parce que

ce matin, j’ai jeté la moitié d’un oeil sur les informations et, d’un coup, la rebellion interne s’est déclenchée. Suffit ! Ras-le-bol des titres consacrés aux salauds ! (et plus ils sont immondes, plus ils en récoltent – titres, analyses, commentaires…) Ça va ! Assez ! Enough ! Maspik ! (et ainsi de suite).

Même mes propres prétentions au sérieux en prennent un coup. Je me refuse à croire que le sérieux humain soit ce que la nature peut produire de meilleur. La preuve est suffisamment faite que ça n’est pas le cas, non ?

Bref. Inspiré de Edward Lear The Nutcrackers and the Sugar Tong, et en absence de toute prétention à autre chose qu’une échappée hors du ras-le-bol, voici

Le casse-noisette et la pince à sucre

I

Casse-noisette sagement près de l’assiette assis

Près de la pince à sucre, sagement assise aussi,

De lui dire: l’idée ne te vient-elle jamais

D’ailler explorer prairies et forêts

Devrons-nous demeurer ainsi confinés

Inutiles et blasés, de remords dévorés

Alors que tous se déclarent au comble du bonheur

Sur le dos d’un cheval à galoper sans peur

II

Sans doute pourrions-nous sans instruction aucune,

Sans selle, ni bride, ni éperons

Vu nos jambes si longues et si opportunes

Oui, nul doute,  sans risquer la moindre infortune

Sans plus attendre, sautons en bas de la table

En toute hâte descendons nous saisir d’un cheval !

On y va ? Allez hop ! Nous en crois-tu capable ?

De répondre la pince: “c’est indubitable !”

III

Du long escalier dévalèrent les degrés

Pince jouait des claquettes, casse-noisette scandait “crac!”

L’écurie droit devant, les chevaux attendaient

Chacun prit un poney et sauta sur son dos

Le chat affolé de s’enfuir sans dîner

Les souris de la paille s’éjecter

Les rats bruns, les rats blancs, les rats noirs de Norvège

Tous du coup de frayeur,  de se retrouver beige.

IV

La maisonnée entière fut saisie d’étonnement

Tasses vides et soucoupes entraînées dans la danse

Assiettes et plateaux déchaînés par la transe

La salière affolée d’en faire des salto

Par dessus les cuillères rangées au cordeau

Le pot à moutarde grimpa sur le pâté

La louche à potage dans un accès de rage

Dévora les quenelles par moitié.

V

Le poêlon décréta: tout ça n’est qu’illusion

N’empêche que par trois fois siffla même la théière  

Tous se précipitèrent en grande confusion

Pour suivre la course des confrères

Surgissant à cheval, avec rires à foison

(sur leurs poneys en livrée marron)

pince à sucre en second, casse-noisette en premier

firent le tour de la cour puis du canton entier

VI

Galopèrent par les rues,  visitèrent des stations

S’élancèrent vers les lointains rivages

En silence ils allaient, sans aucun bavardage

Sauf pour dire: ” jamais ne reviendrons “

La pince joua des claquettes, le casse-noisette fit “crac”

Tout au loin leurs deux formes disparurent

Jamais on ne revit leurs figures.

*

(alors ? Parce que… parce que… Voir les titres sur l’Organe officiel des loufoques. A cette époque aussi, les zommes sérieux balançaient des bombes à qui mieux mieux, question de démontrer lequel serait le plus convaincant concernant le sérieux de ses bonnes intentions et de son amour immodéré pour la paix. Résultat des courses ? Un net accroissement de la puissance destructrice des bibelots catapultés de ci de là avec abandon. Sérieux, ah oui, bravo.)

*

(While English readers get to read the original by Edward Lear, minus my gnashing of teeth over headlines devoted to Whose the Scummiest of Them All ?)

 The Nutcrackers and the Sugar Tongs

I

The Nutcrackers sate by a plate on the table;

The Sugar-tongs sate by a plate at his side;

And the Nutcrackers said, “Don’t you wish we were able

Along the blue hills and green meadows to ride?

Must we drag on this stupid existence forever,

So idle and weary, so full of remorse,

While every one else takes his pleasure, and never

Seems happy unless he is riding a horse?

II

“Don’t you think we could ride without being instructed,

Without any saddle or bridle or spur?

Our legs are so long, and so aptly constructed,

I’m sure that an accident could not occur.

Let us all of a sudden hop down from the table,

And hustle downstairs, and each jump on a horse!

Shall we try? Shall we go? Do you think we are able?”

The Sugar-tongs answered distinctly, “Of course!”

III

So down the long staircase they hopped in a minute;

The Sugar-tongs snapped, and the Crackers said “Crack!”

The stable was open; the horses were in it:

Each took out a pony, and jumped on his back.

The Cat in a fright scrambled out of the doorway;

The Mice tumbled out of a bundle of hay;

The brown and white Rats, and the black ones from Norway,

Screamed out, “They are taking the horses away!”

IV

The whole of the household was filled with amazement:

The Cups and the Saucers danced madly about;

The Plates and the Dishes looked out of the casement;

The Salt-cellar stood on his head with a shout;

The Spoons, with a clatter, looked out of the lattice;

The Mustard-pot climbed up the gooseberry-pies;

The Soup-ladle peeped through a heap of veal-patties,

And squeaked with a ladle-like scream of surprise.

V

The Frying-pan said, “It’s an awful delusion!”

The Tea-kettle hissed, and grew black in the face;

And they all rushed downstairs in the wildest confusion

To see the great Nutcracker-Sugar-tong race.

And out of the stable, with screamings and laughter

(Their ponies were cream-colored, speckled with brown),

The Nutcrackers first, and the Sugar-tongs after;

Rode all round the yard, and then all round the town.

VI

They rode through the street, and they rode by the station;

They galloped away to the beautiful shore;

In silence they rode, and “made no observation,”

Save this: “We will never go back any more!”

And still you might hear, till they rode out of hearing,

The Sugar-tongs snap, and the Crackers say “Crack!”

Till, far in the distance their forms disappearing,

They faded away; and they never came back!

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