
Café Côté Cour – Librairie Ombres Blanches, Toulouse. Ma fille me quitte pour prendre la navette vers l’aéroport. D’un commun accord, nous avons peu évoqué le passé, mais j’aurai enfin appris comment les choses s’étaient réellement passées lors de son retour d’Israël vers Montréal lorsqu’elle avait huit ans et demi. Son père et son oncle l’avaient déposée à l’aéroport Ben-Gourion et étaient repartis sans attendre l’embarquement. Or, au contrôle des passeports, il s’était avéré que, puisque son père est Israélien, elle ne pouvait pas quitter le pays avec son passeport canadien; il lui fallait absolument un passeport israélien. Les complications s’enchaînant, elle ne se souvenait pas de l’adresse de son oncle, et les habitants de la banlieue de Tel-Aviv qu’il habitait n’avaient pas encore accès au téléphone privé. Une hôtesse au sol s’est chargée de la balader en voiture jusqu’à ce qu’I. reconnaisse l’immeuble de son oncle. On lui obtint un passeport israélien dans les jours qui suivirent, sans même songer à m’avertir du contretemps. (La version qu’on me raconta éventuellement voulait qu’ils soient arrivés en retard pour l’embarquement. Avec cette réponse sublime au téléphone lorsqu’enfin, je réussis à contacter le papa: “Mais je savais qu’elle était avec moi; qu’est-ce que tu avais à l’inquiéter ?” (euh…ben…le fait que moi, j’en savais rien, peut-être?)
Bref, d’un commun accord, nous avons peu évoqué le passé. Mais durant tout son séjour m’a tourné dans la tête la chanson que son père lui chantait en russe, en yiddish, en polonais, et que j’avais traduite en français et en anglais :
où est la maison et où est la rue
où est la petite fille que j’ai connue
where is the house and where is the street
where is the young girl that I used to meet.
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Je reviens à la maison chargée de livres d’Ombres Blanches, gracieuseté de son père – ou devrais-je dire, gracieuseté de l’Allemagne qui lui paie des “réparations” pour l’Holocauste et dont il la fait profiter, notamment avec ce voyage :
Stefan Zweig, Nietzsche
Joseph Brodsky, Vertumne et autres poèmes
Anton Tchekhov, La Salle n° 6
Rosa Luxemburg, Herbier de prison
Boris Pilnika, L’Acajou
Sacha Filipenko, Kremulator
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Hâte de retrouver L’Horloger des Brumes.