almost every day.

The words published on a Médiapart blog by a resident of one of the “neighborhoods” say it better than I can (in French– What surprises me is that they are surprised, he says.)

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No, this page is not a tell-all, that is not its purpose. I simply hope to clear out here enough of the mental clutter covering the voices of characters I care about. It doesn’t always work. Yesterday, only two measly sentences managed to emerge from the muddle of diverse and varied interruptions and concerns.

Read, read and re-read out loud a poem by Kari Unksova translated in French by André Markowicz. The first verse flows like the sand in the hourglass she mentions in the poem.

I dream of languages dirtied by the liars recovering their dignity. Of words, of music and of colors.

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