3 octobre 2025

“Je veux dire les formes changées en nouveaux corps.” * Dans la traduction de Marie Cosnay, ce sont les premiers mots des Métamorphoses qu’Ovide écrivit et publia en l’an 2 ou 3 après JC, avant d’être exilé à perpétuité aux confins de l’empire (Roumanie actuelle) par l’empereur Auguste pour, semblerait-il, quelque chose qu’Ovide aurait vu qu’il ne fallait pas voir.

Chose certaine, on imagine mal un empereur, à quelqu’époque que ce soit, appréciant une oeuvre qui ne le place pas, lui et et lui seul, au centre du récit. Or, dans les Métamorphoses, même les dieux occupent une place secondaire par rapport à l’histoire que raconte Ovide, celle d’une histoire “en mouvement de l’humanité, du monde et de la fraternité qui les unit en un seul corps en proie aux passions et voué par elles à accueillir d’incessants changements de formes.” Pas plus qu’il ne dut apprécier qu’Ovide termine le récit non pas sur la gloire immortelle d’Auguste, mais avec ces mots :

J’ai fini mon travail, ni la colère de Jupiter, ni le feu,

ni le fer, ni le temps vorace ne pourront le détruire.

Quand il veut, le jour qui n’a de droit

que sur mon corps ! Qu’il finisse mon temps incertain de vie :

immortel en ma meilleure partie, par-dessus les astres hauts

on me portera, mon nom sera ineffaçable :

partout où s’étend, sur les terres dominées, la puissance romaine,

la bouche du peuple me lira ; j’irai, connu, à travers siècles

et s’il y a quelque chose de vrai dans les oracles d’un poète, je vivrai.

Non, Auguste ne dut guère apprécier.

Je n’ai guère d’ambitions aussi exaltées, contente, tout simplement, de trouver dans Ovide des traits m’éclairant le personnage du Géant dans L’Horloger des Brumes. Son récit est placé sous ces mots du Livre XIV :

……Tant qu’on craint le pire,

on peut nous blesser : quand notre sort est pire que tout,

on foule aux pieds la peur : la somme des malheurs nous calme.

C’est un stoïcien, le Géant, même s’il n’en sait rien.

*Ovide Les Métamorphoses, traduit du latin par Marie Cosnay, Le livre de poche, Editions de l’Ogre, 2017

*

J’ai promis à Jean-Marc Adolphe des humanités-médias quelques exemples supplémentaires de la décomposition en accéléré de ce que les Etats-Unis d’Amérique ont représenté dans le monde, depuis la Seconde guerre mondiale surtout, bien que je ne vois pas vraiment en quoi il sera utile d’insister davantage sur le caractère profondément abject de ce qui se déroule en ce moment, mais chose promise, chose due. J’insiste sur le verbe représenter puisque ce qui se dévoile nous ramène aux aspects les plus sombres des débuts de la colonisation. On a tendance à oublier qu’en dehors des grands noms célébrés par l’histoire, Américains et Australiens prirent exemple sur la France quand il s’est agi d’expédier du matériel humain occuper ces terres nouvellement conquises. Ni les “filles du roi” du Canada français, ni les premiers colons qu’elles devaient épouser ne se composaient de la fine fleur de la société, y compris pour les plus jeunes dans les fratries de “nobles” où seul le fils aîné héritait de tout. On a beau vouloir effacer les mauvais souvenirs ensuite par des épopées glorieuses “des plus brillants exploits”, ils persistent. Par exemple, il n’est pas innocent que la version de la bible que le gouverneur de l’Arkansas veut imposer dans les écoles soit celle publiée par Trump, contenant – en plus d’extraits choisis des anciens et nouveaux testaments – la version de la constitution américaine d’avant les amendements, alors que, pour le décompte de populations, on comptait les blancs comme des unités complètes, “les autres” ne représentant que 3/5e de leur valeur…L’humanité à géométrie variable, selon la quantité de mélanine dans la peau. Et pourquoi 3/5e plutôt que 2/5e ou 4, je n’ai pas encore trouvé l’explication. Si la connexion internet veut bien tenir encore, je trouverai peut-être.

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