5 février 2023

Evidemment, je n’ai aucune idée d’où, de qui et de quoi provient l’impulsion pour le poème qui apparaît à la date du 19 octobre 2015 dans les Partages d’André Markowicz*. De toute façon, une fois partagé, chacun tire d’un poème ce qui lui convient. Hier, je les transcris sur la dernière page du cahier de notes personnelles qui se terminait au 4 février 2023:

Cogne contre un mur fait de toi-même

ou plutôt de ce qui t’a fait toi,

cogne jour et nui, cherche des doigts

qui déplient les tiens et te retiennent

de glisser dans trop de feu. Tu n’aimes

qu’elle, qui ne dit “j’ai faim, j’ai froid”

(et le chien qui, dans le noir, aboie

casses, – donne paix et donne peine -)

qu’en toi-même; Tentative d’être

dans un angle, sans récit, à nu,

Te voilà, tu es la revenue

elle t’a fait signe à la fenêtre.

Tu es née de ce qui te refuse

malgré soi, tu n’as aucune excuse.

André Markowicz

*Partages 20215-2026, Éditions Mesures 2023

*

Ce matin, les premiers mots notés dans le nouveau cahier, phrase apparue tel quel au réveil: Je ne suis l’obligée de personne. La phrase n’a rien d’agressif – à mon oreille, elle sonne comme un simple constat qui soulage de bien des choses.

Je consacre la matinée à noter des poèmes dans le grand cahier de mes préférés (dont le fameux 3e dans les Élégies du Nord d’Anna Akhmatova qui me ramène toujours à l’un de ces espaces-taudis que j’ai habité avec mon enfant avec cet escalier menant à l’étage et donnant directement dans ma chambre. Le son des rats dans le mur, et leur odeur.

Hier soir, une première: je ne reçois presque jamais, sauf pour offrir le thé à une amie, à l’occasion. Nous nous sommes retrouvées à trois dans mon espace-salon ré-aménagé, après l’achat d’une vraie et bonne lampe de lecture; puis, à table pour une partie du fameux “ragoût de boulettes et de pattes de cochon” (elles sont reparties avec des provisions pour chez-elle).

Est-ce le fait qu’elles ont feuilleté l’album-photo de mes jeunes années ? Le fait qu’elles ont découvert, comme des enfants que, ah bon ? tu n’as pas toujours eu les cheveux gris ? L’évocation de souvenirs de mes séjours à Genève pour les discussions à l’OMPI, de mes trois ans en Israël à travailler avec l’armée américaine et le Air Force israélien, moi qui était pacifiste et végétarienne, à l’époque ? Un peu de tout ça, sans doute, me rappelant que je n’ai pas toujours été habitante de cette petite ville désindustrialisée où même les gens que j’aime bien ne m’ont jamais connue autrement qu’avec des cheveux gris ?

Bref, un sentiment inaccoutumé de liberté face aux attentes et/ou des projections des autres – et même celles que je m’impose à moi-même.Happy as a runaway slave comme chante Mighty Mo Rodgers. Take it as it comes, enjoy it while it lasts and make of it what you can.

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