
(Ce qu’il reste des rêves de la nuit : des enfants s’apprêtaient à donner un spectacle, j’allais m’assoir à côté de deux femmes dont l’une disait à l’autre “quand c’est les nôtres (d’enfants) c’est pas pareil, ils sont à nous, ils nous appartiennent.” Ils nous appartiennent, ah bon, me disais-je en m’approchant de la scène pour mieux voir les préparatifs du spectacle.)
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Bien des comportements m’ont profondément agacée hier. Ce qui s’appelle “débats” dans les studios de télé, dans les journaux, sur les réseaux sociaux. Dans le climat actuel, les idées n’existent pas pour mieux comprendre des enjeux effarants qu’il faudrait aborder comme le ferait des chirurgiens confrontés à un patient polytraumatisé. Vu la gravité de la situation, calme et rigueur s’imposent.
Mais nous n’en sommes pas là, bien au contraire. Tout le “jeu”, ces jours-ci, consiste à empoisonner le puits, comme le veut l’expression en anglais. Les idées sont des armes pour “détruire” l’opposant transformé en ennemi. Pendant ce temps, le polytraumatisé se polytraumatise plus gravement. Y a-t-il un docteur à bord de l’avion ? Apparemment, non ça n’a rien de nouveau mais les moyens d’incitation à la haine atteignent des niveaux d’efficacité de plus en plus performants.
Ah cela s’ajoute un profond et grandissant agacement personnel à la façon dont le rédacteur en chef des humanités-média se plaint sur facebook des heures de travail qu’il a consacrées à la préparation d’un article pour n’en recueillir qu’un nombre modeste de lecteurs. Bien sûr, je comprends ses frustrations mais pas une attitude qui mène même des lecteurs fidèles à se sentir grondés pour ne pas avoir lu un article — comme si tous n’avaient rien d’autre à faire que de lire les rafales d’articles qu’il met en ligne…avant de plonger dans la dépression et ne plus donner signe de vie pendant des mois. De plus en plus, je me rends compte que, de ma part comme de la sienne, il y a eu erreur de casting en acceptant son invitation à me joindre à l’aventure. Les autres membres de l’équipe le connaissent, et se connaissent entre eux, depuis longtemps, de toute évidence. Les comportements erratiques, les promesses non tenues, les visioconférences où les gens ne s’écoutent pas entre eux, je supporte mal. Je comprends tous les problèmes de l’aventure – financiers et émotionnels – mais je gère mal le travail de construction d’un chariot en essayant de le conduire en même temps, et en fustigeant les lecteurs qui ne montent pas à bord avec enthousiasme. D’autant plus qu’à cette étape-ci de mon existence, je ressens toute l’urgence de me concentrer sur mes priorités personnelles. Me reste à me retirer officiellement de l’ équipe éditoriale. Comme disait ma tante préférée, en connaissance de cause : “Les bénévoles donnent ce qu’ils ont de plus précieux et de plus irremplaçable — leur temps.” Duquel le poète disait “ni temps passé, ni les amours reviennent”…sous le pont Mirabeau, ou ailleurs.
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(What remains of the dreams of the night: children were getting ready to put on a show, I went to sit next to two women, one was saying to the other “when they’re ours (children), it’s not the same, they’re ours, they belong to us.” They belong to us, oh really, I thought and moved closer to the stage to watch the preparations for the show.)
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Several behaviors deeply annoyed me yesterday. What they call “debates” in tv studios, in newspapers, on social networks. In the current climate, ideas aren’t there to help in understanding frighteningly high stakes, the way surgeons would when dealing with a polytraumtised patient. Seeing the seriousness of the situation, calm and rigorous are essentiel.
But we’re no longer at that point, quite the opposite. The whole game these days consists in poisoning the well. Ideas are weapons with which to “destroy” the opponent turned into an enemy. In the meantime, the polytraumatised patient gets more seriously polytraumatised. Is there a doctor abord the plane? Apparently not. The game is not new in itself but the means for spreading confusion and inciting hatred are constantly being honed to greater levels of efficiency.
To this is added a growing personal annoyance with the way the editor in chief of les humanités-média complains on facebook about the hours of work he spent preparing an article that only received a handful of readers. Of course, I’m sympathetic to his frustrations, but I don’t understand an attitude where even faithful readers feel assaulted by his blaming — as if all of them had nothing else to do than to read the flurry of materials he puts out…before plunging into depression and giving no sign of life for months. I’m more and more of the opinion that, both on his part and on mine, a casting mistake took place when I accepted the invitation to join the team. The other team members have known him and one another for years, clearly. They’re used to the erratic behavior, to promises made and not kept, to visioconferences where no one listens to what others are saying. I understand all the problems of the undertaking – financial and emotional – but I don’t handle well the building of a cartwheel while attempting to drive it at the same time, and chiding readers who don’t hop on enthusiastically for the ride. I don’t take it well, especially since at this stage in my life, I experience all the urgency of concentrating on my personal priorities. All that is left to do, is to officially resign from the team. Especially since, as my favorite aunt used to say: “Volunteers give freely of their most precious and irreplaceable possession — their time.” Of which the poet said that “neither bygone days nor loves come back”…under the Mirabeau bridge, or elsewhere.