21 février 2024

“Credenza“, le mot, non pas le meuble qu’il désigne aussi. Le mot italien signifiant croyance, apparu dans un rêve, cette nuit, insistant, persistant pendant que le reste du rêve s’estompait durant la préparation du thé matinal. Et, comme en rappel, un passage du livre 33 écrits sur Dante de Jacqueline Risset,* acquis lors d’un passage à la librairie Ombres Blanches de Toulouse. Le texte où elle développe son analyse de deux vers dans le Paradis :

“…ainsi au vent, dans les feuilles légères

se perdait la sentence de Sybille”

C’est l’un des deux textes que je préfère dans cette collection (l’autre étant celui qui s’intitule “Celui qui voit en rêvant : le noyau obscur de l’expérience“. Dans le texte Dantesybille: Excès et oubli: les feuilles de Sybille, Risset insiste sur le fait que, contrairement à la Pythie, la Sybille parlait en son nom propre et si ses paroles étaient si difficiles à comprendre, c’était parce que, comme il était expliqué dans l’Enéide (441-452) “tous les oracles que la vierge a inscrits sur ces feuilles, elle les dispose en un ordre et les laisse enfermés dans son antre. Ils restent en leur place tels quels et sans se déranger. Mais qu’au tourner des gonds de la porte, le vent disperse ces frondaisons légères, jamais ensuite elle n’a cure de rattraper au creux du rocher ses oracles voletants, d’en rétablir la suite ou les liens.”

Tout cela entrant en résonance avec un fragment d’élégie d’Anna Akhmatova mentionnant Dante et “…le choeur secret que le vent fait vivre dans le feuillage…” :

Ce matin-là était des plus banals

Quasiment estival et moscovite ;

Et banale encore fut la rencontre :

Quelqu’un, juste,  passait voir quelqu’un d’autre.

…et, soudain, dans les mots, cette fragrance,

On aurait cru qu’un églantier parlait

De sa voix rouge, fraîche, aromatique…

………………………

Comme si cette essence rayonnante 

Qui s’est ouverte à moi voici dix ans

Me réapparaissait  ou si, soudain

S’allumaient des flambeaux pareils à ceux

Que vit Saint Jean, ou bien le choeur secret

Que le vent fait vivre dans le feuillage…

C’est cela que portait la voix chantante

Et c’est ainsi que Dante l’a décrite.”**

Voilà. Comment des voix se répondent à travers les âges. (Et comment chaque fois où je cite ici de la poésie, je ne tenterai aucune traduction de ce texte.)

*

Structure, structure, ordre et structure ? Non, simplement, pour Là où les enfants s’amusent, tentative d’ordonner les divers textes/interventions de chacun des personnages autour du seul axe possible : les dates sur le calendrier où chacun vit ce qui le concerne le plus, en partage certains éléments avec d’autres, mais pas tous; ce qui donne parfois des recoupements, mais pas toujours.

* Jacqueline Risset, 33 écrits sur Dante, conçu et présenté par Jean-Pierre Ferrini et Sara Svolacchia, postface de Martin Rueff, Editions Nous, 2021

**Anna Akhmatova, Les Élégies du Nord et autres poèmes, Choix, traduction et présentation d’André Markowicz, Les Éditions Mesures, 2023

(En illustration : Le Purgatoire et non pas Le Paradis, parce Le Purgatoire est mon préféré des trois “voyages” de Dante dans La Divine Comédie)

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