28 octobre 2025

Volubiles — en trois langues différentes. Exemple, à table hier soir : je suis assise à côté de Zehra et face à Daniel, Naz est en face de Zehra. Toutes deux se parlent en turc, Naz traduit vers le français pour Daniel, je réplique à Zehra en anglais, elle me répond en anglais, que je traduis vers le français pour Daniel et Naz. Et, parce les connexions dans ma tête sont ainsi faites : quand toutes deux se parlent en turc, je suis tentée de parler en hébreu. Ce qui n’avancerait guère les choses. De plus, comme personne n’est taciturne, la tête se remplit tellement vite qu’on n’a plus le temps de s’y retrouver. Or, j’aime bien avoir le temps requis pour comprendre non seulement la surface des mots mais les liens entre idées en apparence disparates.

Habituellement, comme je vis seule dans une petite ville où seulement deux personnes s’intéressent à ce que je pense (et personne à ce que j’écris), il arrive souvent que je passe des semaines entières avec une poignée de contacts humains et beaucoup de solitude — ce qui n’est pas pour me déplaire, bien au contraire. Poursuivre une réflexion n’est pas possible autrement. Depuis jeudi dernier, j’ai fait plus que le plein de conversations fascinantes, mais (heureusement), je me lève avant tout le monde et je peux profiter du silence.

Comme à chaque fois que nous nous retrouvons, Naz reprend sa campagne de et-si-tu-venais-vivre-à-côté-de-chez-nous. La région est magnifique, nous avons bien des atomes crochus et un déménagement de plus dans une vie qui en compte déjà plus de 70, pourquoi pas. Si ce n’est que le corps est très fatigué et l’énergie n’est plus ce qu’elle fut. La monture s’épuise de plus en plus vite.

Pour l’heure, j’ai accepté de rester jusqu’à jeudi, après quoi j’aurai besoin d’une longue cure de silence.

La fenêtre donne à l’est. Le soleil se lève dans un spectacle de nuages gris teintés de rose. (Sur l’illustration, le croissant de lune est sur la maisonnette dans la propriété, où Naz va installer sa boutique. Turquant est un village d’artisans situé dans un parc régional.)

*

Talkative — in three different languages. For instance, last night at the dinner table : I was sitting next to Zehra and facing Daniel, Naz was facing Zehra. They were talking in Turkish, Naz translating toward French for Daniel’s benefit, I was answering Zehra in English, she was answering me in English which I then translated into French for Daniel and Naz. And, since this is how connections work in my head: when both of them speak Turkish, I’m tempted to answer in Hebrew. Which would not move things along. Moreover, as there is not a single untalkative one in the group, the head fills up so quickly that there’s no time left to sort things out. And I really like having sufficient time in which to understand not only the surface of words but the links between ideas that appear scattered at first hearing.

Usually, as I live alone in a small town where only two people are interested in what I think (and no one cares about what I write), I often spend entire weeks with a handful of human contacts and a lot of solitude – which I don’t find unpleasant, quite the contrary. Pursuing a thought is impossible otherwise. Since last Thursday, I’ve had plenty of fascinating conversations, but (luckily) I rise before everyone else, and can take advantage of the silence.

As she does every time we get together, Naz picks up her campaign of what-if-you-came-to-livclose-by. The region is magnificent, we have many commonalities and one extra move in a life that already counts more than 70 of them, why not. Except that the body is very tired and the energy level isn’t what is used to be. The mount tires out faster and faster.

For the time being, I’ve accepted to stay until Thursday, after which I’ll be in need of a long cure of silence.

The window faces east. The sun is rising in a display of pink-tinged grey clouds. (On the illustration, the moon crescent is on the small house in which Naz will be opening her shop. Turquant is a village of crafstmen and women, located in a regional park.)

2 comments

  1. et pourquoi pas ? Le silence, oui C’est bien. La véritable chaleur humaine et les compréhensions mutuelles aussi nourriture de l’esprit.

    Like

Leave a comment