Et voilà/Just like that

(Paul Klee, Chemin principal et chemins latéraux, 1929)

Si je “m’écoutais” ce matin, je publierais plutôt l’une de ses eaux-fortes atroces, Le héros à l’aile ou le Phénix âgé, toutes deux de 1905.

Parce que j’ai la nette impression d’être témoin du démantèlement du monde tel que j’ai connu, et c’est d’une tristesse infinie qui n’ira qu’en grandissant, je crois. Et si je choisis plutôt d’axer mon regard sur les chemins latéraux dans la peinture de Klee, c’est parce qu’on ne peut pas tous pleurer en même temps. Et pour l’heure, ça n’est pas mon tour.

Mort, destruction, l’humain souillant son propre nid et celui de tous les êtres vivants.Tout cela est vrai. Hier soir, j’ai passé un long moment à observer des fourmis minuscules se régalant à partir de quelques gouttes tombées d’un fruit sur la table dans la cour. Ça m’a remis en mémoire une nouvelle d’Ursula K. Le Guin au sujet d’une fourmi émettant un hymne…à la liberté ? À la révolte contre l’autorité illégitime ?Disons-le comme ça. Réfractaire à l’embrigadement, en tout cas.

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Stare decisis” – la loi du précédent concernant la doctrine juridique du common law qui veut que les juges doivent s’en tenir aux règles de droit qui ont prévalu lors d’une décision antérieure. Apparemment, la Cour Suprême américaine ne se considère plus liée à ce principe fondamental. Et comme me le disait ma soeur dans un échange de mail, alors que la constitution américaine ne mentionne ni les femmes ni les enfants (et par conséquent, rien du tout concernant la reproduction humaine), voici que ces juges ultra-conservateurs qui se disent liés par une interprétation littérale de la constitution de leur pays sur le port d’armes, considèrent qu’ils ne doivent pas légiférer des droits n’apparaissant pas dans la constitution; juges dont certains avaient assuré le peuple américain qu’ils ne toucheraient pas à la loi autorisant l’avortement et qui viennent de démontrer ce que tous savaient déjà: le fait qu’ils étaient des menteurs.

Les femmes ? Il en faut, malheureusement, c’est comme ça, et puis elles sont parfois amusantes; mais surtout on en a besoin pour fabriquer des enfants. Eh oui, pas possible encore avec des imprimantes 3D (tiens, un nouveau projet pour Elon Musk, ça). Les enfants ? Quantités essentielles en matière de reproduction, de travail, de consommation, c’est certain, et puis sans eux, qui sera là pour élire des juges à leurs fonctions. Mais négligeables à tout autre égard: voilà le message clamé haut et fort – y compris par les imbéciles scandant leur “Droit à la Vie” orwellien – un droit apparemment réservé à leurs personnes (Hé! tu vois! Ma mère m’a pas avortée, moi!!!” Oui, et bien, ne m’incite pas à le dire… mais ça me ramène toujours à la loufoquerie d’imbéciles décidant de criminaliser toute éjaculation déposée ailleurs que dans un vagin, because ils ont le droit de concourir au “droit à la vie” tous ces petits spermatozoïdes, non? Ils sont vivants, aussi, oui? Alors??? )

Bref, pour la majorité des juges de la Cour Suprême des Etats Unis, les femmes sont des incubateurs et pour certains d’entre eux, elles ne sont rien d’autre. Une femme violée se retrouve enceinte ? un pas de plus pour le “Droit à la Vie”.

Une décision qui le fout mal provenant des plus hautes autorités juridiques d’un pays dont la réputation est déjà sérieusement écornée après la catastrophe des années Trump et tous ses relents et ses prolongements. Avec d’autres reculs à venir dans un moment où la solidarité est cruciale, si nous devons tenir le front contre les autoritarismes s’élevant de tous côtés.

