
Rêves: j’étais assise dans la première rangée au pied d’une scène où une femme recevait une ovation pour un documentaire qu’elle venait de présenter, au sujet d’institutrices et d’infirmières du Grand Nord, et de leur courage exceptionnel; j’en pleurais à gros sanglots, à la fois plongée et libérée d’un chagrin énorme; puis j’aidais quelqu’un à décoller de vieilles affiches et à gratter la colle sur des vitres d’une vieille maison où logeaient des comédiens ambulants, l’un d’eux me souriait pour mes efforts, bien qu’inutiles.
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Au réveil, sans réfléchir, je note ce qui suit : “À moins de similitudes dans les réactions, les malheurs des uns ne prédisposent nullement à la compréhension des malheurs des autres. C’est presque le contraire qui se produit. On se dit : après avoir traverser telle ou telle épreuve, ne devrait-il ou elle pas réagir comme ceci ou comme cela ?”
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J’ouvre Les Élégies du nord et autres poèmes d’Anna Akhmatova au hasard. Page 47 :
Et pas trace d’enfance à l’eau de rose…
Joujoux, nounours et taches de rousseur,
Tonton qui vous font peur, tatas gentilles,
Amies dans la rivière caillouteuse.
Dès le début, je me suis vue moi-même
Soit comme un rêve, soit comme un délire,
Soit le reflet dans le miroir d’une autre…”
Anna Akhmatova, extrait de Deuxième Élégie
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Deux versions d’enfances sans eau de rose. Deux mondes.
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Nouvelles de Haïfa hier: le père d’Ilana a été transféré à un hôpital privé pour la chirurgie à l’épine dorsale. Ici, invasion de fourmis adorant la bouffe du chien, et infestation de puces sur les deux animaux; visite au vétérinaire et traitements à raison de 127€. Il va falloir vaporiser dans l’appart’, sortir avec les animaux, et laisser agir le produit. Puis, aérer, et espérer pour le mieux, après avoir alourdi son karma personnel de la mort de centaines de milliers de fourmis et de puces, j’avoue n’en point ressentir la moindre culpabilité.
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Et puis, ces vers dans le poème d’Akhmatova, au sujet de la vie :
“C’était une prairie en fleurs, du genre
De celle où Proserpine a pu jouer.”
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Ecrire m’est impossible en ce moment.
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Dreams: I was sitting in the front row at the foot of a stage on which a woman was receiving an ovation for a documentaire she had just presented about women teachers and nurses in the Far North, and their exceptional courage; I was crying with deep sobs, as if both plunged into and liberated from a huge sorrow, then, I was helping someone rip off old posters and scrape the glue off the windows of an old house where travelling actors were living, one of them smiled at me for my efforts, although they were useless.
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Upon waking, without thinking, I jot down the following : “In the absence of similarities in reactions, the woes of others do not predispose one in the least to understanding of the woes of others. It’s almost as if the opposite were true. You tell yourself: after crossing through such or such a trial, shouldn’t he or she react like this or that ?”
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I open Anna Akhmatova’s Northern Elegies and other poems at random. Page 47 :
And not a trace of a sentimental childhood…
Two versions of unsentimental childhoods, side by side. Two worlds.
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News from Haifa yesterday : Ilana’s father has been transferred to a private hospital for his surgery to the spine. Over here, an invasion of ants addicted to the dog’s food, and a flea infestation on the two animals, visit to the vet’s with 127€ worth of treatment. Must vaporize the appartment, step out with the animals to let the product do its job. Then air out the place, and hope for the best, after weighing down my personal karma with the death of hundreds of thousands of ants and fleas, for which I admit not feeling the slightest twinge of guilt.
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Then those lines in Akhamatova’s poem, speaking about life :
It was a prairie in bloom, like
the one where Persephone might have played.
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Writing is totally impossible for me at the moment.