9 février 2025

Rêve : sur fond de formes abstraites et colorées dessinées par ma fille, les mots “langue de clerc, opaque et hostile au peuple”, au sujet du français écrit (mais c’est peut-être aussi le cas de toute langue écrite pratiquée par une “élite” face aux masses illettrés.)

C’est certainement le cas pour le “code” dans lequel les mots apparaissant ici sur l’écran s’inscrivent en langage informatique, celui-là même que de jeunes barbares pratiquent et que des criminels emploient présentement à piller les bases de données du gouvernement fédéral aux Etats-Unis.

Hier, quelqu’un consultant ce blog a cliqué sur un texte que j’ai noté le 5 janvier 2017 – un extrait du dernier texte, intitulé Ainsi faisons-nous nos adieux dans un livre de la turque Asli Erdogan, Le silence même n’est plus à toi* que je n’avais pas relu depuis. Je l’ai sorti de sa place dans la bibliothèque, feuilleté, et retrouvé ce texte-ci, Antique Nuit, que j’avais entièrement encadré et où, à la citation du poète péruvien César Vallejo, j’avais rajouté les mots *et encore. L’acier du pauvre n’a pas de manche. Pour chaque coup porté, il déchire sa propre paume.

Lors de son passage, vendredi soir, pour remettre les plaques de cuisson en marche, l’une des premières questions de mon ami, le jeune ivoirien, fut pour prendre de mes nouvelles de ma fille – qu’il n’a jamais rencontrée mais le fait qu’elle habite loin et soit venue me visiter l’a beaucoup impressionné, lui, si loin de son pays et des siens. Je lui ai dit qu’elle allait bien et nous avons parlé des pièges et obstacles que le français écrit pose à chaque mot lorsqu’un étranger tente de l’utiliser. Pas que les étrangers, lui ai-je dit, en adressant un salut mental à tous les Petit Poucet égarés dans ses taillis.

Dans le Dictionnaire amoureux de Pouchkine, à la page pour le mot Livres, André Markowicz cite notamment un extrait d’Eugène Onéguine lorsque Tatiana découvre les livres qu’il consulte et avec lesquels il “converse” en y laissant des traces, un mot, un trait, “un point d’exclamation discret”.

C’est vrai, il y a des gens comme ça – j’en suis – pour qui les livres sont leur véritable pays.

Puis, j’ai noté quelques phrases qui appartiennent à l’Ogresse dans L’Horloger; j’espère parvenir à reprendre et à développer ce passage dans le récit aujourd’hui, avant la vidéo-conférence avec l’équipe de les humanités.

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Quant à la question que soulève Asli dans le texte ci-haut – “les rêves peuvent-ils aller au-delà de la mort ?” ma réponse personnelle est oui, très certainement, rêves et cauchemars formant l’humus, le substrat sur lequel nous évoluons.

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Dream : on a background of abstract colorful forms drawn by my daughter, the words “a cleric’s tongue, opaque and hostile to the people”, concerning written French (but this is maybe the case of every written language used by an “elite” in the presence of a mass of unlettered ones.

It’s certainly the case for the “code” in which the words are appearing here on the screen, written in a digital language, the very same one that the young barbarians put to work by criminals are using while pilfering the data bases of the United States federal government.

Yesterday, someone consulted this blog and clicked on a text I wrote down on January 5 2017 – an excerpt from the final text titled Thus do we make our farewells in a book by the Turkish writer Asli Erdogan titled Le silence même n’est plus à toi (Even the silence is no longer your own) which I had not re-read since. I pulled it out of its spot in the bookshelves, leafed through it, and came across this text, , Antique Nuit (Antique Night) that I had completely outlined and where, to the quote by the Peruvian poet Cesar Vallejo which reads “the wrath of the poor opposes two rivers to a sea…one iron against two daggers” to which I added the words “and still. The iron of the poor has no handle. For each of his strikes, he tears his own palm.”

When he came by on Friday to put my stove top back to work, one of the first question of my young friend from the Ivory Coast was concerning my daughter’s welfare – he’s never met her but the fact that she lives far away and came to visit me impressed him strongly, being so far away from his country and his own family. I told him she was well and we talked about the traps and obstacles that written French sets up with every word when a stranger attempts to use it. Not only for strangers, I told him, sending up a mental greeting to all the little Tom Thumbs lost in its thickets.

In the Dictionnaire amoureux de Pouchkine, on the page for the entry about books, among other comments, André Markowicz quotes an excerpt from Eugene Oneguine when Tatiana discovers the books he reads and with which he “converses”, leaving traces in them, a word, a underlining, “a discrte exclamation point”.

True, there are people like that – I am one of them – for whom books are their real country.

Then, I jotted down a few sentences belonging to the Ogress in L’Horloger; I’m hoping to manage to re-enter and develop that passage in the tale today prior to the video conference with the others from les humanités.

As for the question Asli raises in the text above – “can dreams extend beyond death?” my personal answer is yes, most definitely, dreams and nightmares forming the humus, the substrate on which we evolve.

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