29 juillet 2025

Couple de musiciens homosexuels, interviewé au sujet de leur logement décrété “pas cher” à $800 par mois; jeune chanteur (qui dit interpréter le répertoire de “Chantal”) s’apprête à me laisser l’entendre pendant que d’autres préparent un concert et trouvent un chèque de $10 000 au nom de l’un d’eux; puis trombes marines, nécessité de dégager des tables couvertes de grésil en bordure de mer pour y tenir une réunion, pendant que des gens se lancent spontanément dans des danses de groupe inspirées par celles des Kurdes.

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Journée curieuse, hier, entre avancées importantes sur L’Horloger des Brumes et passage chez L, la Sud-Africaine, pour lui donner un coup de main sur un formulaire administratif. Son mari y était. Ils habitent une jolie maison sur les hauteurs en bordure du lac aux limites de la ville – leur dernier bien commun d’importance, si j’ai bien compris. Elle est entièrement dépendante du fait qu’il a un droit de séjour à titre d’Européen (né en Irlande) et qu’elle n’a aucun statut, et aucune source indépendante de revenus. C’est un homme aigri, acariâtre et râleur et la raison, me dit-elle, pour laquelle le jardin de leur résidence est si beau (elle y passe le plus clair de son temps pour lui échapper et aucune solution lui permettant de vivre de façon indépendante).

En repartant, elle s’arrête à une petite boîte où les gens abandonnent des livres. Où je trouve celui en illustration ci-haut, intact et comprenant son devis de production par Escourbiac, l’imprimeur local. De la trentaine de compositeurs qui s’y expriment, j’en connais deux de nom – Janacek et Steve Reich. Et du nombre total, il n’y a qu’une seule femme. Son nom retient mon attention, le prénom étant à consonnation hébreu – Chaya. Chaya Czernowin. Je ne connais rien à son oeuvre et note ce qui suit dans les commentaires qu’elle a écrit concernant sa composition intitulée L’autre tigre, inspirée par un poème de Borges :

Image 2 : Nitzan

L’armée israélienne. Nous sommes toutes des filles, une trentaine, nous dormons sous une grande tente. Mon lit est à côte de celui de Nitzan. Elle est extrêmement intelligente…Nous nous querellons tout le temps que dure le camp d’entraînement des recrues…Elle affirme qu’être compositrice est une posture complaisante qui ne donne rien en retour à son pays. J’affirme que le pays prospère davantage quand chaque individu est comblé…Je prends conscience que je n’ai d’autre choix que de trahir ma nation en devenant une compositrice anti-nationaliste…”

Texte écrit dans les années ’80, apparemment. J’imagine sans difficulté le parcours ultérieur de Nitzan. Pour ce qui est de la musique de Chaya, je n’y trouve guère de résonances qui me “parlent”, du moins dans le seul extrait que j’en trouve sur youTube. Mais là n’est pas la question, ce texte contient l’essentiel de la réflexion sur ce en quoi consiste l’appartenance à un groupe – entre la submersion de l’individu noyé dans celui-ci, ou son accomplissement grâce à l’appui de l’entourage, et ce que ça contribue à sa progression.

Le tout de cette curieuse journée se terminant sur une interview dans Wired avec le haut-perché, Bryan Johnson qui se consacre à l’atteinte de sa propre immortalité par un régime de vie parfaitement démentiel. Me frappe le fait qu’il a les cheveux teints de façon très évidente d’un acajou sans compromis, ce qui me semble bien curieux pour quelqu’un qui jure que l’humain peut vivre éternellement, à condition de s’y mettre (et d’y mettre le prix qui limite sérieusement les candidatures.) Un autre perché dans la bande des techno-cryptos américains qui ont trop de fric pour leur propre bien et le nôtre.

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A homosexual couple, interviewed about their apartment with is pronounced “cheap” at $800 a month; a young singer (who tells me he interprets the repertoire of one “Chantal” is about to let me hear him sing while others prepare a concert and find a check in the amount of $10 000 in one of their names; then water spouts, need to clear the tables by seaside of slush in order to hold meetings there, while people spontaneously begin to dance in groups inspired by the dances Kurds do.

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Odd days yesterday, between important advances on L’Horloger des Brumes and time spent at L’s place, the South African, in order to give her a hand with an administrative form. Her husband was there. They live in a lovely house on the heights above the lake at the city limit – their last important common belonging, if I understand correctly. She is entirely dependant on the fact he has a right of residency because he is European (born in Ireland) while she has no such status et no independent sources of revenue. He is a bitter, cantankerous complainer of a man and the reason, she tells me, why the garden of their residence is so lovely (she spends most of her time there to escape from him, having absolutely no options allowing her to live independently.)

When we left, she stopped by a small box where locals abandon books. Where I found the one illustrated above, intact and containing its production quotation from the local printer, Escourbiac. On the thirty or so composers listed, I only know two by name – Janacek and Steve Reich. And of the total number, there is only one woman. Her name holds my attention, having a Hebrew connotation to it – Chaya. Chaya Czenowin. I know nothing of her work and jot down what follows in the comments she wrote concerning her composition titled The Other Tiger, inspired by a Borges poem :

Image 2 : Nitzan

The Israeli army. We are all girls, some thirty of us, we sleep under a large tent. My bed is next to Nitzan’s. She is extremely intelligent…We argue the whole time the training lasts for the recruits…She claims that being a composer is a self-indulgent pose that gives the country nothing in return. I state that the country prospers best when each individual accomplishes himself…I become aware that I have no other choice but to betray my nation by becoming an anti-nationalist composer.”

Written in the eighties, apparently. I have no trouble imagining Nitzan’s ulterior journey. As for Chaya’s music, I don’t find anything in it that “resonates” for me, at least in the only excerpt of it I find on youTube. But that’s not the point. For me, that text contains the basic question of what being part of a group consists of, between the individual’s submersion in the group, and his or her accomplishments thanks to the support for his or her entourage, and what this provides to its progression.

The conclusion of this odd day is in an interview on Wired with the high-flying Bryan Johnson who is devoting his life to achieving his own immortality through a clearly demented life regimen. In all the hogwash, I’m mostly struck by the fact that his hair is very clearly dyed a vigorous mahogany color, which strikes me as very odd for someone swearing that humans can live forever, as long as they concentrate on it (which seriously limits candidates, obviously). Another high flyer from the bunch of American techno-cryptos with too much money for their own good, and ours.

2 comments

  1. Vivre dans le groupe (il y a toujours un groupe, non ? Même international et à distance) sans être écrasé ou amalgamé…
    Je n’ai pas de grande réflexion cet an ci, mais je me réjouis toujours de lire vos rêves et vos notes quotidiennes.

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