
(Karii Unksova – extrait du poème La Désincarnation)
Rêve : Tout ce qui me reste de la nuit, c’est la sensation d’un profond sommeil et la dernière image d’un rêve dans lequel des gens écoutaient un jeune garçon s’accompagnant à la guitare en chantant au sujet de celle qu’il aimait et voulait demander en mariage.
Bruits du matin. Tourterelles tristes. Croassement d’un corbeau.
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(Noté hier, en fin de journée) : J’entends parfois de bien curieux commentaires de la part de bons Français qui n’ont jamais mis les pieds en Amérique du Nord et pour qui tous les habitants des Etats-Unis, presque sans exception, sont des crétins qui ne connaissent rien à l’histoire et n’ont pas encore compris que leur pays est en plein coup d’Etat. Ils le disent avec une assurance hautaine, comme si le seul fait d’habiter en Europe avaient inscrit toute son histoire dans leurs gênes. Que les crétins ne manquent pas aux Etats-Unis, c’est une évidence, tout comme on peut en croiser ici au premier coin de rue venu. Ce à quoi ces braves experts du psychisme américain ne semblent pas réfléchir, c’est à la question toute bête de comment ils se comporteraient, eux, s’ils savaient que leur pays est submergé d’armes de combat, que les massacres sont toujours possibles – à l’école, au supermarché, sur sa propre rue – et que cette connaissance peut conduire à moduler ses critiques quand le président accorde des pardons à des escrocs et des tueurs, et que sa popularité, écorné certes par les conneries à répétition, était toujours alimentée et soutenue par des supporteurs bien armés et désireux de vaincre et d’éliminer les “libéraux” – comprendre : toute personne de bonne volonté ouverte aux autres. Ça donne tout de même à réfléchir, non ?
Et puis, comme dans le poème de René Char, Les Inventeurs, “oui, l’ouragan allait bientôt venir; mais cela valait-il la peine que l’on en parlât et qu’on dérangeât l’avenir ? Là où nous sommes, il n’y a pas de crainte urgente.” Ce poème, Char l’avait bien écrit en Europe, que je sache où les fascistes s’agitent sur tous les plateaux de télé et dans toutes les revues à gros tirages. Alors…
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Sur youTube, je cherche sans trouver l’hommage au sommeil que chante Angélique Ionatos sur l’enregistrement de bribes de poèmes de Sappho de Mytilène, le tout dernier, l’hommage au sommeil lequel en grec ancien, se disait hypnos.
Alors, l’hommage de tous les astres le plus beau – astéron panton – qui veille sur le sommeil de l’agneau près de sa mère. Lorsque ces paroles furent écrites, personne ne parlait d’aller exploiter les minerais sur la lune comme si la mission de l’homme était de semer la ruine partout où il passe.
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Dream : All that remains of the night, is the sensation of deep sleep and the final image in a dream where people were listening to a young boy strumming a guitar while singing a song about the one he loved and wished to marry.
Morning sounds. Mourning doves, the cawing of a crow.
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(Jotted down yesterday at the end of the day) : I sometimes hear very odd comments from honorable French people who never set foot in North America and for whom all inhabitants of the United States, almost without exception, are cretins who know nothing about history and have not yet understood that their country is in the midst of a coup. They say this with a haughty certainty, as if the simple fact of living in Europe had imprinted its full history in their genes. What this brave experts on the American psyche don’t seem to think about is the dumb question about how they would behave themselves, if they knew their country to be drowning in combat, where massacres were always possible – in school, at the supermarket, on one’s own street – and that this knowledge might lead to modulating your criticism while the president was pardoning crooks and killers and his popularity, even if somewhat chipped by his repeated stupid decisions, was still fed and supported by well armed supporters eager for the opportunity of “owning the Libs” and eliminating them i.e. anyone leaning toward goodwill and openness to others. Makes one think twice, no?
And, like in René Char’s poem, The Inventors, “yes, the hurricane would break soon; but did this deserve that we talk about it and disturb the future? Where we are, there is no urgent fear.” He wrote this poem in Europe, as far as I know. Where fascists are on every TV talk show and in every mass circulation magazine, so…
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On youTube, I search without finding the tribute to sleep that Angélique Ionatos sings on the recording of bits of poems by Sappho from Mytilene, the last one, praising sleep which the ancient Greeks called hypnos.
In that case, the praise to the most beautiful star of them all – asteron panton – that watches over the sleep of the lamb next to its mother. When those words were scripted, no one was talking of mining the moon for its mineral wealth as if man’s mission was to spread ruin everywhere he went.