31 mai 2025

Des rêves de la nuit, il ne me reste que l’image de l’accumulation de mails non lus, tous portant des informations sur la situation gravissime de la terre et des humains. (Image à peu de choses exacte de ce qui s’accumule sans être lu chez moi. Un ménage s’impose.)

Il a plu pendant la nuit, rafraichissant l’air surchauffé. De la fenêtre ouverte, je reçois l’odeur de la terre et les appels d’une tourterelle que les humains appellent tristes (elle n’en sait rien, tant mieux.)

Hier, une amie a appris le décès de sa mère en Turquie, où elle ne peut plus se rendre, au risque d’être emprisonnée. Les autres membres de la famille lui ont tout de même laissé organiser les obsèques à distance, et se débrouiller avec la banque de sa mère là-bas. Sympa, parfois, les liens familiaux quand caractères et allégeances politiques s’opposent. Parfois, il vaut mieux se créer des familles d’élection dont les membres se choisissent mutuellement.

Depuis hier, je retravaille la section de la femme qu’ils appellent l’Ogresse dans L’Horloger des Brumes.

Ce matin, j’ouvre au hasard l’Herbier de prison de Rosa Luxemburg. Dans sa lettre à Sophie Liebknecht, écrite le 14 janvier 1918 depuis la prison de Breslau, j’apprends que, dans les années 1870, le “cas” Shakespeare faisait l’objet de vifs débats en Allemagne. Elle lui demande l’envoi de titres sur Shakespeare mais aussi sur l’histoire du drame italien et de la littérature dramatique en Espagne.

J’aime beaucoup Rosa Luxemburg.

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En 2184, l’Ogresse reçoit une copie de ce livre en cadeau; elle y découvre des specimens végétaux qui n’ont pas survécu aux déflagrations de la fin du 21e siècle – un oeillet delta que Rosa a reçu en prison, cueilli à Breslau le 12 juillet 1918, une prêle des champs (d’Osswitz, à la même date) et un géranium qu’elle décrit comme étant “de Mathilde (brisé par le vent, 13.7.18)”

L’Ogresse n’est ni belle, ni gracieuse. La personne lui faisant ce cadeau lui dit au sujet de Rosa Luxemburg : “Physiquement, elle n’était même pas jolie, très courte et difforme parce qu’elle boitait. Mais d’une intelligence…C’est une opinion personnelle, bien sûr, mais je considère l’intelligence comme une forme très précieuse de beauté. Enfin…aimer la beauté, c’est une façon d’être belle, d’après moi. Enfin, vous verrez “.

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Of the night’s dreams, all that remains is the image of the accumulation of unread emails, all them them with information on the utterly serious condition of the earth and of humans (a more or less precise image of everything that has accumulated over here, unread. A clean-up is called for.)

It rained during the night, cooling off the overheated air. The smell of the earth and the calls from the dover the humans describe as in mourning (she doesn’t know a thing about it, which is just as well.)

A friend learned of her mother’s death in Turkey, where she cannot return without risking imprisonment. The other family members let her manage with organizing the funeral at a distance, and managing with her mother’s bank over there from over here. Ah, family ties in all their glory, especially when personal characters and politics intervene. Sometimes, it’s best to make up your own, from people you choose and who choose you.

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Since yesterday, I’ve been reworking the section with the woman called the Ogress in L’Horloger des Brumes.

This morning I open at random Rosa Luxemburg’s Herbier de prison (Prison Herbarium). In her letter to Sophie Liebknecht, written on January 14 1918 from the prison in Breslau, I learn that in the 1870s, the “case” around Shakespeare was a topic of lively debates in Germany. She asks to be sent titles on Shakespeare but also the history of Italian drama and of dramatic literature in Spain.

I dearly love Rosa Luxemburg.

In 2184, the Ogress receives a copy of this book as a gift; in it, she discovers plant species that have not survived the explosions at the end of the 21st century – a delta carnation Rosa received in prison, picked in Breslau on July 12 1918, a piece of a plant called horsetail in English (from Osswitz, on the same calendar date) and a geranium she describes as being “from Mathilde (broken by the wind, 13.7.18)”.

The Ogress is neither beautiful nor graceful. The person making this gift says about Rosa Luxemburg : “Physically, she wasn’t even pretty, very short and missshapen because of a limp. But of an intelligence…This is a personal opinion, of course, but I consider intelligence to be a very precious kind of beauty. At the very least…loving beauty is a way of being beautiful, in my opinion. Anyway, you will see.”

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