Matin clair, frais, ensoleillé. Alors que je lis “Rouille” de Françoise Morvan, proposé par André Markowicz sur sa page Facebook, une femme hurle sur son téléphone, au bord de la rivière: « Oublie moi ! Oublie moi ! » suivi de cris trop déchirants pour qu’on en comprenne les mots. J’interromps ma lecture avec l’envie de descendre au bord de la rivière, lui retirer le téléphone et dire à cette inconnue : “non, c’est à toi de l’oublier. Jette ce téléphone à la rivière, change de nom, fais ce qu’il faut pour vivre autre chose.” Evidemment, je ne fais rien de tout ça.

J’attends que cessent les hurlements d’amour frustré, puis je reprends ma lecture, en y ajoutant les six lignes de Ronces.*

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À condition de passer outre à la hiérarchisation des sociétés et la désignation des sociétés animistes et totémistes comme étant ’primitives’ (point de vue qu’il partageait avec la plupart des occidentaux de son époque), Totem et Tabou** de Freud s’avère toujours intéressant si on se dit que le « totémisme nominatif » est toujours d’actualité dans la vénération et la sacralisation de paroles, tel « liberté, égalité, fraternité », par exemple, (sans obligation d’une application réelle de ces paroles ‘magiques’);  ou le « totémisme sociologique » qui rend si précieux des drapeaux,  ou les bouts de ruban, bleu blanc rouge, orange et noir  – bref, tout le bazar symbolique aussi présent chez les supposés « évolués » que les présumés « primitifs »  – les ‘évolués’ s’avérant d’un primitivisme avéré en situation de conflit. Quant au « totem » nucléaire, de moins en moins « tabou », je ne sais pas trop comment les survivants caractériseront ni les joujoux en question, ni ceux qui se sont arrogés le droit de tout détruire au nom de leurs haines trop longtemps cuites, recuites et vénérées.

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C’est un micro-trottoir comme bien d’autres. Celui-ci se déroule aux Etats-Unis devant une carte du monde. Les passants sont invités à situer l’Ukraine et la Russie sur la carte. Une seule personne y parvient. Pour les autres…et bien, parfois l’Ukraine est au Groenland, parfois les USA sont la Russie, ou bien la Chine, ou bien…le Guatemala (pourquoi pas). A plusieurs reprises, l’Ukraine se retrouve en Australie.Et, dans tous les cas, l’attitude des gens est “bof, qui voulez-vous que ça intéresse?” Trois d’entre eux répondent sans cesser de manger, pointant du doigt tout en mâchant. Vision effarante du grand n’importe quoi des gavés, pendant que d’autres s’activent à poursuivre leur dépossession de leur bien le plus précieux: la curiosité. Le goût de découvrir pour eux-mêmes. Le goût de ressentir autre chose que la sensation de plénitude du gavage.

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Matin clair, frais, ensoleillé. L’été se dirige vers un automne rempli d’inconnus. Lecture, écriture, traduction.

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*Françoise Morvan, Assomption, éditions Mesures 2019

**Sigmund Freud, Totem et Tabou, traduction de l’allemand par Samuel Jankélevitch, révisée par Olivier Mannoni, Petite biblio Payot, éditions Payot et Rivages, 2021

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Bright, cool, sunny morning. As I’m reading Françoise Morvan’s “Rouille” (Rust) suggested by André Markowicz on his Facebook page, a woman howls on her phone, down by the river: « Oublie moi ! Oublie moi ! » (Forget me!), followed by cries too heartrending to make out the words in them. I interrupt my reading with the urge of going down to the river, taking the phone from her and telling this stranger: “no, it’s your job to forget. Throw this phone in the river, change your name, do what you must do in order to live something else.” Of course, I do nothing of the kind.

I wait for the end of the howls of frustrated love, then I start reading again, adding the six lines of Ronces (Brambles).

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Conditional on passing over the hierarchization of societies and the designation of animist and totemist societies as “primitive’- a point of view he shared with most Westerners of his period – Freud’s Totem and Taboo is still interesting if one thinks of the “nominative totemism” still current in the veneration et sacralization of words such as “liberty, equality, fraternity” for example, (with no obligation to apply these ‘magical’ words); of the “sociological totemism” that renders flags so precious or bits of red white and blue, or orange and black ribbon – in short, all the symbolic paraphernalia just as evident in so-called ‘evolved’ societies as in the declared ‘primitive’ ones – the ‘evolved’ displaying an averred primitivism in situations of conflict. As for the nuclear ‘totem’, becoming less and less of a ‘taboo’, I don’t really know how its survivors will characterise either the magical toys in question or those who gave themselves the right to destroy everything in the name of hatreds cooked and recooked and venerated for such a long time.

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It’s one of those sidewalk camera numbers, like so many others. This one occurs in the United States with a map on display. Passersby are invited to show Ukraine and Russia on the map. Only one person manages to do so. For the others…well, sometimes Ukraine is in Groenland, sometimes Russia is where the United States are, or else in China or else in…Guatemala (why not). On many occasions, Ukraine ends up in Australia. And, in all instances, people’s attitude is “honestly, who cares ?” Three of them answer without stopping eating, pointing their finger while munching away. A frightening sight of the great who-cares of the force-fed, while others are busy at work destroying their most precious attribute: curiosity. The taste for discovery. The urge to feel something other than the surfeit of the overstuffed.

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Bright, cool, sunny morning. The summer moving toward an autumn filled with unknowns. Reading, writing, translating.