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Rappel – comme si on en avait besoin – du fameux “rien n’est acquis à l’homme, ni sa force ni sa faiblesse ni son coeur” de Louis Aragon. Auquel, personnellement, je préfère donné une autre suite que la sienne. Car si c’est vrai des reculs, ça ne peut que l’être aussi des avancées, aussi difficiles soient-elles à identifier et à maintenir.

alors, comme d’habitude, en avant, forward, kadima, davaï… vers le beau, le bon, le rigolo et l’inattendu autre que du genre moche à pleurer. Tous les chemins ne mènent pas à Rome, oh non. Et s’ils devaient s’avérer qu’ils ne mènent pas ailleurs, il restera toujours l’option de prendre le champ. Ou le bois. Ou la mer. Chose certaine, je refuse d’adhérer à un monde déformé par et au profit des déglingueurs.

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If I were to “listen to myself” this morning, I would choose one of Klee’s etchings, either the Hero with wing or the Aged Phenix both done in 1905.

Because I have the distinct impression of witnessing the dismantling of the world as I have known it, and this is the cause of an infinite sadness that will only go on increasing, I believe. And if I choose instead to focus on the lateral roads in Klee’s painting, it is because we cannot all be crying at the same time, and it’s not my turn to do so.

Death, destruction, mankind fouling its own nest and that of all sentient beings. All true. Last night, I spent a long time observing a minute variety of ants feasting on a few drops of juice fallen from a fruit on to the table in the backyard. It reminded me of Ursula K. Le Guin’s short story about an ant messaging a hymn to…freedom ? Let’s call it that. Rebellion against illegitimate authority. Something against forced recruitment, at any rate.

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Stare decisis” – the law of precedent relative to the common law judicial doctrine stating that judges should stick to the rules that were applied when reaching an earlier decision. Apparently, the Supreme Court of the United States no longer considers itself bound by this fundamental principle. And as my sister mentioned in an exchange of emails, while the American constitution nowhere mentions women or children (and consequently has nothing to say about human reproduction), we have here ultra-conservative judges claiming they are bound to a literal interpretation of the constitution when it comes to guns, and cannot delve in matters outside the constitution’s purview; judges of whom some had assured the American people they would not touch the established law of land concerning abortion, and who have just demonstrated what everyone knew about them already: the fact they were lying when they said this.

Women? Children? In this mindset, they are essential when it comes to reproduction, because who’s going to produce the next bunch of voters, I ask you; negligible in all other aspects: that is the message proclaimed loud and clear – including by all the foolish ones chanting their Orwellian “Right to Life” – a right apparently restricted to themselves (“hey! See! My mommy didn’t abort me!” Yes, well, don’t tempt me to say it…because it always brings me back to the total jackass notion of criminalizing ejaculations other than in a vagina, because those bitty spermatozoa are entitled to compete in the “right to life” aren’t they? I mean, they are “life” too, aren’t they???)

In short for the majority on the United States Supreme Court: women are essentially and, for some, nothing but incubators. A raped woman is impregnated? Chalk one up for the “Right to Life”.

This is a heavy blow to the country’s highest judicial authority at a time when the country’s reputation has already been seriously damaged by the catastrophe of the Trump years and all its lingering and ongoing stench. With more to come at a time when solidarity is crucial, if we are to hold the line against the authoritarianism rising on all sides.

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A reminder – as if we needed one – of the famous lines by Louis Aragon “nothing is ever settled on man, neither his strength nor his weakness nor his heart “. To which, personally, I prefer given another continuation than his. Because although it is true of reversals, it must necessarily also be true of advances.

so, as usual , forward, kadima, davaï… toward the beautiful, the good, the funny, and the unexpected other than the lousy kind that makes you want to weep. All road do not lead to Rome, oh no. And if they do, we can always take to the fields. Or the woods. Or the sea. What is certain is that I refuse to subscribe to a world shaped by and for the benefit of dilapidators.

2 comments

  1. Bis. Souvenir du dechirement emotif parental lorsque je me suis mariee en 1964 et informe qu’etant donne que j’etais a ce moment soutien financier du couple,j’utîliserais la pillule…contre les edits de «  notre mere la sainte eglise »

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    • oui et, de mon côté, souvenir du “charcutage” d’une amie par une “faiseur d’ange” de ces époques qu’on croyait révolues. Quant au psychodrame lorsque j’ai annoncé ne plus aller assister à la messe et toutes ses retombées…Ah oui, le temps des résistances n’est j-a-m-a-i-s terminé. Hugs to you.

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