19 mai 2024

Dans le rêve, un couple m’accueillait dans sa maison. Mais pour comprendre ce que signifie l’emplacement de leur maison (qui n’existait pas “en vrai” à l’époque), il me faudrait raconter 3 ans de ma vie – de 4 à 7 ans. À l’époque, un terrain vague occupait cet espace, face à la dernière maison sur la rue. Les adultes le traversaient en diagonale pour se rendre à la gare, prendre le train les emmenant à Montréal. L’été, nous, les enfants, y jouions des parties de baseball. Comme j’étais la plus petite, et inutile au bâton, on me chargeait d’occuper le fond du terrain pour le cas, fort improbable, qu’on frapperait la balle si fort qu’il me faudrait l’attraper et la relancer pour bloquer l’avancée du joueur. Dans les faits, j’y étais tranquille pour observer les fleurs sauvages – boutons d’or, trèfles, marguerites – et la vie trépidante des insectes.

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Hier après-midi, le salon de thé Au Thé Tranquille accueillait un ‘Café mortel’. Avec l’animatrice, nous étions 5 en tout – un exercice tout intime dans un cadre hors-dimension thérapeutique et/ou théologique, tels n’étant pas les buts de ces échanges pour parler simplement de ce que la mort représente pour nous. Le couple avait perdu, elle son père en mars et lui son père en avril, la jeune femme – radiologiste de son état – avait là un endroit où parler de ses expérience au travail avec ces grands malades dont certains refusaient toute poursuite des soins.examen.interventions (comme c’est leur droit de le faire.) J’ai parlé de certains de mes morts, moi aussi bien sûr, dont le tout premier garçon de mes parents, mort-né comme on dit, mais qui, pour moi, n’était pas mort; il avait tout simplement décidé de partir à l’aventure et me laissait savoir, de temps en temps, que je saurais comment le retrouver, un jour. Il a été le premier lecteur et auditeur intérieur de mes histoires (qui m’attiraient plus de reproches que de compliments lorsque racontées à voix haute.)

À la toute fin de la rencontre, alors que chacun donnait un dernier mot, j’ai eu envie, non pas de chanter mais de dire le texte yiddish de la chanson Mein ruhe platz (le lieu de mon repos), l’une des chansons préférées de ma chienne, Cybèle (elle adorait les chansons tristes) et comme je récitais la fin “dortn is mein ruhe platz” le mari du couple, allemand d’origine, a tout de suite compris que le poète disait de ne pas le chercher là où l’herbe pousse ou coule l’eau de la fontaine, mais dans le coeur où se trouve la place de son repos.

Pour précision, plus tôt dans la journée, ma fille m’apprenait que son père refusait toujours de quitter la ville de Nahariya dans le nord d’Israël, malgré qu’elle soit maintenant la cible de tirs du Hezbollah; tout comme il refuse de se faire soigner pour son cancer, parce qu’il ne veut pas savoir à quel ‘stage’ il en est et préfère se “soigner” tout seul (et râler, bien sûr, ça fait sans doute partie du ‘traitement’). Tête de mule un jour, tête de mule toujours.

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Et puis, comme dans L’Horloger des Brumes, le sol de la vallée est de pierre, il n’y a guère d’endroits où enterrer les morts; alors, la question du “que fait-on de ses morts” est véritablement au centre de l’existence des vivants.

In the dream, a couple greeted me into their home. But in order to understand what the space occupied by their house signifies (it didn’t exist at the time), I would need to relate 3 years of my life – from 4 to 7 years old. Back then, this space was an empty lot facing the last house on the street. The adults would cross it on a diagonal to reach the station and take the train bringing them into Montreal. In summertime, us children, would play baseball there. Since I was the smallest, and useless at the bat, I was made to hold the back of the field for the improbable event of someone hitting the ball so hard I would need to catch it and throw it back in order to block the player’s progress. In fact, I was left back there to quietly observe wild flowers – buttercups, clover, daisies – and the busy lives of insects.

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Yesterday afternoon, the tea house Au Thé Tranquille held a “Mortal café’. With the animator, we were 5 in total – an intimate exercise in a setting unrelated to therapeteutic and/or theological dimensions, those not being the goals of these exchanges to talk simply about what death represents for us. The couple had lost – she, her father in March, he, his father in April, the young woman – a radiologist by profession – had a space in which to talk about her work with the seriously ill, some who refuse all further care.exams.treatment (as it is their right to do). I spoke of some of my own dead, of course, including the the very first of my parents’ son, stillborn as they say, but who was not dead, for me; he had simply chosen to go off adventuring and would let me know, from time to time, that I would surely know how to find him, some day. He was the first inner reader and listener for my stories (which earned me more scoldings than compliments when told out loud).

At the very end of the meeting, when each person gave a last word, I had the urge, not to sing but to recite the text in yiddish to the song Mein ruhe platz (my resting place), one of the favorite songs of my dog Cybèle (she adored sad songs) and as I was reciting the end “dortn is mein ruhe platz“, the husband of the couple, of German origin, immediately understood that the poet was saying not to search for him where the grasses grow or the fountain waters flow, but that his resting place was in the heart of the one who loved him.

As a precision, earlier in the day, my daughter hd informed me that her father was still refusing to leave the town of Nahariya in the North of Israel, despite the fact it was now being targeted for strikes by Hezbollah; just as he continues to refuse treatment for his cancer, because he does not want to know at what ‘stage’ it is, and prefers “treating” himself (and kvetching, of course, this must be part of the ‘treatment’). Muleheaded once, muleheaded always.

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Plus, in The Watchmaker, the ground in the valley is stone, there are no spaces where to bury the dead; so the question “what to do with our dead” is truly at the core of the living’s existence.

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