
Rêves : de la gymnastique avec des accessoires (? comme dans: indescriptibles). Puis, des gamins d’une yeshiva jouant dans un préau…C’est tout ce qu’il m’en reste.
Des rêves, ça ? Hier, certains ont regardé les Jeux Olympique et moi, j’ai passé la journée et la soirée avec la famille Shtisel. Je me réveille sur les mots bishvili, bishvila, kloum, shoum davar, ani lau marghisha, yeladim, bref, nuit d’immersion en hébreu et dans les cent mille façons qu’ont les humains de se rendre la vie impossible (dont certaines très drôles et d’autres qui vous fendent le coeur).
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Ecoutez, ils étaient une bande de gamins. Rassemblés pour jouer au foot. Un engin de mort leur est tombé dessus. Douze sont morts, nous disent les informations. L’état dans lequel se trouvent les blessés et les survivants sans marque évidente sur le corps pour les signaler comme tel: non précisé. Ils habitaient un village druze, à l’intérieur de la ligne les désignant comme habitants d’ Israël. Qui connait les Druzes “arabophones, pratiquent une religion secrète, qui incorpore des éléments de l’islam, de l’hindouisme et de la philosophie grecque classique” dit wikipedia.Cette religion affirme l’unité de Dieu, la réincarnation et l’immortalité de l’âme. Souvenir d’une visite dans un tel village – il y a 44, 45 ans de cela déjà ? Et quelle importance, à quoi servent ces marqueurs de l’expérience personnelle, ces “oui, je connais, oui, je sais, oui j’ai vu” ou “oui, j’ai vécu quelque chose de tel ou de tel malheur, bonheur, désarroi”.
Je ne sais pas. Ils participent à la création d’un paysage qu’on appelle personnalité.
Ils étaient une bande de gamins jouant une partie de foot.
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Après lecture de la chronique d’André Markowicz, je ressors ma copie de L’Oiseau-Loup de Françoise Morvan*. Pas une seule page qui ne mérite qu’on s’y arrête longuement. À quelle vitesse s’écrivent les histoires ? Comme pour les accouchements, chacune prend le temps qu’il lui faut. Celles qui valent la peine d’être racontées ont chacune leurs propres exigences. Je ne sais pas comment décrire ce processus qu’aucun manuel ne saurait enseigner comme le ferait un livre de recettes. C’est un peu comme le poème-calligramme d’Apollinaire, Il pleut. Ou comme ce passage dans L’Oiseau-Loup : “À force de faire, on apprend le sens de la pierre. Vous regardez telle pierre, et tout de suite vous voyez comment elle ira se mettre, pas besoin de terre, pas besoin de ciment ni rien. Il suffit de regarder juste et les pierres s’assemblent.”
Parfois, le regarder juste exige la patience des pierres elles-mêmes. Les mots ont ces mêmes exigences, souvent. Ici, l’histoire avance; souvent, elle se cherche – question d’assembler les mots justes dans le bon ordre.
*Françoise Morvan, L’Oiseau-Loup, Éditions Mesures, 2021
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Dreams: gymnastics with accessories (? as in: indescribable). Then, kids from a yeshiva playing in a school yard…this is all that remains.
Those are dreams? Yesterday, some watched the Olympics and I spent the day and the evening with the Shtisel family. I wake up with the words, bishvili, bishivila, kloum, shoum davar, ani lau margisha, yeladim, in other words, a night spent in Hebrew immersion and in the one hundred thousand ways in which humans manage to make life impossible for themselves (some of them very funny and others that break your heart.)
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Listen, they were a bunch of kids. Together in order to play a game of soccer. A death-giving machine fell on them. Twelve died, the news tell us. The state in which are the wounded and the survivors with no visible marks on their body: not specified. They lived in a Druze village, inside the line designating them as Israeli inhabitants. Who knows the Druze ” an arab or arabic speaking group, practicing a secret religion that incorporates elements of Islam, of hinduism and of classical Greek philophy”, says wikipedia, specifying that their religion affirms the unity of God, reincarnation and the immortality of the soul. Recollection of a visit to such a villa – was it 44 or 45 years ago already? And of what importance is that, what is the use of those markers of personal experience like bookmarks of personal experiences, those “ah yes, I know this, yes, I know, yes, I saw” or “yes, I lived something similar to this or that misfortune, happiness, dismay.”
I don’t know. They are part of what puts together what we call a character or a personality.
They were a bunch of kids playing soccer.
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After reading André Markowicz’ colum this morning, I pull out my copie of Françoise Morvan’s L’Oiseau-Loup. Not a single page in it that doesn’t deserve a long perusal. At what rate are stories written? As for childbirths, each one takes the time it needs. Those that are worth telling each have their own requirements. I don’t know how to describe this process that not a single writing manual can describe as a book of recipes would. It’s something like Apollinaire’s calligram-poem, Il pleut, unique. Or like this passage in L’Oiseau-Loup: “À force de faire, on apprend le sens de la pierre. Vous regardez telle pierre, et tout de suite vous voyez comment elle ira se mettre, pas besoin de terre, pas besoin de ciment ni rien. Il suffit de regarder juste et les pierres s’assemblent.” (“If you keep on, you learn the direction and meaning of the stone. You look at such or such a stone and you see immediately where it will insert itself, no need for earth or cement or nothing. You simply need to look correctly and the stones assemble themselves.” )
Sometimes, the correct way of looking takes as much patience as stones need themselves. Words have the same kind of demands, often. Over here, the story moves ahead, searching for itself – it’s a question of assembling the right words in the correct order.