26 juin 2024

Image restant du rêve: une plage recouverte d’oiseaux de mer à l’agonie s’assénant mutuellement des coups de bec cruels. Impression d’apocalypse.

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Sur The Guardian, ce matin, la guerre de la Russie contre l’Ukraine occupait un seul article en retrait, résumant des informations diverses et variées. Au mi-temps des autres guerres on en arrivait sans doute aussi à cette impression d’une lourdeur persistante dont on n’avait plus envie de connaître les tenants et les aboutissants.

En lieu et place, nous apprenions que l’aéroport de Séoul avait été rendu inutilisable par une attaque d’ordures déversées par des drones nord-coréens, parce que…et bien, parce que – comme l’écrit André Markowicz dans sa chronique du jour – une fois que le cancer se généralise, divers organes sont entraînés dans le bain de douleur.

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Du roman Kremulator* de Sacha Filipenko, je retiens deux choses: la définition du mot ‘crémulateur’ – un instrument précis, un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui reste d’un individu après sa crémation (l’auteur trouve que le terme décrit bien le système répressif soviétique); et, deuxièmement, le fait que Piotr Nesterenko, directeur du crématorium de Moscou, fut interrogé puis exterminé par le NKVD en 1941. Pour ce qui reste du roman lui-même, je pense que Filipenko a voulu donner au personnage Nesterenko le privilège posthume de faire preuve d’ironie et d’impertinence devant son interrogateur; dans la réalité, je doute fort que sa première dérouillée aurait attendu le 3e interrogatoire, pareille irrévérence n’étant pas de mise chez des accusés selon l’article 58. Mais si Nesterenko s’était conduit sous la contrainte physique de façon prévisible, qu’y aurait-il eu à raconter au sujet d’un homme qui a incinéré des générations entières de hauts personnages soviétiques, avant d’être lui-même réduit en cendre ?

Alors, j’ai repris l’Herbier de Prison de Rosa, femme qui m’a toujours impressionnée, bien que je n’aie jamais partagé sa croyance à “la loi d’airain de l’histoire”. Mais de tous les révolutionnaires de cette époque, elle fut la plus intelligente, la plus sincère et la plus humaine. Ça n’est pas accidentel si, après son assassinat, lorsque les bolcheviques décidèrent de prendre le contrôle du parti communiste allemand, l’influence de Rosa Luxemburg fut décrié comme “rien de moins qu’un bacille du syphilis“. (Cité par Hannah Arendt dans Men in Dark Times.)

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J’erre toujours aux alentours de L’Horloger des Brumes, comme cela se produit souvent lorsque se produit une interruption dans la concentration et qu’on contemple un brouillon de l’extérieur. Reprise aujourd’hui ? Je l’espère.

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Image remaining from the dream: a beach covered with agonising sea birds delivering cruel blows to one another with their beaks. Apocalyptic impression.

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On The Guardian, this morning, Russia’s war against Ukraine occupied a single sidebar article, summarising a variety of news snippets. Perhaps the same impression of a persistent heaviness took over In mid-stream of other wars, when no one wished to know the details anymore.

Instead, we learned that Seoul Airport was rendered useless by an onslaught of garbage delivered by North-Korean drones, because …well, as André Markowicz writes in his column this morning, once cancer spreads, different organs get dragged into the pool of suffering.

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Of Sacha Filipenko’s novel, Kremulator, I retain two things: the definition of the word ‘cemulator’ – a precise instrument, a crusher that serves to pulverise completely what is left of an indivicual after his crmation (the autor considers that the term describes the Soviet repression system well;) and, secondly, the fact that Piotr Nesterenko, director of Moscow’s crematorium was interrogated, then exterminated by the NKVD in 1941. As for the rest of the novel itself, I think Filipenko wished to give the Nesterenko character the posthumous privilege of having shown irony and impertinence in front of his interrogator; in reality, I strongly doubt that his first beating would have only occurred at the 3rd interrogatory, such irreverence not being deemed appropriate in accused under article 58. But had Nesterenko behaved under physical duress as he probably did, what were there have been to say about a man who cremated entire generations of Soviet grandees, before being reduced to ashes himself ?

So, I went back to Rosa’s Herbarium, a woman who always impressed me although I never shared her belief in the “History’s Iron law”. But of all the revolutionaries of that period, she was the smartest, the most sincere, and the most human. It is no accident if, following her assassination, when the Bolsheviks decided to take control of the German Communist Party, her influence was described as “nothing less than a syphilis bacillus” (quoted by Hannah Arendt in Men In Dark Times.)

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I’m still wandering in the suburbs outside The Watchmaker, as often happens when there’s a break in the concentration and one finds oneself examining the draft from the outside. Resumption today? I hope so.

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