“Vivement qu’un jour je dise STOP au Foyer…”

Il y a des jours comme ça. Depuis ce matin, des situations douloureuses dans lesquelles l’expression de “choix cornéliens” prend tout son sens. Entre autres: une famille que j’accompagne depuis quatre ans, dont les parents reçoivent leurs OQTF (Obligation de quitter le territoire français),  alors que leurs enfants  sont sous la protection de l’ASE (Aide sociale à l’enfance), en raison de l’impossibilité des parents à assurer leur subsistance avec, à la clé,  la misère assurée dans le pays d’origine. Le mépris aussi mais ça, ils en ont déjà bien fait l’expérience avant et pendant leur séjour dans la patrie des Droits de l’Homme.

Au Foyer, en attendant le rendez-vous à leur sujet, je lis un petit texte affiché au mur et écrit par un autre jeune hébergé dans la même structure:

Il y a des bagarres, des fugues, des moqueries

Des fois, on va au stade faire un foot, un rugby

Sur le groupe, on est à peu près 10 enfants et 5 adultes pour nous encadrer.

Il y a 9 chambres, une pour chacun, c’est stylé!

Moi ça fait 5 ans que je suis dans mon foyer

et à force, ça me fait chier!

Ma famille me manque car je l’aime.

Je m’amuse bien quand même !

Ma soeur est avec moi et dans l’autre foyer à G…

il y a mon petit frère et et j’ai 2 autres frangins à T…

On est un peu dispersé dans la famille, c’est la loose !

Des fois, on se retrouve tous ensemble le week-end et on fait un bon repas.

Je suis triste de ne pas les voir souvent, mais bon c’est la vie c’est comme ça !

J’adore voir ma mère, elle me manque grave, c’est abusé !

Et même si parfois les éducateurs et les copains du foyer sont sympas,

Vivement qu’un jour je dise STOP au Foyer et à l’Internat.

(Vu la qualité de l’orthographe et de la grammaire, je soupçonne qu’il y a eu une séance sérieuse  de révision après la rédaction du premier jet…)

***

Au sortir de ce rendez-vous, je marche le long de l’avenue avec les parents. Puis nous traversons le vieux pont et grimpons vers la ville haute. Dans le tournant, un grenadier dont personne ne cueille les fruits. Le père monte sur le muret et en se piquant les mains aux branches, cueille trois grenades: une pour lui, une pour sa femme, une pour moi. Il mange la sienne en marchant. Je garde la mienne pour plus tard. “Vitamine, c’est bon ça,” dit-il et nous nous séparons devant l’église. Ce soir, je mangerai avec l’aînée de leurs deux enfants pour tenter de vivre ensemble un moment  de ce que dit ce petit poème anonyme qui nous vient des Inuit:

Paroles pour alléger ce qui est lourd

Je marcherai avec les muscles

des pattes du petit caribou

Je marcherai avec les muscles

des pattes du petit lièvre

J’éviterai d’aller vers le noir

j’irai vers le jour

Allez.

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