
Rêve: une sorte de camp de réfugiés. Un bidon rempli d’une grosse tambouille – mélange de riz et de boeuf. Dans mon assiette, je pique à la fourchette de minuscules morceaux de viande et je les mange. Il y avait beaucoup d’autres choses, je n’en retiens que l’image de ces brins de morceaux de viande – ce qu’on pourrait facilement laisser dans une assiette à la fin d’un repas. Curieusement, en observant la façon dont j’écris mes textes, j’ai l’impression que c’est un peu le même phénomène: je ne retiens et je n’écris que les quelques mots qui se sont bien organisés dans ma tête. Quand il y en a plus, j’en écris plus; moins, j’écris ceux-là. (Ah, je comprends mieux, alors la présence de quelqu’un d’autre dans le rêve, une personne locale pour qui l’écriture est une façon de faire des sous.)
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Dans les lectures, hier soir : le délire religieux intégral de Chatov dans le chapitre VII de la Deuxième partie de Les Démons de Dostoïevski *- le ramassis démentiel de notions théologiques et géopolitiques dont il ressort – sans surprise – que seul le Dieu des Russes est le Vrai Dieu et que la Russie a mission de sauver l’humanité. On peut brasser la sauce comme on veut, mais la conclusion à ce délire-là – qu’on l’exprime à la Chatov ou à la Poutine – le résultat est le même.
Un peu plus loin, je tombe à deux reprises sur le mode de salutation Votre Clarté que je n’avais lu avant que dans la pièce de Léonid Andréiev, Requiem**, où l’un des personnages s’appelle Sa Clarté. C’était peut-être une façon usitée à l’époque de s’adresser à un supposé plus important que soi, je ne sais pas. Mais de le retrouver ici – avec la pièce d’Andréïev mettant en scène le projet pour une représentation unique dans une maison abandonnée – et bien, tout cela fait sens, du moins pour moi.
*Dostoïevski, Les Démons, deuxième partie, roman traduit du russe par André Markowicz, Babel Actes Sud, 1995
**Léonid Andréïev, Ékatérina Ivanovna suivi de Requiem, traduction d’André Markowicz, 2021
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Et puis, dans l’excellent documentaire sur Arte Russie, Chine, Iran – la revanche des empires, ce moment où le conseiller russe en politique étrangère et défense, Sergueï Karaganov, parlant des années 80 et 90 dit avec son arrogance habituelle: “Nous avons été réellement déçus par la qualité intellectuelle de l’élite américaine” (comprendre: déçus qu’ils n’aient pas compris à quoi nous jouions), il faut bien voir que, depuis, ils exploitent ce filon à fond en moussant les candidatures des plus nuls, des plus stupides et des plus corrompus du lot, et pas seulement aux Etats-Unis (une spécialité de Poutine, acquise dans ses années au KGB.)
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Dimanche. Rencontre avec d’autres concernant des personnes en recherche d’asile en France, marché, et, à ma façon habituelle, écriture des mots ayant pris forme dans ma tête autour de L’Horloger des Brumes.
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Dream: a kind of refugee camp. A barrel full of a grub made out of rice and beef. In my plate, I pick up with a fork tiny pieces of meat and eat them. There was much more, I’ve only retained the image of those bits of meat – what one would easily leave on a plate at the end of a meal. Oddly, in observing the way I write my texts, I have the impression that it’s a bit the same phenomenon: I only keep and write down the scrap of words that have organised themselves in my head. When there’s more, I write more; less, those are the ones I write down. (Ah, that explains the presence of someone else in the dream, a local someone who considers writing a way of making money.)
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In the reading last night: the total religious delirium of Chatov in Chapter VII of the second part of Dostoyevsky’s Demons – an insane gobbledygook of theological and geopolitical notions from which one is to conclude – no surprise, there – that only the God of the Russians is the True God and that Russia has the mission of saving humanity. You can stir this up any way you like, but the conclusion to such a piece of dementia – whether expressed by a Chatov or a Putin – adds up to the same result.
A bit further on, I come across two instances of the greeting Your Clarity that I had never read before other than in Leonid Andreyev’s play, Requiem, where one of the characters is called His Clarity. At the time, it was perhaps a common way of addressing someone considered as more important than one’s self, I don’t know. But coming across it here – with the play in Andreyev being staged for a single performance in an abandoned house – well, it all tied together, at least for me.
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Also, in the excellent documentary on Arte, Russia, China, Iran – the empires’ revenge, that moment when Sergey Karaganov, Russian advisor on foreign policy and defense, says with his usual arrogance while speaking of the 80s and 90s: “We were really disappointed by the intellectual quality of the American elite” (translation: disappointed in that they didn’t understand what we were playing at) one can only say that, since then, they have been mining that vein to the hilt by pushing the candidacies of the dumbest, most rotten and corrupt in the lot, and not only in the United States (a specialty Putin developed in his KGB years).
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Sunday. Meeting with others about people seeking asylum in France, market and, in my usual fashion, the writing down of words once they have taken shape in my head around The Watchmaker.