
Les crimes n’avaient pas lieu en secret, au contraire, ils étaient commis au vu et au su de tous, on les décrivait même dans les articles de journaux, on les documentait ouvertement, mais par une sorte d’accord tacite, on ne faisait rien d’autre que de les commenter, comme s’ils étaient des faits de nature, inévitables.
Comme c’est ce qui s’observe quotidiennement dans la réalité, je ne vois aucune raison de détailler ce que le rêve exposait ainsi. Cette soumission tacite en étant l’aspect le plus choquant.
Vrai, il ne s’avance même pas masqué, le mal, bien au contraire, il se délecte de faire les manchettes, ravi par chaque cri d’indignation. Il en fait collection comme des hommages, en fait. Ah, comme cela semble être exquis de laisser sa méchanceté s’exprimer sans entraves. La sidération durera-t-elle éternellement ?
*
Jusqu’à tard dans la nuit, le sommeil a fui, hier soir. L’air était plus frais, les jeunes s’amusaient dans le parc, leurs jeux semblaient exiger qu’ils hurlent tous, haut et fort et moi, je m’évadais dans les derniers vers du dernier chant du Paradis de Dante. Dans trois vers, bien précisément que je ré-écrivais à ma manière en français parce que la version que j’en ai est par Jacqueline Risset qui a choisi de traduire la tierce rime de l’original en vers libre. Je trouve ça fort dommage, mais je n’ai pas les moyens de me payer d’autres versions qui doivent exister, je suppose.
Donc, pendant que les informations accumulaient les horreurs et que par la fenêtre ouverte, filles et garçons formaient un choeur de glapissements et de hurlements, ces trois vers
Cosi la neve al sol si disigilla,
cosi al vento ne le foglie levi
si perdea la sentenza di Sibilla.
donnant
ainsi que la neige que le soleil distille
ainsi que les feuilles par le vent dispersé
ainsi se perdait la sentence de Sibylle
Evidemment, le verbe “distiller” n’est peut-être pas évident, lorsqu’appliqué au travail du soleil sur la neige. Mais c’est bien ce qu’il semble, au printemps, lorsque l’eau s’écoule des plaques de neige qui se rétractent. Comme Dante, en train d’émerger du “haut rêve” – à ce qui précède dans le Paradis, je préfère, et de beaucoup, son Purgatoire avec ses corniches où sont assemblés des imparfaits qui nous ressemblent, coupables de n’avoir pas encore “gagné leur ciel”. Sûr, celui de Dante ne ferait pas leur bonheur plus que le mien, de toute façon. La théologie de l’inconnu, ça n’est pas mon truc, quelle que soit la théologie qu’on y applique.
D’autres, de toute évidence, trouvent leur bonheur dans l’enfer qu’ils imposent aux autres.
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si al vento ne le foglie levi
Pour l’heure, en vrai, on s’applique à tondre le gazon dans le parc.
*
The crimes were not occurring in secret, quite the opposte, they were committed with the full knowledge of everyone, they were even described in newspaper articles, openly documented, but through a kind of tacit agreement, nothing else was done about them than commenting, as if they were unavoidable facts of nature.
Since this is what we see daily in reality, I see no reason to go into the details of what the dream was exposing in this way. That tacit submission being their most shocking aspect.
True enough, evil is not advancing in disguise, quite the contrary, it is gloating at its headline coverage, delighted by each and every indignant cry. Collects them as tributes, in fact. Oh, how exquisite it seems to be, giving free play to one’s wickedness. Will the astonishment last forever?
*
Until late in the night, sleep was impossible. The air was much cooler, young people were having fun in the park, their games seemed to require that they howl loudly and I escaped in some of the verses occurring in the final canto of Dante’s Paradise. In three verses, in fact, that I was re-written in my own way because the French version I own is in Jacqueline Risset’s who chose to translate the original terz rima as free verse. I find that unfortunate, I suppose other versions must exist, but I can’t afford them.
So while the horrors were piling up and while, through the open window boys and girls formed a howling and yelping chorus, these three lines
Cosi la neve al sol si disigilla,
cosi al vento ne le foglie levi
si perdea la sentenza di Sibilla.
coming up as
ainsi que la neige que le soleil distille
ainsi que les feuilles par le vent dispersé
ainsi se perdait la sentence de Sibylle
Of course, I suppose the verb “distillating” isn’t obvious when applied to the effect of the sun on snow. But it really does seem that way, in the spring, when water starts trickling out of the shrinking patches of snow. Like Dante, emerging from “the high dream” – as to what precedes this in his Paradise I much prefer his Purgatory with his ridges where the imperfect ones assemble that resemble us, guilty of not having “deserved their heaven”. The one described by Dante wouldn’t be any more to their liking than it is to mine, that’s for sure. The theology of the unknown just isn’t my thing, no matter which theology applies.
While others, clearly, find their delight in the hell they impose on others.
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cosi al vento ne le foglie levi
For the time being, in real life, the grass is being mowed in the park.