15 décembre 2024

Je commence ici par l’illustration sans laquelle, au réveil, je n’aurais rien compris aux images éparses surnageant de trois rêves confus: du premier, ne reste que les mots Abou Dhabi; du second, une femme squelettique qui m’approche sur un pont très élevé où je suis empêtrée dans un vêtement blanc que je tente d’enfiler par la tête; et le dernier où un homme affable m’offrait un transport qu’il devait alors offrir aussi à mon ex, frustrant des personnes qui auraient aimé profiter de l’une des 9 places disponibles.

Tout est dans le contexte. Hier, après une tentative de faire une description lisible de la verrière illustrant L’Immortelle de l’observatoire Sei Shônagon dans le récit, j’étais retournée aux poèmes de Nikki Giovanni, cherchant à comprendre ce qu’il y avait là pour susciter une réputation aussi éclatante lorsqu’est arrivé le jeune homme qui se fait appeler Rustine, m’apportant une copie de Sur les Rois dans lequel il a marqué des passages qu’il croit pouvoir m’être utile pour les personnages des 4 “Immortels” dans L’Horloger des Brumes.

“Rustine”, détenteur d’une maîtrise en sociologie, est réparateur de vélos et animateur d’un centre ouvert au bout de ma rue où se tiennent des réunions de groupes dits alternatifs et d’une cantine végétarienne où chacun règle à la hauteur de ses moyens. Il s’est immédiatement intéressé aux poèmes de Giovanni qui me laissaient perplexe; pour lui, c’était évident, que pour des Noirs américains, de lire leurs propres expériences ainsi élevées au rang de choses dignes d’être célébrées, c’est énorme. D’où la valeur attribuée à un poème comme Bay Leaves, par exemple, ou le très célbère Nikki-Rosa. Lus par des gens extérieurs à ce monde, l’intérêt est moins évident puisqu’il y manque tout le bagage sous-jacent; et, pour paraphraser Giovanni disant “on ne pleure que ce qu’on connaît”, je pourrais dire “on n’est touché que par ce qui touche quelque chose d’essentiel dans notre propre expérience de vie.”

Et pour en revenir aux rêves : du premier n’est resté que les mots Abou Dhabi; du second, l’image d’une femme squelettique au vêtement compliqué m’approchant avec un sourire inquiétant, alors que je suis empêtrée dans un vêtement blanc que je tente d’enfiler par la tête; et les 9 places disponibles dans la voiture ont rapport à ce vers de Dante : “Minerve souffle, Apollon me conduit, et neuf muses me montrent les Ourses.” (Illustration du pourquoi les livres offrant d’interpréter vos rêves ne valent pas le prix d’achat.)

Car, oui, dans le récit, les 9 cercles en rosace sur le personnage représenté dans la verrière à l’entrée de l’Observatoire Sei Shônagon représentent les 9 muses en question. (Il faut dire qu’avec Rustine, nous avons aussi parlé de Dante et de cette image par Gustave Doré, imprimée sur ma rétine quand j’avais 5 ans, de Dante et Virgile surplombant le lac de poix brûlant dans lequel trafiquants et concussionnaires sont harponnés par des démons. Les horreurs décrites dans les gravures par Doré m’ayant incitée, plus vieille, à lire La Divine Comédie de façon quasi-obsessionnelle, y compris toutes les notes décrivant les personnages apparaissant à Dante dans son ascension depuis les tréfonds de l’enfer, vers le purgatoire, puis au Paradis où Béatrice vient remplacer Virgile comme guide à travers des arcanes théologiques d’un intérêt moindre que les splendeurs de langage qui s’y trouvent “mais déjà. il tournait mon désir et vouloir tout comme roue également poussée, l’amour qui meut le ciel et les autres étoiles.”

*

Temps de retomber sur terre, faire les courses nécessaires au marché, puis terminer les notes sur Nikki Giovanni pour envoi à Jean-Marc Adolphe.

*

I begin here with the illustration without which, upon waking, I wouldn’t have understood a thing to the scattered images floating up from three confusing dreams: from the first nothing other than the words Abou Dabi; from the second, a skeleton-like woman with a disturbing smile was approaching me as I struggled to get a white piece of clothing over my head; and in the last a kindly man offered me a lift that had to include my ex, thus frustrating the people who would have liked to take advantage of one of the 9 available spaces.

Contest is everything. Yesterday, after an attempt at describing in simple language the stained glass portrait illustrating the Immortal at the Sei Shônagon observatory in the story, I had gone back to Nikki Giovanni’s, attempting to understand what there was in them that made for such an outstanding reputation when the young man who calls himself Rustine (for the patch applied to busted inner tubing on bicycles) arrived with a copy of On Kings in which he has marked off passage he believes might be useful for me with the 4 “Immortals”” in L’Horloger des Brumes.

“Rustine”, with an M.A. in sociology, repairs bicycles and animates a center opened at the end of my street where groups considered as alternative hold meetings and you find a vegetarian canteen where you pay what you can. He was immediately interested by Giovanni’s poems that left me perplexed; for him, it was obvious that for Black Americans, reading about their own experiences thus elevated to the rank of things worth celebrating was enormous. Explaining the value attributed to a poem such as Bay Leaves, for instance, or the very celebrated Nikki-Rosa. Read by people outside that world, the interest is not as obvious since they lack the underlying luggage; and, paraphrasing Giovanni saying “you only cry for what you love”, I could say “you are only moved by what touches something in your own life experiences.”

And getting back to the dreams: of the first, there only remained the words Abou Dhabi; of the second a skeleton-thin woman with a disturbing smile approaching me on a high bridge while I struggle in getting a white piece of clothing over my head; and the 9 available spaces in the car related to this verse in Dante : Minerva blows, Apollo leads me, and nine Muses show me the Bears” (This illustrating why books offering to interpret your dreams aren’t worth the price of purchase.)

Because, yes, in the tale, the 9 circles forming a rosette on the character represented in the stained glass window at the entrance to the Sei Shônagon Observatory represent the said 9 muses. (I should add that, with Rustine, we talked about Dante and of this image by Gustave Doré, imprinted on my retina when I was 5 years old, of Dante and Virgil standing over the lake of burning pitch in which traffickers and extortionists are harpooned by demons. The horrors describes in Doré’s engravings led me later to reading Dante’s Divine Comedy in a quasi obsessional way, including all the notes describing the characters appearing to Dante as he rises from the pits of hell, to purgatory, to heaven when Beatrice replaces Virgil as his guide through the theological mysteries I find of lesser interest than the splendors of the language displayed “but already, my desire and will were turning like a wheel that is pushed by the love that moves the sky and the other stars.” .

*

Time to get back to earth, go buy required goods at market, then finish the notes on Nikki Giovanni to send to Jean-Marc Adolphe.

Leave a comment