
Rêve: très long, dont il ne reste que deux bribes. Dans la première, je suis sur la rue où nous habitions à Chicoutimi, lorsque j’avais 11 ans. Un homme et une femme marchent vers moi, ils sont grotesques et monstrueux comme deux bêtes de foire et font mine de m’ignorer, alors que c’est moi qui les ai rejetés (comme les monstres forains dans Robertson Davies); puis, assise à côté d’un jeune garçon qui joue de la batterie sur. un appareil électronique, je lui crie “mais arrête ! tu m’éclates les tympans !”
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Sans surprise aucune, Poutine ressort la menace nucléaire pour dissuader les Etats-Unis et/ou d’autres de permettre à l’Ukraine d’utiliser leurs armes pour des attaques sur le territoire russe. L’un des grotesques affligeant l’humanité.
Je n’ai même pas jeté un coup d’oeil sur ce qui se passe ailleurs – Etats-Unis, Israël, ni même la France où j’habite et dont tout ce que je sais pour l’heure, c’est que le sort fait aux réfugiés et demandeurs d’asile se dégrade encore plus avec la sélection de bras cassés composant le gouvernement cette semaine; la composition duquel ne fait même pas semblant de respecter le résultat des dernières élections. Les agences de cotation et les multimilliardaires sont les seuls maîtres du jeu, tout le reste n’est que mise en scène. L’aimable et talentueux jeune Ivoirien qui venait pour des cours de français s’est vu unilatéralement “déclaré” majeur par la France, alors que son passeport (comme celui de tant d’autres) est bloqué dans son pays d’origine. Sans nouvelle de N et de ses enfants depuis plusieurs jours, ce qui n’augure rien de positif.
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Je note tout de même au passage la conclusion que donne Italo Calvino au texte concernant la “ville cachée” de Raïssa : “Même à Raïssa, ville triste, court un fil invisible qui se défait, puis se tend à nouveau entre des points en mouvement, dessinant de nouvelles figures rapides, si bien qu’à chaque seconde la ville malheureuse contient une ville heureuse qui ne sait même pas qu’elle existe.” *
Et me revient qu’au bout de cette rue sur laquelle je marchais quand j’avais 11 ans (et dans le rêve de la nuit dernière), se trouvait une zone sauvage où un torrent déboulait entre les blocs de granit, vers la rivière Saguenay en contrebas et que cet endroit était mon lieu secret de bonheur. Les fils ténus, invisibles, peuvent-ils prendre le dessus sur la monstruosité ?
*Italo Calvino, Les villes invisibles, traduction de Martin Rueff, Gallimard, Folio 2019
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Dream: a very long one of which only two scraps subsist. In the dirst, I am on the street where we lived in Chicoutimi when I was 11 years old. A man and a woman are walking toward me, they are monstrous and grotesque like fairground attractions (like the fairground monsters in Robertson Davies) and pretend to ignore me, whereas I’m the one who rejected them; then, sitting next to a young boy playing drums on an electronic apparatus, I yell “but stop it! You’re splitting my eardrums open !”
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No surprise whatsoever, Putin pulls out his latest version of the nuclear threat in order to deter the US or any other country from allowing Ukraine the use of their weapons for attacks on the Russian territory. One of the grotesques afflicting humanity.
I haven’t even taken a look at what is going on elsewhere – USA, Israel or even France where I live and where all I know for the time being is the fate of refugees and asylum seekers getting even worse with the team of lame duck assembled for this week’s government, the makeup of which does not even pretend to respect the results of the last elections. The rating agencies and the multibillionaires are the only game masters, everything else only being play acting. The charming and talented young man from the Ivory Coast who came for French classes has been unilaterally “declared” an adult by the French government, while his passport (like that of so many others) remains blocked in his country of origin. I’m without news from N and her children for the past few days, which does not bode well.
Nonetheless, I note in passing the conclusion Italo Calvino provides to a text about the “hidden town” of Raïssa: “Even in Raïssa, sorry town, there funs an invisible thread that unravels, then stretches out again between moving dots, drawing quick new figures, so that every second in the unfortunate town, there exists a happy one that doesn’t even know it exists.”
And I recall that at the end of that street on which I walked when I was 11 years old (and in the dream last night), there was a wild area where a mountain stream gushed down over granite boulders toward the Saguenay river below, and that the spot was my secret place of happiness. Can tenuous, invisible threads win over monstrosities ?