
Ce soir à Chicago, le Democrat Party américain clôturera sa convention sur le discours de Kamala Harris, sa candidate à l’élection présidentielle du 5 novembre. Les diverses assistants, adjoints, équipes d’entretien feront le ménage, prépareront la prochaine activité, répondront aux critiques, analyses et contre-attaques des distributeurs de haine. Transition brutale depuis les flonflons, la surchauffe des délégués conquis d’avance, passage au boulot pas du tout ‘glamour’ des appels téléphoniques, des réunions de quartier et autres tâches sans lesquelles ce curieux processus électoral ne peut pas se dérouler. Avec, pour seule assurance, qu’advenant même une victoire des Democrat à l’élection, le résultat sera dénoncé par le Perdant en Chef, et le bordel, amplifié.
Regarder le tout depuis une petite ville française donne un autre éclairage aux mots dissonance cognitive. En tout, partout et toujours, l’expérience américaine est une célébration de la démesure, pour le meilleur et pour le pire.
Le rêve américain – mélange de naïveté et de bonne volonté reposant sur un système économique d’une brutalité sans limite.
Évidemment, il faut espérer que cette victoire aura lieu malgré tout – la victoire de ce que les Américains appellent “the better angels in our nature” (les meilleurs anges dans notre nature). Vu l’état de la planète, dans ma tête, les “meilleurs anges” ressemblent drôlement à des éboueurs s’acharnant à faire le ménage au milieu de désastres en cours. Ou à l’interprétation de l’Angelus Novus de Klee, telle que vu par Walter Benjamin :“Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines [Trümmer auf Trümmer] et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré [das Zerschlagene zusammenfügen]. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines [der Trümmerhaufen] devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.”
Je pense à l’un des représentants au Congrès américain qui s’est exprimé hier soir. Racontant son retour dans l’édifice du Capitol le 6 janvier 2021 après le saccage causé par les insurrectionnistes. Vu l’ampleur des dégâts, il n’avait trouvé rien de mieux à faire que de se saisir d’un sac à ordures, et de commencer à ramasser autour de lui.
Vu l’absurdité dans laquelle nous baignons tous, que faire d’autre ?
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Tonight in Chicago, the American Democratic Party will close its convention of the speech of its designated candidate for the November 5th presidential election, Kamala Harris. The various assistants, aids, cleaning créw will prepare the next activity, answer criticisms, analyses and counter-attacks. A brutal transition from the hullabaloo, the fired up mood of the already convinced delegates to the most unglamorous business required for an election to take place – the phone calls, neighborhood meetings and other such activities.
Watching the whole thing from a small French town provides a special take on the words cognitive dissonance. In all things, at all times and everywhere, the American experience is one of excess, for better and for worse. With, as sole guarantee, that even should the Democrats win the election, the result will be denounced by the Loser in Chief and the mess made worse still.
The American Dream – a mixture of naiveté and good will resting on an economic system of limitless brutality.
Of course, one can only hope that victory will take place, despite everything – the victory Americans like to call that of “the better angels in our nature”. Considering the state of the planet, in my mind, “the better angels” look surprisingly like garbage collectors attempting clean-ups in the midst of ongoing disasters. Or to the interpretation of Klee’s Angelus Novus as seen by Walter Benjamin :”There is a painting by Klee called Angelus Novus. It shows an angel who seems about to move away from something he stares at. His eyes are wide, his mouth is open, his wings are spread. This is how the angel of history must look. His face is turned toward the past. Where a chain of events appears before us, he sees on single catastrophe, which keeps piling wreckage upon wreckage and hurls it at his feet. The angel would like to stay, awaken the dead, and make whole what has been smashed. But a storm is blowing from Paradise and has got caught in his wings; it is so strong that the angel can no longer close them. This storm drives him irresistibly into the future to which his back is turned, while the pile of debris before him grows toward the sky. What we call progress is this storm.”
I think of one of the Congressmen who spoke last night. Speaking of his return into the Capitol building after the rampage by the insurrectionists on January 6 2021, and seeing the mess around him, he found nothing better to do than to grab a garbage bag and start cleaning up around him.
Bottom line, seeing the absurdity in which we are all immersed, what else is there to do ?