
Dies Illa*
Cette photo a été prise dans la cuisine où le jeune homme faisait son stage.
Je le connais depuis plus de trois ans. Depuis l’atelier de français dans lequel il m’avait fait le récit complet de sa traversée, à partir de trois mots pigés au hasard dans le “panier à mots”. Il avait écopé de: marin, fourchette, arbre. Et le récit s’était déployé depuis l’embarquement dans le canot destiné à couler dans une mer démontée; l’arrivée du bateau sauveteur; le premier repas à bord offert par le marin (avec la fourchette en plastique blanc); et l’attente interminable sur un parking bordé d’arbres d’une essence qu’il n’avait jamais vue.
Ce jour-là, il y a quelques jours de cela, la Cour a rejeté son appel. On prétend toujours qu’il est un faussaire – c’est-à-dire une menteur – qui n’a droit ni aux cours, ni aux stages en cuisine.
Les amis s’emploient à lui dire que ça n’est pas grave, qu’on trouvera bien une solution. Mais lui sait bien que si, c’est grave et que le but qu’il s’était fixé et qui dégageait déjà toutes ces effluves de lendemains savoureux se dissipe à nouveau dans une mer d’incertitude.
Voilà. Je pense à lui ce matin, lui pour qui je ne peux rien faire en ce moment. A lui et à ceux pour qui ce jour de fête ne veut rien dire, soit parce que la chrétienté et ses coutumes leur sont étrangères, ou ceux pour qui…
et là
la liste s’allonge.
*
Et ceux que les ennuis des autres indisposent ou laissent indifférents? Je pense à eux aussi? N’ont-ils pas, eux aussi, des soucis et des malheurs qui valent la peine d’être notés? Sans doute mais ils ne lisent pas ce blog, ce que je pourrais en dire ou en penser, ils s’en ficheraient, sans doute ou se lanceraient dans des diatribes inutiles. Alors je ne me fatigue pas trop à leur sujet.
* Dies illa: ce jour-là (en latin)
Dies Illa*
This photo was taken in the kitchen where the young man was doing his vocational training.
I’ve known him for three years. Ever since the French workshop in which he had told me the full story of his crossing, using three words chosen at random in the “word basket”. He had picked: marin (sailor), fourchette (fork), arbre (tree). And the tale had unfolded, from the boarding on the canoe designed for sinking in rough seas; the arrival of the savior-ship; the first meal aboard offered by the sailor (with the white plastic fork); and the endless waiting in a parking lot edged with trees of a kind he’d never seen before.
On that day, a few days ago, the Court rejected his appeal. It is still claimed that he is a forger – hence, a liar – not entitled to classes or training sessions in a kitchen. Friends insist on telling him it doesn’t matter, solutions will be found. But he knows that, yes, it matters, and that the goal he had set himself and that was already giving off scents of tasty tomorrows is vanishing again in a sea of uncertainty.
That’s all. I’m thinking of him this morning, for whom I can do nothing at the moment. Of him and of others for whom this Feast Day means nothing, either because they are strangers to Christianity and its customs, or because…
And here,
the list grows.
*
And those who are annoyed by or indifferent to other people’s troubles? Do I think about them too? Don’t they have sorrows and woes worth recording? Possibly, but they don’t read this blog, what I could say or think about them would probably leave them indifferent or lead to useless diatribes. So I don’t tire myself out too much thinking about them.
* Dies illa: that day (in Latin)
Quelle tristesse!!
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en effet.
(You will be pleased to know your carry-on suitcase is now being put to good use by another young man who’s setting off for school training.)
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