(Camille Messager)

Images floues, insaisissables. C’est le petit rebelle de l’autre nuit qui me reste en mémoire au réveil. Comme le personnage dans L’Horloger que j’ai le plus de difficulté à capter, le gamin “18”; me revient en mémoire le gamin à qui manquait les mots pour dire ce qu’il ressentait, celui de l’école Victor-Hugo parmi tant d’autres, mais qui m’avait demandé un jour, après un tas de séances où il faisait la tête, comment écrire une carte de voeux pour souhaiter un bon anniversaire à sa mère. Ouf, que cette demande lui avait coûté, et la rédaction des quelques mots avait occupé toute la séance de rattrapage dans la classe d’appoint d’où nous entendions l’une des instits gueuler contre ses élèves, pauvre femme désespérément débordée, fatiguée, malade, à quelques mois de la retraite d’un métier qu’elle avait exercé sans plaisir, pour son malheur et celui des enfants confiés à elle.

Me revient la blague échangée avec celui qui choisit de se faire appeler Rustine, mardi en parlant des horreurs dans lesquels le monde baigne, ces jours-ci – blague au sujet des deux apports génétiques de l’humanité – Néanderthal réputé plutôt pacifique et Homo Sapiens bagarreur – et de la ressemblance avec deux de nos parents chez les grands singes – Bonobo et Babouins. Blague pas drôle, mais au vu des connards-et-fiers-de l’être, comme ce candidat à un poste électif en Californie qui s’affiche, ravi, sur une image de l’entrée du camp d’Auschwitz avec un message signalant qu’il y voit sa solution pour un 0% de sdf et de sans emploi, il faut pas trop en demander à l’humour de type délicat. Les annonces d’emplois payants pour les agents d’immigration ICE sont du même niveau que celle du candidat californien – images d’arrestations “musclées” sur musique guillerette de jingles publicitaires. Cool, on rigole, allez venez, vous allez adorer !

Néanderthal, stupéfait, ne voit pas l’intérêt.

Quoi d’autre, ce matin ? L’inattendu total du 300€ apparu dans mon compte de banque – cadeau de Naz, laquelle concluant d’ici la succession de sa mère en Turquie (pas question de s’y rendre en personne, arrestation garantie), a découvert une somme imprévue qu’elle a choisi de répartir entre des amis qu’elle sait vivre sur des budgets…serrés, disons. Une autre néanderthalienne, faut croire.

Et une flopée invraisemblable de messages frauduleux me demandant de “cliquer ici” au sujet d’un colis qu’il me faudrait réclamer vite! avant qu’il ne soit trop tard ! Zappés, tous.

Et puis, ce rappel dans le passage intitulé Le temps long pour traquer l’espoir dans des futurs désespérants dans le livre d’Ariel Kyrou, ces mots de Achille Mbembe, politicologue et historien originaire du Cameroun : “Pour une grande part de l’humanité, la fin du monde a déjà eu lieu. La question n’est plus de savoir comment vivre dans son attente, mais comment vivre au lendemain de sa fin, c’est-à-dire avec la perte, dans la séparation. Comment refaire monde au lendemain de de la destruction du. monde ?” Ou comme l’écrivent aussi Déborah Danowski et Eduardo Viveiros de Castro, “la fin du monde a déjà eu lieu, en 1492”. * Pour les habitants d’alors de l’Amérique – nord et sud – ce fut radicalement le cas.

Jeudi, 14 août 2025. Droit devant, avanti, kadima, davaï, pour le meilleur comme pour le pire.

*Ariel Kyrou, Dans les Imaginaires du Futur, Editions ActuSF 2023

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Fuzzy elusive Images. The little rebel from the other night is the one that stays in my mind as a wake up. Like the character in L’Horloger I have the must trouble “getting”, the boy “18”; which brings up to mind the kid who didn’t have the words he needed to express himself, the one at Victor-Hugo school among so many others, but who had asked me one day, after a number of sessions of scowling at me, how to write a birthday card for his mother. Boy, how that request had been hard for him to make, and the writing of the few words had taken up an entire session of catching up in the extra classroom from which we could hear one of the teachers bawling out her students, poor desperately overburdened woman, tired, ill, a few months away from retirement from a calling she had carried out without enjoyment, for her greater misfortune and that of the kids placed in her care.

I’m reminded of the joke exchanged with the one who chooses to be called Rustine, last Tuesday as we were talking about the horrors in which the world is steeped these days – a joke concerning the two genetic streams provided to humanity – that of Neanderthal reputed as being rather peaceful and that of Homo Sapiens who loved to rumble, and the resemblance to two of our closest relatives in the great apes – Bonobo and Baboons. Not a very funny joke, but seeing the I’m-a-dumb-ass-and-proud-of-it electoral candidate in California, preening in front of an image of the entrance to Auschwitz with a message stating he sees it as his solution for 0% homeless and unemployed, you can’t expect too much in terms of delicate humor. Ads for well-paying jobs for ICE agents are at the same level – images of brutal arrests set to jolly jingly tunes. Cool, such fun, comme on, you’re going to love it!

Stunned, Neanderthal can’t see what’s the fun in it.

What else, this morning? The totally unexpected appearance of 300€ in my bank account – a gift from Naz, upon settling her mother’s will in Turkey from over here (going back there being out of the question without getting arrested) she discovered an unexpected amount she has chosen to split between those of her friends she knows to be living on budgets best described as …tight. She’s another Neanderthal throwback, I guess.

And an unbelievable flurry of fakes urging me to “click here” concerning a shipment I must request immediately ! before it’s too late ! Zapped out of existence, all of them.

And this reminder in the section title Prolonged time in which to track down hope in desperate times in Ariel Kyrou’s book, these words by historian and political commentator Achille Mbembe, originally from Cameroon: “For a large part of humanity, the end of the world has already occurred. The question is no longer how one should live in its expectation, but how to live after its ending, meaning with loss and separation. How to rebuild a world after the world’s destruction?” Or as Deborah Danowski and Eduardo Viveiros de Castro write , “the end of the world happened already, in 1492”. For the inhabitants of the Americas then- both North and South – this was radically the case.

Thursday August 14 2025. Onward, avanti, kadima, davaï, for better as well as for worse.