30 juillet 2024

Rêves :A deep pit, a former camp. I was the first to remind people of its past. (Une fosse profonde, un ancien camp. J’étais la première à rappeler son passé aux gens.) Je le note en anglais parce que, bien que sans mot, le rêve se déroulait en anglais;comment savoir qu’il était en anglais s’il n’y avait pas de mots? Je n’en ai pas la moindre idée.) Ensuite, c’était la première journée d’un nouveau travail derrière un immense comptoir en bois d’un service gouvernemental quelconque, avec une personne très envahissante et volubile qui n’arrêtait pas de parler à ses collègues, sans jamais m’expliquer ce que je devais faire. Quelques autres m’approchaient, convaincues que je ne parlais qu’anglais et très étonnées de découvrir que je parlais le français aussi bien qu’elles. À la fin de la journée, j’empruntais le long corridor vers la sortie qui débouchait sur l’arrière-cour minable et délabrée, cernée de palissades sales avec seulement des traces noires laissées par d’anciennes affiches que le gouvernement refusait de remplacer, faute de moyens, disait-il; des poursuites contre lui étaient impossibles. Je reviens sur mes pas pour trouver la salle des employés y changer ma tenue. C’est là que je me réveille avec les mots : “Ma at omeret ? Maspik arshav!” prononcé d’une voix tonnante. (En hébreu : “Que dis-tu ou: qu’est-ce que tu racontes? Ça suffit maintenant !”

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L’hébreu n’ayant rien d’étonnant, vu que j’ai terminé le visionnage de la deuxième saison de Les Shtisels: une famille de Jérusalem hier. Baignée, donc, dans les intonations du yiddish et de l’hébreu, de ces mélanges comme en produisent les bilingues de partout, la tête remplie de iné iné (voici, ici) rak shniya (une seconde), ein bayot (pas de soucis), metsouyan (excellent), et ainsi de suite. Tout petit, mon jeune frère demandait des cookuis – mélange de cookies et de biscuits.

(Pour les besoins de L’Horloger des Brumes, je cherche encore ce que donnerait l’évolution qu’aurait subi la lange française en l’an 2180, parce que, quoiqu’on en dise, je crois que les humains feront encore partie de l’histoire à ce moment-là. Ce qui explique peut-être mes rêves dans les fourrées linguistiques intérieures.)

Ah oui : et aussi, en raison des pubs obscènes de Rolex précédant chaque épisode de la série sur Arte – je les qualifie d’obscène parce qu’elles font appel à toutes les émotions humaines les plus précieuses aux seules fins de susciter le désir de posséder une montre-bracelet hors de prix – la vieille Rolex déglinguée des années 1970 que le gamin considère LE symbole de son statut social connaîtra la fin qui attend toute chose, je ne sais pas encore laquelle dans son cas, mais elle ne perd rien pour attendre, la pauvre.)

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Pendant ce temps, pendant ce temps: la Russie s’employant constamment à épuiser les forces ukrainiennes, remet la pression à Zaporrizhia pendant que les combats se poursuivent pour atteindre une zone-clé dans le Donetsk. Au Moyen-Orient, les Etats-Unis, l’Allemagne et la France préviennent leurs citoyens de quitter le Liban le plus rapidement possible, l’éventualité d’une guerre ouverte avec Israël augmentant de jour en jour. Dans tout ce ramdam/balagan/bordel/unholy mess, je me fais du souci pour le père de ma fille qui habite à Nahariya.

Et je remercie la personne qui m’a remis en mémoire les images magnifiques sur cet enregistrement de l’andante du piano pour deux pianos K448 de Mozart, interprété par Murray Perahia et Radu Lupu. Les images, elles, me rappellent les survols des centaines de milliers d’oiseaux migrateurs au-dessus de Tel Aviv.

