1er septembre 2025

Il me fallait les numéros de téléphone de ma soeur aînée et d’Olivier (mon proprio, circassien de profession) à leurs bureaux au département de la Marine, ma soeur me donnait le sien devant tout le monde, Olivier hésitait d’abord, ensuite quelqu’un arrivait lui demandant de lui prêter des échasses, ce qu’il hésitait aussi à faire, craignant qu’on ne les rende pas “autrefois, on les appelait des coteils”, disait-il et j’hochais de la tête parce que je savais qu’il voulait dire des cothurnes; puis, dans le métro de Moscou, la foule grandit constamment, attente, attente, pendant que je vérifie constamment que j’ai mon ticket d’embarquement.

Ce que ces deux-là foutaient au département de la Marine, mystère; quant aux coteils/cothurnes, ce sont les sandales ou chaussures à plateforme que portaient les comédiens grecs interprétant des tragédies. C’est le mot que je venais de trouver dans le dictionnaire à la bibliothèque lorsque les policiers sont venus me cueillir, coupable d’école buissonnière et “dénoncée” par ma soeur cadette qui avait tout de suite compris que si je fuguais au lieu de me rendre à l’école, ça ne pouvait être qu’à un seul endroit : la bibliothèque municipale dont je ressortis donc, à 14 ans, sous escorte policière et en possession du mot “cothurnes”, pour trouver la délatrice, my soeur cadette, assise à l’arrière de la voiture de police, l’air très fière d’elle-même. Il s’ensuivit une réprimande sévère par le policier devant ma mère. Suivie d’une seconde, plus tard par mon père.

Mais je suis certaine que les cothurnes de Créon n’étaient pas de la hauteur des échasses du cirque.

En France, c’est retour à l’école aujourd’hui. J’ai adressé mes meilleurs voeux à mon amie l’instit’ pour une classe très chouette cette année. Sa réponse. : “Merci ! Ça ne peut pas être pire que l’année dernière !” (Sauf pour une seule, les enfants de 8 ans qu’on lui avait confiés l’année dernière étaient in-ca-pa-bles de se concentrer et tout aussi in-ca-pa-bles de comprendre l’intérêt que pourrait représenter d’apprendre des trucs aussi inintéressants que des règles de grammaire ou des façons de multiplier des sommes, quand un téléphone se chargerait de le faire pour eux.) Chaque année, mon amie l’instit’ prépare des façons inédites de leur enseigner ces choses, et plus.

Au milieu du vacarme des médias rapportant les inepties et atrocités criminelles des uns et des autres, je réfléchis à L’Horloger des Brumes – c’est-à-dire à la forme des récits le composant. Je veux qu’ils aient la forme de contes alors qu’en ce moment, ils hésitent encore à assumer pleinement ce statut. Allez, encore un effort de dé-tricotage, re-tricotage dans le mode il était une fois – qui suppose donc que le conte provienne d’une époque encore plus tardive qu’eux. Hm…Peut-être que je devrais utiliser la formule du Il était une fois en tant que guide, même si elle n’apparaîtra pas dans la version écrite.

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“De deux choses l’une,” écrivait Proudhon en 1848 : “ou la propriété emportera la République, ou la République emportera la propriété.” À mettre dans sa poche, et un mouchoir par-dessus.

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I needed my eldest sister’s and Olivier’s (my landlord, a circus artist by profession) phone numbers at the Department of Marine, my sister gave me hers in front of everybody, Olivier hesitated at first, after which someone arrived asking him for a loan of the stilts, he hesitated again fearing they wouldn’t be brought back “they used to be called cotheils”, he said and I nodded in approval, knowing that he meant cothurns; then, the subway in Moscow, the waiting crowd kept getting bigger, waiting, waiting, while I constantly checked to see if had my boarding ticket.

What those two were doing at the Department of the Marine, I have no idea; as for the coteils/cothurnes, they are the platform sandals or shoes that were worn by Greek actors interpreting tragedies. It’s the word I had just found in the dictionary at the library when the policeman came in to pick me up, guilty of playing hooky and “denounced” by my middle sister who had understood immediately that if I was not in school, I could be in one place only: the municipal library out of which I emerged, aged 14, under police escort and possessing the word “cothurns”, to find the informer, my middle sister, sitting in the back seat of the police car, looking terribly proud of herself. A severe tongue lashing ensued from said police officer in front of my mother. Followed by a further tongue lashing by my father.

But I’m sure Creon’s cothurns were not as high as the circus stilts.

In France, it’s back-to-school today. I sent my best wishes to my school teacher friend for a great class this year. She answered back : “Thanks ! It can’t be worse than last year’s!” (Except for a single one, the 8 year-olds under her care last year were in-ca-pa-ble of concentrating and just as in-ca-pa-ble of seeing of what interest could be the learning of stuff like grammatical rules or ways to multiply amounts, when a phone would handle those things for them.) Every summer, my teacher friend prepares new and interesting ways of learning that and more.

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In the midst of the din from the media reporting the criminal inanities and atrocities of this one and that one, I’m thinking about L’Horloger des Brumes – that is to say, thinking about the form of the tales making it up. Tales, that is how I want them to read whereas at the moment, they still waver at taking on that status fully. OK, yet another attempt at de-knitting, re-knitting in the Once upon the time mode – which implies that the tale is coming to us from a period even further in the future than they. Hm… Maybe I’ll have to use the Once upon a Time formula as a guide (even if I don’t include it in the written versions).

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“We must conclude”, Proudhon wrote in 1848, “either property will abolish the republic, or the republic will abolish property.” Put that in your pipe and smoke it.

2 comments

  1. j’acquiesce pour la formule “il était une fois” : elle conditionne l’écriture qui suit d’une façon incroyable, et on peut en effet la retirer à la fin : et je compatis pour tout le reste, les cothurne, la délation, la propriété et la rentrée….
    trouvé par inadvertance un texte de Boris Vian sur les robots-écrivains : “un robot-poète ne nous fait pas peur”, écrit en 1953 : il avait tout compris à la séduction et aux dangers de ces petites-machines-qui-nous-simplifie-la-vie…

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    • aïe, 1953, déjà…3 ans avant que McCarthy choisisse le nom “d’intelligence artificielle” pour un projet de recherche en programmation logique qui ne suscitait pas plus d’intérêt que ça…jusqu’à ce qu’on lui fournisse ce nom…Je poursuis donc dans le mode “il était une fois…) 🙂

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