
Je ne sais pas si la photo vue sur facebook est un montage ou si l’affiche existe vraiment. Je n’ai pas les connaissances techniques pour déceler le vrai du faux quand le travail est de cette qualité. Il s’agit d’une affiche sur un espace enneigé qu’on dit être à Moscou. Sur fond noir, on lit en lettres blanches :
Граница России нигде не заканчивается
(Granitsa Rossii nigde ne zakanchivayetsya)
C’est-à-dire : La frontière de la Russie ne s’arrête nulle part.
Ce qui est manifestement un non-sens si énorme qu’il me fait douter de l’existence réelle de ce panneau. Mais le non-sens et/ou les inversions de sens étant l’ordinaire de la communication gouvernementale en Russie, comment savoir quand, au niveau du comportement, c’est bien là l’attitude prônée par un Douguine, par exemple, qui estime que la Russie devrait ‘avaler’ l’Europe. Evidemment, la réalité pose de sérieuses contraintes à ce rêve, mais cette photo est en droite ligne de la conception qui anime les aspirations impériales et colonisatrices de Poutine.
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La guerre se poursuit. La Chine vient proposer sa “médiation”. J’ai le plus grand respect pour Zelenskyi et son équipe, confrontés à de tels intérêts dont on est en droit de se méfier en matière de bienveillance, mais qu’on ne peut d’aucune façon ignorer.
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Toujours en état de perplexité concernant cette pauvre poule avertie qui en valait deux et dont on me dit qu’elle décourage le lecteur par l’accumulation de ses malheurs. Eh oui, c’est très embêtant, ces gens qui cumulent les désastres. Peut-être, comme les paratonnerres, servent-ils à dévier la foudre , protégeant ainsi les inconscients autour d’eux, qui sait ?
En attendant, une des courtes nouvelles d’hier, terminée à l’aube aujourd’hui (inspiré par le personnage de Belacqua dans le Purgatoire de Dante, personnage préféré de Beckett, fervent admirateur de Dante, Belacqua, le saint patron du “A quoi bon ?”:
Le mystère de l’araignée
De masse corporelle, elle a environ la moitié de celle d’une fourmi; huit longues et fines pattes d’un marron tirant sur le beige, ou d’un beige tirant sur le marron. Son empire s’étend depuis la petite fenêtre dans le salon jusqu’au feuillage des quatre plantes reposant sur une tablette directement sous celle-ci. Dans ce voile plutôt étendue, jamais la moindre trace de proie.
D’où le mystère à savoir de quoi elle vit.
De temps en temps, l’humaine tente de l’attraper pour la reloger ailleurs. Elle s’empresse alors de se réfugier dans l’angle formé par deux murs et le plafond. Une fois terminée la destruction de sa toile, elle redescend. Le lendemain le plus gros de la toile est déjà reconstitué. C’est à croire qu’elle considère l’ intervention comme un service de dépoussiérage augmentant l’efficacité qu’aura certainement ce nouvel ouvrage…dans lequel, des jours plus tard, il n’y a toujours aucune trace de proies.
D’où le mystère persistant, à savoir de quoi elle vit.
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Pour l’humaine, le mystère était autre. On en revenait toujours à la faute.
A la faute qui lui appartenait en propre.
La faute qui engendrait les erreurs de jugement et toutes leurs conséquences – malheureuses, bien sûr, mais à qui la faute ? À elle. Voilà.
Sa faute. « C’est de sa faute, aussi. » Et elle aurait beau faire, beau dire, la faute était là dès le départ qui faisait son boulot de faute : elle faussait tout.
Elle faussait tout. Systématiquement. Quels que soient les efforts de l’humaine, ils n’atteindraient pas le but qu’elle s’était fixée.
Alors elle abandonnait ses efforts, évidemment et ça devenait donc de sa faute d’être ignorée, puisqu’elle ne faisait pas les efforts voulus, ne respectait pas les critères du concours, ne fournissait pas le travail requis. Elle avait abandonné, alors qu’elle ne vienne pas se plaindre qu’on l’ignorait.
Qu’elle ne vienne pas se plaindre.
Lui restait à vivre avec ses fautes, lesquelles, franchement, n’intéressaient personne.
Vivre. Vivre. Vivre. Elle était descendue au mauvais arrêt du train.
(Mais on l’aimait bien, n’allez pas croire. Vraiment, elle rendait service et elle n’embêtait personne.)
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(Illustration par Steffie Bayer)
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I don’t know if the image seen on facebook is a fake or if the billboard truly exists. I don’t have the technical knowledge required to distinguish the real from the false when the work is this well done. The billboard is set in snowy space we are told is in Moscow. On a black background it reads in white letters:
Граница России нигде не заканчивается
(Granitsa Rossii nigde ne zakanchivayetsya)
Russia’s borders do not end anywhere.
Which is obviously nonsense of such proportions that it leads me to doubt the real existence of this billboard. But nonsense and/or inversion of meaning being the norm in Russia governmental communications, how can one tell when, as far as behaviour goes, this is exactly the attitude preached by Dugin, for example, who considers that Russia should ‘swallow Europe’. Obviously, reality sets serious constraints on the dream, but this image is in perfect alignment with this concept that serves as inspiration for Putin’s imperialistic and colonizing aspirations.
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The war continues. China offers to “mediate”. I have the greatest respect for Zelenskyi and his team confronted by such interests, the benevolence of which one has every right to mistrust, yet, cannot ignore..
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Writing-wise, I’m still perplexed concerning that poor once bitten twice shy chicken of whom I am told she discourages the reader because of the accumulation of her woes. Must I lighten them somewhat ? Yes, I know, they are very disturbing, these people whose lives seem to collect disasters. Perhaps, like lightning rods, they serve to deflect the lightning, thus protecting the unconscious ones around them, who knows?
In the meantime, one of the shorts begun yesterday and finished at dawn this morning (inspired by the character of Belacqua in Dante’s Purgatory, Beckett’s favorite character and the patron saint of the school of “What’s the use ?” :
The mystery of the spider
Of body mass she has about half that of a ant; eight long, thin legs of a brown pulling toward the beige, or a beige pulling toward the brown. Her empire stretches from the small window in the living room to the foliage of four plants resting on a shelf directly under it. In this rather extensive veil, there is never the slightest trace of a prey.
Thus creating the mystery as to how she survives.
From time to time, the human attempts to catch her for relocation purposes. She then rushes to take shelter in the angle of the two walls and the ceiling. Once the destruction of her web is completed, she comes down. The following day, most of the web is already reconstituted. You would think she considers the intervention as a dusting service improving the efficiency to be expected of her new work…which, a few days later, still doesn’t show the slightest trace of prey.
Thus the persisting mystery as to what she lives on.
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For the human, the mystery was other. It always came back to the fault.
To the fault that was hers entirely.
The fault which engendered errors in judgment and all their consequences – unfortunate, to be sure, but whose fault were they ? Hers.
Voilà.
Her fault. “It’s her fault, after all.” And she might do or say whatever she liked, the fault was always there from the start, doing its job: falsifying everything.
Falsifying everything. Systematically. No matter what the human’s efforts were, they would never reach the goal she had set for herself.
So she gave up her efforts, obviously, and so it all became her fault if she was ignored, since she wasn’t making any of the required efforts, not respecting the criteria for the contest, not putting in the work required. She had given up, so she had no business complaining if she was ignored.
She had no business complaining.
There remainedliving with her faults which, frankly, didn’t interest anyone.
Living. Living. Living. She had stepped off the train at the wrong station.
(But don’t go thinking they didn’t like her well enough. Really, she was helpful, and didn’t bother anyone.)