
Rêves: premier rêve dans lequel je me querelle avec une amie, chacune convaincue que l’autre est responsable de la fâcherie; un second dont je n’ai rien retenu et un dernier où je vais tôt le matin prendre un de mes médicaments chez un ami avant de me rendre à un symposium à l’Université de Montréal. Il pleut, je marche sous la pluie dans une ville qui n’est plus Montréal, puis à nouveau, oui, mais où s’est construit une complexe architectural extrêmement laid comportant une église et un couvent en pierre taillée, le tout imposant et ostentatoire, je marche toujours jusqu’à un endroit où des militaires et des policiers font monter une foule de gens dans des autobus bondés. Tous portent un sac en toile à l’épaule, comme moi d’ailleurs; je monte aussi. Le bus passe devant l’endroit où je devais me rendre, sans s’arrêter, et poursuit sa route par des rues de plus en plus étroites.
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La Sud-africaine n’étant pas venue mardi, la séance de conversation française a eu lieu hier après-midi. Pendant une heure et demi, il fut question des différentes tentatives d’arnaque de ces dernières semaines: d’abord la fausse alerte “votre carte Vitale va expirer bientôt si vous ne cliquez pas ici”; puis “nous n’avons pas pu livrer ce colis, cliquez ici pour…”; puis “DERNIER AVERTISSEMENT, supposément du gouvernement s’apprêtant à saisir 135€ de non payé du compte bancaire. Nous avions reçu les mêmes et dans le cas du troisième, elle avait noté le site à visiter et le numéro de téléphone d’où émanait le message. Le site en question, calqué sur un site gouvernemental avec différentes options menant à des pages inexistantes, sauf pour une page à partir de laquelle il fallait effectuer le paiement du fameux 135€. Le numéro de téléphone, déjà identifié comme générateur d’arnaques et le message initial comportant des erreurs grammaticales, comme “veuillez consultez (sic) votre dossier ici”. Numéro de téléphone transmis à la banque.
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D’après les sondages rapportés par The Kyiv Independent, la fatigue gagne en Ukraine. On serait fatigué à moins. Encore et toujours, des missiles russes comportant des pièces fabriquées aux Etats-Unis frappent des cibles civils – civils, soldats, que viennent faire de telles distinctions, n’est-ce pas? L’ennemi, c’est l’ennemi et dès avant le déclenchement de l’attaque en 2022, les grands penseurs du régime moscovite déclaraient que les Ukrainiens devaient être “punis” pour leur allégeance à ce concept ridicule de démocratie et d’autonomie et de respect de leurs choix d’alliances. Ah non, pas si vous habitez dans ce que la Russie considère comme sa cour arrière !
La fatigue. À peine libéré, l’homme politique Ilya Yashin annonce qu’il va retourner en Russie parce que son action serait inefficace de l’extérieur du pays. C’est justement la crainte qui a fait hésiter à inclure des dissidents russes parmi les otages libérés en échange des tueurs et autres criminels au service du Kremlin. L’équation morale n’est pas sur le point de se simplifier.
“Adieu Russie, patrie pouilleuse…” écrivait Lermontov en 1841. Rien, absolument rien n’a changé, si ce n’est la monstruosité et l’efficacité des armes de destruction. “Avancez par en arrière !” comme le criaient les chauffeurs d’autobus de mon enfance, ignorants du fait que telle était bien l’idéologie fondamentale des régimes dictatoriaux.
“Avancez par en arrière” vers le découragement, la fatigue, l’envie de dormir et surtout, le refus de penser.
Hier, un “ami” inconnu sur facebook, un indien du nom de Anshu Dash, a publié une citation de l’historien Howard Zinn, l’auteur de A People’s History of the United States. Je l’ai traduite et ça donne ce qui suit :
“Garder espoir par temps durs n’est pas seulement faire preuve de romantisme stupide. C’est se fonder sur le fait que l’histoire de l’humanité est une histoire non seulement de cruauté, mais aussi de compassion, de sacrifice, de courage, de bonté. Ce sur quoi nous choisissons de mettre l’emphase dans cette histoire complexe déterminera nos vies. Si nous ne voyons que le pire, cela détruit notre capacité d’agir. Si nous gardon en mémoire ces moments et ces endroits – et il y a en tant – où les gens se sont conduits de façon magnifique, cela nous donne l’énergie requise pour agir et, à tout le moins, la possibilité de lancer cette toupie qu’est le monde dans une autre direction.
