24 octobre 2023

Sur facebook, que les images soient réelles ou trafiquées, que les paroles des éplorés soient touchantes ou bien mal tournées, je supporte de moins en moins l’espèce d’injonction ouverte ou insinuée, que je doive me joindre au choeur des pleureuses pour “prouver” mon humanité; sinon, preuve est faite que je n’ai pas de coeur. Ça en devient ridicule et, à part de faire plaisir à quiconque a publié l’image, je ne vois pas en quoi cela est le moindrement utile. Toutes ces déclarations de “souvenir éternel” sont peut-être bien réelles pour ceux et celles directement touchés par la mort d’un être cher, mais pour les autres ? Ça me fait l’effet des toutous en peluche déposés à l’endroit où un bébé a perdu la vie. Enfin, disons simplement que ça n’est pas ma façon de faire et je ne crois pas que le volume des lamentations orchestrées a grand chose à voir avec la véritable profondeur des sentiments de qui que ce soit.

De ce fait, j’y publie, comme d’habitude, ce qu’il me semble utile de partager, sans me préoccuper de la présence ou pas d’émojis des uns et des autres et de toute cette “ingénierie des émotions” franchement désolante. Je passe rapidement sur les images du président français, parti en Israël faire sa petite tournée d’images compassionnelles; ses expressions faciales sont tellement exagérées qu’elles en deviennent clownesques.

En fin de compte, la dernière image dans l’un de mes rêves de la nuit dernière semble être ce qui capture le mieux l’espace intérieur du moment chez moi : piégée avec d’autres entre les rails d’un chemin de fer, avec la deuxième d’immenses machines de guerre à l’arrêt juste au-dessus de nous. Intacts pour l’heure, mais privés de tout échappatoire.

Le tout évoquant des souvenirs du temps passé en Israël et que je croyais avoir oubliés; le mieux que je puisse faire, c’est de les recycler en fiction. Petit à petit, Ovda ’80 évolue de cette façon.

*

Hier, quelqu’un a relu ce que j’ai écrit le 27 février dernier, au sujet de deux adolescents venus me voir avec leur projet d’une interview. Le projet a évolué depuis. L’un des deux s’est fortement impliqué dans les mouvements de protestation contre la destruction des espaces verts; sa mère l’a retiré à la dernière minute d’un affrontement violent avec les policiers le weekend dernier. Le second doit venir ce vendredi avec trois de ses camarades de classe pour un film (je crois) dans lequel ils interrogent des vieux (le mot est de moi) sur leurs notions du temps. Il y a là de la matière, incontestablement. (En conversation avec un homme dans la jeune trentaine, l’autre jour, j’ai découvert qu’il n’avait jamais entendu parler des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatilah au Liban, et que le nom de Ben Gourion ne lui disait rien du tout.)

*

Parmi les derniers mots d’Apeirogon, le jardin de Bassam près de Jéricho : “Quatre citronniers, deux figuiers, deux clémentiniers, deux cédratiers, un amandier, un plaqueminier, un grenadier, un figuier de Barbarie, des rangées de courgettes, d’aubergines, de courges et de luffas tout le long du mur mitoyen : en été, on sent le jardin à l’autre bout de la rue.” C’est comme une prière, alors je dis Amen.

*

On Facebook, whether the images are real or trafficked, whether the words of the grieving ones are moving or really clumsy, I’m less and less able to stand the kind of open or implied injunction that I must join the chorus of weepers in order to “prove” my humanity. It’s getting ridiculous and, except for pleasing whoever put the image up on social media, I fail to see how this is helpful in any way to the truly afflicted. All those declarations of “eternal remembrance” are perhaps quite real for those directly touched by the death of a loved one, but for the others? They strike me the way plush teddy bears do when they are left on a spot where a baby died. Well, let’s simply say that this is not my way of doing things and I don’t think that the volume of the orchestrated wails has much to do with the true depth of anyone’s feelings.

This being the case, I publish what appears useful to share, without bothering with the presence or absence of emojis from one or the other and of all this “emotional enginerring” I find frankly pitiful. As quickly as I can, I move over the images of the French president, gone to Israel for his own little photo opportunities showing his compassion; his facial expressions are so exaggerated that they become clown-like.

All in all, the closing image of one of my dreams last night, seems to capture the current inner space best : trapped with others between railroad tracks with the second of two monstrous war machines hovering just over us.Untouched for the time being, but deprived of any means of escape.

The whole thing is bringing up memories of time spent in Israel I thought I had forgotten, so the best I can do is to recycle them into story. Ovda ’80 grows in this way, bit by bit.

*

Yesterday, someone read what I wrote on February 27 last about two teenagers who came to see me with their project of an interview. The project has evolved since. One of the two has become heavily involved in protests against the destruction of green spaces and was pulled out of harm’s way by his mother at the last moment last weekend just before a clash with the police. The other one is supposed to show up this Friday with three of his classmates for a film (I think) in which they question old people (my expression) on their notions of time. Lots of material there, no doubt about it.(In conversation with a man in his early thirties the other day, I discovered he had never heard of the Palestinian refugee camps of Sabra and Chatilah in Lebanon, and that he had never heard the name of Ben Gurion.)

*

Among the final words in Apeirogon, these, describing Bassam’s garden close to the town of Jericho: “Four lemon trees, two fig, two clementine, two Chinese orange, one almond, one persimmon, one pomegranate, one edible cactus, rows of courgette, aubergine, squash and loofah vines right along the wall to the neihgbour’s house: in summertime you can smell the garden half a street away.” It reads like a prayer, to which I say Amen.

2 comments

    • I knew you would be. It seems to me there are so many other ways to be somewhat helpful to others; since I’m not about to change anybody else’s ways, I’ll just stick to my own 🙂

      Like

Leave a comment