des mercredis où je m’ennuie peu

Question rigolade, je ne suis vraiment pas exigeante en ce moment. Exemple: une gamine en 6e. Elle doit préparer un contrôle sur l’Egypte des pharaons. A la question: Comment les Egyptiens considéraient-ils le pharaon? elle est supposée répondre: Comme un dieu vivant. Au lieu de quoi, elle me dit: “Comme un chouchou.”  Ma foi, vous y étiez, vous, dans l’Egypte des pharaons? Vou zèt prêts à jurer que ses adorateurs ne commençaient pas leurs invocations par “Ô mon chouchou?” Non? Ben moi non plus.

Autre séance: cette fois, il s’agit d’apprendre par coeur 4 (quatre) malheureux vers dans l’Iphigénie de Racine. Peuchère, quelle misère. Je dis: bon, d’abord, tu me racontes qu’est-ce que c’est que cette histoire. Et là, tenez-vous bien, la petite me défile d’un souffle l’histoire de ce père qui sacrifie sa fille pour pouvoir aller se couvrir de gloire dans une guerre en Turquie (bon, d’accord, à Troie). Après ça, le sort des quatre vers est vite réglé, allez.

Bon, avec ça, vous me direz que de réviser des tables de multiplication et des conjugaisons en se demandant comment couvrir les fins de mois, ça n’est pas le summum de l’épanouissement auquel aspire l’être humain. Je n’en disconviens pas.

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En illustration aujourd’hui: quelques objets rassemblés à l’accueil du CAAT d’Albi. Le CAAT, c’est un centre social autogéré qui héberge présentement un peu moins de vingt personnes dans des locaux désaffectés d’ERDF. Le propriétaire a bien tenté de faire valoir ses droits en invoquant devant le tribunal l’insalubrité des lieux, les risques à la santé des squatteurs, et j’en passe. “Génial,” a répliqué l’avocate (géniale) du collectif. “Ce sont vos anciens employés qui seront ravis d’apprendre dans quel cloaque vous les avez fait bossés pendant tant d’années…” Bilan des courses: le juge a accordé la trève hivernale. Curieux quand même que personne n’évoque l’insalubrité des trottoirs quand il s’agit de mettre hommes, femmes et enfants à l’abri.

Mais je m’égare.

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D’accord, je suis anormale. Je suis trop vieille pour perdre mon temps à m’en excuser ou à m’en justifier.  Toujours est-il que j’en suis à l’arrivée de la grand-mère à Roulettenbourg dans Le Joueur de Dostoïevski (traduction d’André Markowicz)*, et je me régale. Cette grand-mère “avec son air dominateur et impérial” me rappelle mon ancêtre du côté maternel, qui n’était pas une tendre non plus.  Les geignardes, elle les chassait du lit en moins de deux, c’est moi qui vous le dit. Et puis, ce cher Alexeï Ivanovitch  – qui n’a pas encore sombré totalement dans l’enfer du jeu – me plaît bien par ses foucades et son sens de la répartie.

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Ce qui m’amène (comment? ne cherchez pas) à l’article magnifique d’Asli Erdogan sur le blog de Tieri Briet. “En fait, je suis consciente que nulle part au monde il ne peut exister une maison ou une table qui m’appartiennent. Et que ceci ne me fait pas de peine depuis longtemps…” écrit-elle. Et c’est vrai que la table sur laquelle on écrit, ça n’est pas le plus important.

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Toujours, toujours, en filigrane de ces jours, Free Asli Erdogan.

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*Dostoïevski, Le Joueur, roman traduit du russe par André Markowicz, Babel Actes Sud 1991

 

 

 

2 comments

  1. Tieri: et quand les trottoirs sont défoncés en plus… Mais que dis-je? Les sapins sont là. Les lumières aussi. Que demander de plus? (il est beau ce bébé sur votre photo).

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