Et si nous agissons, ne serait-ce que de façon limitée, nous n’avons pas besoin d’attendre pour quelque lendemain utopique lointain. L’avenir est une succession infininie de moments présents, et de vivre maintenant de la façon que nous considérons que les humains devraient vivre, en dépit de tout le mal autour de nous, c’est déjà en soi une victoire merveilleuse.”
Avancer dans l’avenir, un pas présent après l’autre. Comme sur ces pièces de 1, 2 et 5 centimes servant de marchepied dans le rêve de l’autre nuit.
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Dreams: a first dream in which I quarrel with a friend, both of us convinced that the other is responsible for the argument; a second of which I don’t remember a thing and a final one where I went to take one of my pills early in the morning at a friend’s house prior to attending a symposium at Université de Montréal. I walk under the rain in a town that is no longer Montreal, then it is again but one where an extremely ugly architectural complex has been built involving a church and a convent of cut stone, most imposing and ostentatious, then I walk on to a place where soldiers and policemen are boarding a crowd of people into full buses. All of them carry a cloth bag on their shoulder, as I do; I also climb aboard. The bus goes by the place I was supposed to go to, without stopping, and goes on through constantly narrower streets.
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The South-African had not been able to come on Tuesday, so the session of French conversation happened yesterday afternoon. During an hour and a half, we talked about the various scams we were both subjected to over the past few weeks : first a false alarm “your medical treatment card is about to expire unless you click here“; then “we were unable to deliver this parcel please click here in order to…”; then “FINAL WARNING“, supposedly from the government about to seize an unpaid 135€ from our accoung unless etc with the phone number appearing at the top of the text from which the message was sent. She had noted both and visited the “government website” which was cleverly imitated whith various options which all opened onto non-existent pages except for the payment of the said 135€. The phone number, when checked on internet, being already identififed as generating scams and the initial message showing grammatical errors such as a wrong combination of verb tenses. Phone number transmitted to the bank.
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According to surveys reported by The Kyiv Independent, fatigue is growing in Ukraine. One would be fatigued at much less. Over and over again, Russian missiles equipped with components produced in the United States hit civilian targets – but civilians, soldiers, what are such distinctions doing in the picture, right? The enemy is the enemy and prior to the unleashing of the attack in 2022, the great thinkers of the Moscow regime were declaring that the Ukrainians should be “punished” for their allegiance to that ridiculous concept of democracy and autonomy and respect of their choice of alliances. Not if you live in what Russia considers to be its backyard.
Fatigue. Barely had he been liberated, the politician Ilya Yashin announced he would be returning to Russia because his action would not be efficient from outside the country. This is precisely the fear that made the inclusion of Russian dissidents among the freed hostages in exchange for the Kremlin’s killers and other criminals questioned. The moral equation is not about to get simpler.
“Farewell to Russia, louse-ridden homeland…” wrote Lermontov in 1841. Nothing, absolutely nothing has changed, save for the monstrosity and efficiency of the weapons of destruction. “Move forward to the rear!” as the bus drivers would yell in my childhood, unaware of the fact they were voicing the fundamental ideology of every dictatorial regime.
“Move forward to the rear ” toward despondency, fatigue, the urge to sleep and most of all, the refusal to think.
Yesterday, an unknown facebook “friend” an Indian by the name of Anshu Dash published a quote by historian Howard Zinn, the author of A People’s History of the United States. It reads as follows:
“To be hopeful in bad times is not just foolishly romantic. It is based on the fact that human history is a history not only of cruelty, but also of compassion, sacrifice, courage, kindness. What we choose to emphasize in this complex history will determine our lives. If we see only the worst, it destroys our capacity to do something. If we remember those times and places – and there are so many – where people have behaved magnificently, this gives us the energy to act, and at least the possibility of sending this spinning top of a world in a different direction.
And if we do act, in however small a way, we don’t have to wait for some grand utopian future. The future is an infinite succession of presents, and to live now as we think human beings should live, in defiance of all that is around us, is itself a marvelous victory.”
Stepping into the future, one present moment at a time. Like those coins of 1, 2 and 5 centimes serving as stepping stones in a previous dream.