
Dès le réveil, les deux premiers rêves disparaissent. Du dernier, me reste que j’étais de retour en Russie (où je ne suis jamais allée “en vrai”), rien n’y avait changé, si ce n’était que le délabrement y était encore plus marqué, je devais y récupérer quelque chose, une femme apparaissait — pour m’aider ? pour me nuire ? la chose n’était pas claire — puis le reste se dissout comme dans l’image ci-dessus ou comme font les nuages, parfois, à peine aperçus qu’ils se délitent dans un autre tourbillon d’air qui disperse la vapeur d’eau.
C’est un peu une sorte de variation sur ce que je relisais, hier soir, dans la préface d’Ombres de Chine*, un passage que j’ai souligné dès la première lecture, tant il rend justement ce qu’il en est quand vient la tentative de transposer l’image mentale en mots : “Le personnage (réel ou inventé) brasille à la limite de l’apparition, comme s’il était juste sous la surface de l’eau, se forme et se dissout, se recompose dans le passage d’une langue à l’autre, du monde sans parole que chacun porte en soi au monde matériel des mots offerts à lire. À chaque fois, d’une manière ou d’une autre, il s’agit de tracer les contours de cette ombre, de se les approprier pour les éloigner de soi et les rendre sensibles – partageables.”
Certains personnages (réels ou inventés) sont plus difficiles à “saisir” que d’autres – poissons furtifs à peine entre-aperçus. La patience s’impose, afin que les mots ne les déforment pas trop.
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“Possibles” – la Fête. Que de complications quand les organisateurs – désorganisés en eux-mêmes – travaillent à contre-courant. Au final, la participation prévue n’aura pas lieu apparemment, encore heureux qu’on n’y ait consacré que la plus grande partie d’une seule journée…
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Changement radical de registre : séance de cinéma, cet après-midi, pour les nouvelles aventures de Shaun le Mouton et des autres personnages en pâte à modeler.
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Sur Facebook, j’ai souvent l’impression que le monde se réduit à la plus récente manifestation criminelle d’un mafieux ou d’un autre – ou de tous en même temps. Une forme de fascination obsédée de leurs malfaisance qui ne contribue en rien à les faire cesser. À ce compte-là, se souvient-on même de ce qu’il en était la semaine dernière ? Il y a deux mois ? Que le grand dieu des petits poissons me garde, d’il y a trois ans ??? Une fois l’attention entièrement captivée par eux, on tombe facilement dans une impression de leur toute-puissance. Je m’y refuse complètement.
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Pour l’heure, des images. Les mots suivront, ou ils suivront le cours d’autres images les sollicitant de façon plus insistante. Le mot “brasiller”, on entend presque son léger crépitement.

*André Markowicz, Ombres de Chine, dernière marge 2015, diffusion Actes Sud.
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Upon waking, the first two dreams disappear. Of the last one, what remains is that I am back in Russia (where I’ve never been “for real”), nothing has changed, except that the dilapidated state seems even more obvious, I’m there to recover something, a woman appears – to help me? to do me harm? the matter is not clear – then the rest dissolves like in the image above or the way clouds do at times, barely seen before they dissolve in another swirl of air dispersing the water vapor.
This is something like a variation on what I read, last night, in the preface of Ombres de Chine (Shadows from China), a passage I underlined the very first time I read it, it said so precisely how things proceed when the attempt appears to transpose the mental image into words: “Le personnage (réel ou inventé) brasille à la limite de l’apparition, comme s’il était juste sous la surface de l’eau, se forme et se dissout, se recompose dans le passage d’une langue à l’autre, du monde sans parole que chacun porte en soi au monde matériel des mots offerts à lire. À chaque fois, d’une manière ou d’une autre, il s’agit de tracer les contours de cette ombre, de se les approprier pour les éloigner de soi et les rendre sensibles – partageables.” (“The character – real or invented- gleams at the edge of appearance, as if it was just under the water’s surface, it takes shape and dissolves, re-composes itself in passing from one language to another, from the wordless world we all carry within ourselves into the material world of words to offer up to reading. Each time, one way or another, it is a matter of tracing the contours of this shadow, of appropriating them in order to distance them from one’s self and render them discernible.” )
Some characters (real or invented) are harder to “grasp” than others – elusive fish barely half-seen. Patience is in order, so that words don’t distort them too much.
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“Possibles” – the festival. so many complications when the organizers – disorganized in themselves – work at cross-purposes. In the end, the planned participation will not take place apparently, it’s a lucky thing that we didn’t end up wasting more than the better part of one day on the planning of it.
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Total change of topic: going to the movies, this afternoon, for the new adventures of Shaun and the other characters made out of modeling clay.
On Facebook, I often get the feeling that the world narrows down to the most recent criminal words or actions of one mafioso or another – or of all of them at once. An obsessive fascination with their evil ways that doesn’t really do a thing to stop them. In that state of being, who can even remember where things stood a week ago ? Two months ago ? Or may the great god of the little fishes watch over me, three years ago??? Once our attention is entirely taken up by them, one easily falls into an impression of their all-powerfulness. I completely refuse this.
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Images, for the time being. Words will follow or they will follow the stream of other images calling for them in a more insistent manner.