
Le rêve en est un de la série de ceux dans lesquels j’habite dans une ville tout en étudiant ou travaillant dans une autre que je dois rejoindre par bus, sans savoir où se trouve la gare ni le bon bus , je suis en retard, et cetera. La particularité, cette fois, c’est qu’il est 10 h du matin, je suis en train de rater mes cours de la matinée, je le sais et je m’en fous parce que j’ai quelque chose de plus intéressant à faire à la maison. Et lorsque j’arrive pour le bus (avec une autre personne, je ne sais pas qui), au lieu d’un vieux bus déglingué, arrive une familiale neuve et spacieuse dont le chauffeur sort en courant pour venir nous tenir la porte ouverte.
Au réveil dans ma tête : La vie en rose, sans doute en relation avec une recherche sur les nuances de rose, hier, pour décrire la couleur de la tige de camélia que je me suis appropriée d’un énorme buisson en fleur devant une maison aux portes closes et aux volets fermés depuis des mois. (Les fleurs sont d’un rose fuschia.)
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Ça n’est pas par vantardise si j’en parle ici – ce fut l’une des nuits les plus horribles de ma vie, et si j’ai réagi comme il le fallait, c’est peut-être davantage une question de chance qu’autre chose; mais ses leçons ne m’ont jamais quittés. Je crois y avoir déjà fait allusion mais, lisant les déclarations de Poutine, l’esprit qui s’en dégage pour moi est exactement le même que celui du malade qui nous avait tenues en otages de sa haine et de sa rage, une nuit entière dans les années ’70. À la différence énorme, évidemment, que Poutine, lui, exerce sa rage et sa haine à l’échelle mondiale. Mais le phénomène est le même : le psychopathe projette son propre contenu mental sur le monde autour de lui et rien ne garantit qu’on puisse échapper personnellement au déclenchement de sa violence. Par contre, on est sûr d’en être victime si on panique ou si on pose le mauvais geste au mauvais moment. Le paranoïaque oblige à une attention extrême aux mots, aux gestes et, surtout peut-être, à l’attitude envers son délire. Attitude que je résumerais par les mots : “Je vois bien que c’est ainsi que tu choisis d’interpréter les choses. Ta perte se trouve dans le décalage entre ton délire et la réalité. Tu n’as aucune idée du soulagement que tu ressentiras quand tu pourras t’effondrer enfin. Moi, j’attends ce moment, tu vois ? Je le prépare calmement. Tu t’y diriges en ce moment même.”
Nous étions trois, cette nuit-là. Trois jeunes femmes et un malade armé d’une lourde chaîne avec laquelle il tapait dans les murs en hurlant. La différence – au moins, l’une d’entre elles – étant qu’ici, le malade ne s’épuisera pas de lui-même au matin.
Il y a un équilibre à maintenir entre le minable et le monstrueux. Dans mes moments plus gentils, je me dis que c’est peut-être ce que Macron tentait de dire lorsqu’il parlait de “ne pas humilier” Poutine; si c’est bien le cas, il était hors piste. Ça n’est pas une question de “ne pas humilier”; il s’agit plutôt de ne pas adhérer au spectacle, quel que soit le prix de cette non-adhésion, et d’y réagir aussi calmement et fermement que possible depuis l’espace qu’on occupe dans la réalité, qui n’a rien à voir avec le délire en représentation.
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Cirque ce matin; la Sud-Africaine que je vois en après-midi m’a invitée au restaurant à midi; nous parlerons anglais pendant le repas, puis, français de retour chez-moi où je tenterai de lui expliquer ce que je veux comme mise en page de Là où les enfants s’amusent.
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The dream is one of the series in which I live in one town while studying or working in another I must reach by bus, without knowing where the station is, or which is the right bus, I’m late, etc. The specifics in this one being that it is 10 AM, I’m missing my morning classes, I know it and don’t care because I’m doing something more interesting at home. And when I arrive for the bus (with someone else, I don’t know who), instead of an old battered bus, there shows up a new and spacious family-sized car, the driver of which jumps out to come hold the door open for us.
In my head upon waking: the song La vie en rose, no doubt related to a search yesterday on shades of pink in order to describe the color of the branch of camelias I appropriated from a huge flowering bush in front of a house whose doors and shutters have been closed for months. (The flowers are fuschia pink.)
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This memory does not give me any bragging rights – it was one of the worst nights of my life, and if I reacted correctly, it was maybe more a question of luck than anything else; but its lessons have stayed with me all my life. I think I may have mentioned it before but, reading Putin’s declarations this morning, the spirit emerging from them is exactly the same as that of the mentally ill man who held us hostages of his hatred and his rage for a whole night back in the ’70. With the enormous difference, obviously, that Putin unleashes his hatred and rage on a world-wide scale. But the phenomenon is the same : the psychopath projects the content of his own mental constructs on the world around him, and nothing guarantees you will escape personally from the unleashing of his violence. However, one is certain to be a victim of it if one panics or if one makes the wrong move at the wrong moment. The paranoid imposes extreme attention to one’s words, gestures and, most of all perhaps, on one’s attitude toward his delirium. An attitude I would summarize with the words : “I can see that this is how you choose to interpret things. Your downfall resides in the gap between your delirum and reality. You have no idea the relief you will experience when you will finally be able to collapse. Personally, I’m awaiting that moment, you see ? I’m preparing it calmly.You’re heading for it at this very moment.”
There were three of us that night. Three young women and a sick man armed with a heavy bicycle chain with which he was pounding the walls while howling. The difference – at least, one of them – being that here, the sick man will not exhaust himself by morning.
Something like that. There’s a balancing act involved between the miserable and the monstrous. In my kinder moments, I tell myself this may have been what Macron was attempting to say when speaking of “not humiliating” Putin; if so, he was far off the track. It’s not about “not humiliating”; it’s about not buying in to the spectacle, no matter what, and responding to it as calmly and firmly as possible, from the space you occupy in reality that has nothing to do with the madness on display.
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Circus this morning; the South-African woman I see in the afternoon has invited me to the restaurant this noon; we’ll speak English during the meal, then, French back at my place where I will attempt to explain to her how I want the layout done on Where the Children Play.