27 août 2024

Rêve : invitée à une table commune, une bestiole à l’apparence de mille-pattes avait apporté une tomate tranchée sur une assiette. Je me levais de table pour regarder la demi-tranche de tomate restante, bien tentée de la manger mais incertaine quant à la réaction du mille-pattes. Mouvements divers; quelqu’un muni d’une grande cuillère la plongeait dans une jarre et en retirait une grosse portion de caramel.

(?)

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À peine les yeux devant les trous après ce rêve sorti d’un brouillon rejeté d’Alice au pays des merveilles, la mouise humaine, nul besoin de mille-pattes pour ça. Quand il s’agit d’attaquer les pays des autres, Poutine est plus que partant; quand il s’agit de protéger les habitants de son propre pays, c’est autre chose. Le Moyen-Orient, les incursions chinoises en Mer de Chine, la gabegie en Afrique. Sur facebook, une “amie” tombe dans un délire de culpabilité à l’idée d’avoir pris du bon temps, alors que les Ukrainiens s’entassaient dans le métro à Kyiv pour éviter les attaques déclenchées par le voisin hargneux. Elle m’a rappelé la gamine de six ans que j’étais, paralysée dans mon lit le soir, à l’idée que les petits russes et nous, petits canadiens, étions responsables de la mort de soldats en Corée parce que nous n’étions pas immobiles en classe. Culpabilités hors-normes, sans rapport avec les réalités; autant inviter un mille-pattes à table, puis se demander s’il acceptera qu’on mange de sa tomate !

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Derniers jours d’un été très solitaire, premiers indices de retour des activités communautaires. En principe, ma fille arrive le 3 pour presque un mois complet. L’écriture demeure sommaire, dans le meilleur des cas. Trois mots ici, quatre mots là.

Une voisine, récemment imbue de lecture, tombe des nues devant Amélie Nothomb et insiste pour me prêter Le livre des soeurs, (qui se lit en une heure et demi.) Désolée, je ne serai jamais du fan club et je ne comprends toujours pas qu’on en soit. C’est comme ça, Amélie ne doit pas s’en faire, je suis certaine que ses ventes ne se ressentiront pas du tout de ma désaffection. En fait, elle me rend heureuse de ne pas dépendre de l’écriture pour gagner ma vie, si cela mène à ce qui me fait l’effet d’une sorte de logorrhée inutile.

La chose la plus intelligente que j’aie lue hier était une sorte de ‘meme’ citant le physicien Richard Feynman, qui disait que le problème n’était pas que les gens manquaient d’instruction; le problème était plutôt que les gens en recevaient juste assez pour croire ce qu’on leur enseignait, mais pas suffisamment pour le remettre en question. A l’arrivée, au final : le premier complotiste venu fait fortune avec des arguments fallacieux que personne n’a appris à détricoter.

*

Je suis né et j’ai grandi dans les marais baltiques

près des brisants gris-zinc avançant toujours

par deux. D’où toute rime, d’où cette voix sourde

atonale ondulant comme des cheveux encore humides,

lorsqu’ils ondulent. Calé sur un coude blafard,

l’hélix n’en retire aucun grondement marin

mais un claquement de toile, de volets, de main, de bouilloire

en ébullition sur le poêle – au final, le cri métallique

de la mouette. Ce qui préserve les coeurs

de la fausseté dans cette région, c’est qu’il

n’y a nulle part où se cacher, et plein d’espace

pour voir.

Seul le son a besoin d’écho et craint son absence.

Un regard est habitué à n’en pas recevoir en retour.

Joseph Brodsky, Partie du Discours

*

Dream: Invited to a common table, a beastie with the appearance of a centipede had brought a sliced tomato on a plate. I got up from the table to have a look at the remaining half slice of tomato, quite tempted to eat it but not sure of what the centipede’s reaction would be. Various movements; someone with a large spoon plunged it into a jar and pulled it out filled with a big portion of caramel.

(?)

*

With my eyes barely aligned for day vision after this dream like a rejected draft version of Alice in Wonderland, the human mess, and no need for a centipede. When it comes to attacking other people’s countries, Putin is always game; when it comes to protecting the inhabitants of his own, it’s a different story. The Middle East, Chinese incursions in the Sea of China. On facebook, a “friend” falls into a delirium of guilt at the thought of having had a bit of a good time while Ukrainians were crammed into the subway in Kyiv to avoid the attacks launched by their hate-filled neighbor. She reminded me of the six-year old kid I once was, paralyzed in my bed at night at the thought little Russian and us, little Canadians, were responsible for the death of soldiers in Korea because we fidgeted in class. Out-sized guilt, totally out of keeping with realities; may as well invite a centipede to the table, and then wonder if he’ll let you eat some of his tomato !

*

Final days of a very lonely summer, first intimations of the return of communal activities. In principle, my daughter arrives on the 3rd for close to a month. Writing remains sketchy, at best. Three words here, four over there.

A neighbor having recently fallen into reading lent me something called Le livre des soeurs (The book of sisters) by Amélie Nothomb (something that reads in an hour and a half). Sorry, I’ll never join the fan club and can’t understand why there is one. That’s how it goes, Amélie need not be concerned, I’m sure her sales will not suffer at all from my lack of interest. In fact, she makes me happy not to be dependent on writing to make a living, if it leads to what strikes me as a kind of useless logorrhea.

The smartest thing I came across yesterday was a ‘meme’ quoting physicist Richard Feynman saying that the problem wasn’t that people were uneducated; the problem was rather that they were just educated enough to take in what they were taught, but not educated enough to question any of it. As a result: the first snake-oil merchant that shows up can make a fortune with phoney arguments no one has learned to counter.

*

A Part of Speech

BY JOSEPH BRODSKY

I was born and grew up in the Baltic marshland

by zinc-gray breakers that always marched on

in twos. Hence all rhymes, hence that wan flat voice

that ripples between them like hair still moist,

if it ripples at all. Propped on a pallid elbow,

the helix picks out of them no sea rumble

but a clap of canvas, of shutters, of hands, a kettle

on the burner, boiling—lastly, the seagull’s metal

cry. What keeps hearts from falseness in this flat region

is that there is nowhere to hide and plenty of room for vision.

Only sound needs echo and dreads its lack.

A glance is accustomed to no glance back

2 comments

  1. “Autant inviter un mille-pattes à table, puis se demander s’il acceptera qu’on mange de sa tomate !” sera ma devise du jour.
    pour le reste (le monde, la culpabilité (à 7 ans, j’étais responsable des famines au Sahel puisque je ne finissais pas le hachis parmentier de la cantine), l’inutilité verbeuse d’Amélie N., l’instruction qui n’enseigne surtout pas à critiquer et le charlatanisme à toutes voiles, je suis malheureusement incapable de vous apporter une contradiction optimiste et positive…

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    • Je vois que nous partageons de lourdes responsabilités au niveau géo-politique…et on n’a même pas touché aux petits Chinois des années ’40 encore. (Heureuse d’apprendre que le mille-pattes sera mis à bonne contribution; pour ce qui est du contradictoire positif, ne vous en faites pas, d’où qu’il vienne, il me paraîtrait suspect…)Bonne journée à vous, quand même.

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