Pour libérer un oiseau d’un filet japonais suspendu, la première chose qu’un ornithologue doit faire est dénouer le nylon fin entre les doigts de l’oiseau, écrit Colum McCann dans Apeirogon*, puis – selon le temps qu’a passé ce dernier dans le filet et la force avec laquelle il s’est débattu – calmement délivrer les pattes, les genoux, le ventre, les dessous d’aile et enfin la tête, toujours en tenant ses ailes contre son coeur palpitant et en s’assurant qu’il ne tente pas de vous lacérer les doigts avec son bec ou ses griffes. C’est un peu comme défaire le noeud serré d’un collier d’argent qui, quand vous l’ouvrez, voudrait se répande et s’animer dans vos mains.”

“…calmement délivrer…”

* Colum McCann, Apeirogon, traduit de l’anglais (Irlande) par Clément Baude, 10 18 Belfond 2020

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Dreams: a deep pit, a former camp. I was the first to remind people of its past. Although wordless, the dream is in English; how do I know it’s in English if there are no words? I have no idea. Then, it’s my first day at work behind a huge wooden counter in some governmental service or other, with a terribly invasive and chatty person who doesn’t stop talking with her colleagues without ever telling me what it is I’m supposed to do. Others come closer, convinced I only speak English and very sturprised when they discover I speak French as well as they do. At the end of the day, I follow a long corridor toward the exit giving out on a miserable and run-down backyard, closed in by dirty pallisades with nothing other than black traces left from old posters the government refuses to replace the boarding for lack of funds, they say; suing them was impossible. I come back inside to find the employees space and change my clothes. This is where I wake up on the words: “Ma at omeret? Maspik arshav!” pronounced in a thunderous voice. (In Hebrew: “What are you saying ? Enough already !”)

The Hebrew not being surprising in the least, since I finished watching the second Season of the Shtisels yesterday. Thus bathing in the intonations of yiddish and hebrew, one of those mishmash produced by bilinaguals everywhere iné (here), rak shniya (just a second), ein bayot (no problem), metsuyan (excellent) and so on. When he was very young, my young brother would ask for cookuis – a mixture of English cookies and French biscuits.

(For The Watchmaker‘s purposes, I’m still searching for how the French language might have evolved in the year 2180 because, no matter what is said, I think humans will still be part of the story then. Which may explain my dreams through the linguistic thickets in my innards.)

Ah yes : also, because of the obscene Rolex ads preceding each episode de the series on Arte – and I qualify them as obscene because they call on the most precious emotions in humans for the sole purpose of creating a yearning to own an outrageously expensive watch – for this reason the old beaten-up Rolex from the 1970s that the kid considers as THE symbol of his social status will come to the end awaiting all things, I still don’t know how in its particular case, but not to worry, it will get what’s coming to it, poor thing.

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Meanwhile, meanwhile: Russia constantly at work to exhaust the Ukrainian forces, puts the pressure back on in Zaporrizhia while the fighting continues to reach a key zone in the Donetsk. In the Middle East, the United States, Germany and France warn their citizens to leave Lebanon as quickly as possible, the prepsect of an open war with Israel growing daily. In all this ramdam/balagan/bordel/ unholy mess, I worry about my daughter’s father who lives in Nahariya.

And I thank the person who reminded me of the splendid images on this recording of the andanted for two pianos K448 by Mozart, interpreted by Murray Perahia and Radu Lupu. The images remind me of the fly-overs by hundreds of thousands of migrating birds above Tel Aviv.

To free a bird from a hanging mist net, the first thing an ornithologist must do is unknot the thin strip of nylon from between the bird’s toes and then – depending on the degree of struggle and the length of time it has spent suspended in the net – to calmly untangle the feet, the knees, the belly, the armpit and finally the bird’s head, all the time holding the wings against its hammering heart, making sure that it doesn’t try to tear open your fingers with its beak or talons.

It is akin to unlooping a tight knot in a silver necklace that, as you open it, wants to spread itself and thrash alive in your hands.” writes Colum McCann in Apeirogon.*

“…to calmly untangle…”

*Colum McCann, Apeirogon, Bloomsbury Publishing 2020

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