1er décembre 2024

Rêves : “faux culs en brochette” spectacle “humoristique” télévisé où des paillettes à plume se font concurrence, dans une mise en scène qui ressemble à un tableau de Otto Dix; puis, une toilette publique pour femmes, j’entre dans l’une des cabines, une autre femme entre et se dirige vers la cabine voisine en répétant Auschwitz, Auschwitz, Auschwitz, puis elle se tient debout contre la paroi qui n’atteint pas le plafond, elle est très grande et je vois le haut de son crâne, elle dit quelque chose en allemand qui ressemble à “chambre centrale des machines” puis elle parle parle parle et je ne peux qu’écouter et comprendre, même sans traduction. (Me parlait-elle ainsi, Maria, dans une langue que je comprenais à travers elle, sans la connaître ?)

*

Je me suis endormie hier soir sur la honte cuisante de ce que nous, Occidentaux, avec nos dirigeants paillettes à plume imposons comme catastrophes à l’Ukraine pour que son président en soit réduit à parler d’un “gel temporaire” des attaques russes contre son pays, le temps d’une “négociation”, pendant que d’autres, en Géorgie, se font matraquer et violenter pour leur rêve d’Europe, et que nos paillettes à plume ont le culot d’invoquer nos “valeurs sacrées d’humanisme”, en les violant jour après jour après jour.

*

Pendant ce temps, hier, j’ai poursuivi l’écriture des récits de L’Horloger des Brumes d’une façon que je n’ai jamais utilisée avant :

– il y a d’abord le récit en atelier dont je n’ai conservé que quelques éléments dans les variantes et ébauches déjà rédigés, dont certains morceaux me paraissent à conserver

-il y a les deux carnets qui resteront des gens qui sont morts coincés dans la vallée en 1974

-il y a le gros cahier dans lequel je colle des images, des dessins, des bouts de texte des personnages des différents récits, identifiés chacun par une couleur différente

– et le texte sur ordi que je compose à partir de ces différents éléments, suivant une sorte d’idée générale de ce que ça donnera au final

Et, oui, bien sûr : les dessins de Camille Messager – ce qu’elle pensera du résultat, je n’en ai pas la moindre idée.

*

Je vois que les informations du jour seront tout aussi désolantes que celles d’hier, alors je termine ici sur une phrase qui a frappé L’Ogresse dans ce qu’elle parvient à comprendre des lettres qu’écrivait Rosa Luxembourg depuis sa prison à Breslau. Dans une lettre à Sonia Liebknecht en date du 2 août 1917, elle écrit : “Vous me demandez “comment devenir bon”, comment faire taire le “diable subalterne” qui est en nous? Sonitchka, je ne connais pas d’autre moyen que de se relier à la gaieté et à la beauté de la vie qui nous entourent constamment, pour peu qu’on sache faire usage de ses yeux et de ses oreilles. Elles créent l’équilibre interne permettant de passer par-dessus tout ce qui est fâcheux et mesquin. À l’instant – j’ai interrompu ma lettre pour observer le ciel -, le soleil a déjà beaucoup baissé derrière le bâtiment; au-dessus flottent, venus Dieu sait d’où, des myriades de petits nuages au liséré d’argent brillant et au coeur d’un gris délicat. Ils se sont assemblés sans bruit et s’effilochent par tous les bouts en voguant vers le nord. Il y a tant d’insouciance et de fraîcheur dans ces nuages qui passent, comme un sourire indifférent, que je n’ai pu m’empêcher de sourire à mon tour; car je suis toujours en accord avec le rythme de la vie qui m’entoure. Devant un ciel comme celui-là, comment pourrait-on être “méchant” ou mesquin ? N’oubliez jamais de regarder autour de vous et vous y trouverez toujours une raison de redevenir “bonne”.*

*

Evidemment, certains réussissent très bien à demeurer méchant et mesquin et ne se sont pas gênés pour abattre Rosa Luxembourg d’une balle à la tête en abandonnant son corps dans un canal. Mais voilà : les deux options existent et l’espèce à laquelle nous appartenons n’aurait pas survécu sans les Rosa qui protégeait et défendait un blessé des bêtes sauvages, lui donnant la possibilité de guérir et de poursuivre la route.

*Rosa Luxembourg, Herbier de prison (1915-1918), Edition établie et préfacée par Muriel Pic, traductions par Claude Weill, Gilbert Badia, Irène Petit et Muriel Pic, éditions Héros-Limite 2023

*

Dreams: “phoneys on skewers”, a “humoristic” televised show where feathered sequins are in competition in a setting resembling a painting by Otto Dix; then, a public toilet for women, I enter one of the stalls, another woman comes in and heads for the neighboring stall, repeating Auschwitz, Auschwitz, Auschwitz, she then stands against the dividing panel that doesn’t reach all the way to the ceiling, she is very tall and I see the top of her head, she says something in German that sounds like “central room of machines” then she talks talks talks and I can only listen and understand, even without a translation. (Did Maria talk to me in this way, in a language I understand through her, without knowing it?)

*

I fell asleep last night on the burning shame of the fact that we Westerners with our leaders made out of sequined feathers impose such catastrophes on Ukraine that its President is reduced to talking of a “temporary freeze” in the Russian attacks on his country, for the duration of a “negotiation”, while others, in Georgia, are being kicked about and bullied because of their dream of Europe, while our sequined feathers have the nerve to invoke our “sacred humanitarian values”, while raping them day after day after day.

*

During this time, I continue the writing of the tales in L’Horloger des Brumes, using a method I never tried before:

– first, there was the tale written in a workshop of which I have only kept some elements in the variations and drafts already attempted, some pieces of which strike me as worth keeping.

-there are the two notebooks remaining from the people who died trapped in the valley in 1974

-there is the thick notebook in which I glue images, drawings, bits of writing about the characters in the different tales, each one identified by a different color

– and the text on computer that I’m pulling together out of those different elements, following a kind of general idea of what the final result might be.

And yes, of course; the drawings by Camille Messager – what she will think of the result, I have no idea.

*

I see that today’s news will be just as distressing as yesterday’s; so I’l close here on a sentence that struck the Ogress when she managed to understand the letters Rosa Luxemburg wrote from her hail in Breslau. In a letter dated August 2nd 1917 to Sonia Liebknecht, she writes: “You ask me ‘how does one become good’, how can one silence the secondary devil’ inside us? Sonitchka, I know no other way than to link up to the cheerfulness and living beauty that surround us constantly, inasmuch as we know how to use our eyes and ears. They create an internal balance allowing to pass over everything that is hateful and petty. At this very moment – I interrupted my letter to look at the sky – the sun has already gone down a lot behind the building; above it, appeared God knows from where, there floats by a myeriad of tiny clouds fringed in shining silver and with a delicate grey heart. They have assembled silently and their ends fray as they glide by on their way to the North, so like an indifferent smile that I could not help but smile in turn; for I am always attuned to the rhythm of life around me. Seeing such a sky, how can one be “evil” or petty? Never forget to look around you and you will always find a reason to become “good” again.”

*

Of course, some succeed very well in remaining evil and petty, and did not hesitate to kill Rosa Luxemburg with a gunshot to the head, abandoning her body in a canal. But there you have it: the two options exist and the species to which we belong would not have survived without its Rosas protecting and defending the wounded from savage beasts, giving them the opportunity to heal and move on.

Leave a comment