
Marché du dimanche. Une connaissance dont la langue file à 120 km/seconde se précipite vers moi. “Comment vas-tu ? ah ces Ukrainiens qu’est-ce qu’on en a marre, hein ?” Je place rapidement: “Ils en ont certainement plus marre que toi.” Et hop elle reprend “oui, oh, est-ce qu’on a pleuré pour les Syriens, pour les Palestiniens, pour les….” bref, chacun justifie ses lâchetés comme il l’entend. Puis, une autre connaissance, un homme d’au moins 15 ans moins que moi, solidement installé dans le gémissement – il éprouve des vertiges, parfois, est-ce la même chose pour moi ? (Il avait la vilaine habitude de venir frapper à ma porte pour gémir au sujet de ses palpitations cardiaques; dorénavant, je n’ouvre plus, même si je suis à faire rien de plus intéressant que de me compter les doigts de pied.)
Mais je dois des remerciements à Brigitte Macron. Absolument. Grâce à sa petite sortie assassine contre la position du ministre de l’Education et ses souvenirs heureux de sa” petite jupette bleue marine” de couventine, je me suis souvenue de la procession des uniformes revêtus dans notre jeunesse: la tenue avec col de marins et petite cravate de mes deux soeurs aînées; puis le couvent aux deux uniformes obligatoires – celui de tous les jours – tunique bleu marine sur blouse à manches longues, et le costume grotesque des grands jours – robe noire ‘agrémentée’ d’un col ecclésiastique en celluloïd rigide et d’un ceinturon bleu ciel dont les deux éléments de la boucle en métal se rejoignaient pour former une invocation à la Sainte Vierge; et ainsi de suite ( sans parler des uniformes de guides ‘toujours prêtes’ à s’engager pour Dieu devant les hommes), la famille déménageant souvent et chaque congrégation imposant ses tenues, dispensées par la couturière agréée du couvent en question. Tout ça devait représenter une certaine somme, en plus des frais de scolarité, mais nos parents croyaient très fort à la valeur supérieure de l’enseignement privé sur celui dispensé publiquement.
Le plus intéressant, à cette étape de ma vie, étant que, grâce au commentaire stupide de Brigitte Macron, j’ai passé l’après-midi hier à rédiger des souvenirs de jeunesse et qu’il est toujours intéressant de plonger un regard dans le puits des moments antécédents.
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Internet continue son numéro de “fluctuat nec mergitur“, les commentaires sur facebook passent du très intéressant au vraiment nul; la révision stagne, j’ai une curieuse sensation d’être suspendue entre du passé parfaitement irrécupérable et de l’avenir totalement imprévisible. L’impression de la goutte d’eau suspendue sur une vitre, en somme.
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Sunday market. An acquaintance whose tongue flies at 120km/second rushes up to me. “How are you? Oh those Ukrainians, we’re so fed up with them huh?”; I manage to slide in a : “They’re certainly more fed up about it than you are.” And she’s off with “yeah well, did we cry like that over the Syrians, over the Palestinians, over the…” in short, one justifies one’s cowardices as one chooses. Then another acquaintance, a man at least 15 years younger than I am, solidly settled into moaning and groaning – he’s experiencing moments of faintness, at times, do I experience the same ? (He was in the bad habit of knocking at my door to moan and groan about his heart tremors; I no longer open the door, even if I’m not doing anything more interesting than counting my toes.)
But I must thank Brigitte Macron. Absolutely. Thanks to her murderous words against the position of the Minister of Education and her happy memories of her “little navy blue skirt” in her convent days, I was reminded of the procession of uniforms we wore in our youth: first, the one with the sailor collar and little tie worn by my two older sisters; then the convent with the two mandatory uniforms – the everyday one – navy blue tunic over long-sleeved blouse – and the grotesque ceremonial uniform – a black dress “embellished” with an eclesiastical collar in rigid celluloid and a light blue belt the two metal clasps of which formed an invocation to the Virgin Mary; (not to mention the girl Guide uniform of us “always ready” in the name of God before mankind) and so on, since the family moved often and each congregation imposed its own uniforms, prepared by the convent- approved seamstress. All of which must have added up to a nifty amount, along with the scholarship fees, but our parents were firm believers in the superior value of private schooling over the public variety.
At this point in my life, the most interesting part being that, thanks to Brigitte Macron’s stupid comment, I spent yesterday afternoon jotting down memories from my youth and that is always an interesting experience of plunging back in the well of past moments.
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The internet connection continues in its “fluctuat nec mergitur” ways, comments on facebook range from the very interesting to the totally worthless: the revision is at a standstill, I have the odd sensation of being suspended between a perfectly unrecoverable past and a totally unpredictable future. The impression of a drop of water suspended on a window, in short.
Et les soulies des grands jours qui ne pouvaient pas etre vernis! Et la tunique courte et les « bloomers » de gymnastique…
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les souliers ne devaient JAMAIS être vernis, Hélène en raison du risque qu’ils posaient de faire miroir sous la jupe… Ah, les tenues de gymnastique : tout d’abord le chemisier qui se boutonnait entre les jambes pour prévenir le risque qu’il ne dépasse à la taille; ensuite la culotte bouffante bleu marine, ensuite la jupe plissée bleu marine qui pendouillait sous les genoux pendant que nous faisions un tour bien rythmé de la grande salle au son d’une marche militaire…Du coup voilà que je me souviens qu’il était strictement interdit de s’asseoir sur les calorifères (au risque, cette fois, d’y découvrir “des sensations défendues avant la mariage” (combien de mariages ont été repoussés à plus tard après avoir bravé cet interdit et s’être dit “bof, si le mariage consiste à avoir les fesses au chaud, cela vaut-il vraiment la peine d’en faire tout un plat ?”) 🙂 Cheers to you.
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