19 octobre 2019

Voilà, c’est comme ça : soit les insomnies, soit les plongées dans un sommeil dont je ne parviens plus à remonter.

Hier soir, au lieu de lire, j’ai traduit le texte de Gershom Gorenberg que publiait The New York Times. Texte intitulé “Netanyahou nous a mené à la catastrophe. Il doit partir.” Puis, je me suis écroulée et j’ai dormi jusqu’à 8h…

Je crois que je pourrais même publier les mots de Gorenberg sur Facebook sans risquer d’être attaquée pour antisémitisme par les inconditionnels des extrêmes. Après tout, non seulement Gorenberg est-il juif et se définit-il comme “Juif sioniste orthodoxe sceptique de gauche,” mais il habite à Jérusalem. Mais voilà, juive, moi, je ne le suis pas et la folie devient à ce point folle que, pour certains, cela devrait m’interdire “d’utiliser un juif comme caution.” Si si, on me l’a déjà servi, celle-là. Et puis, tous ces zexperts et tous ces indignés à coup de !!! et de !!???!!! À la longue, ça fatigue sans rien régler.

Bref, voici ce que Gorenberg avait à dire le 18 octobre 2023:

“Netanyahou nous a mené à la catastrophe. Il doit partir.”

« Comment cela a-t-il pu se produire ? » nous sommes-nous demandés entre nous, des voisins en pyjamas soudainement réunis  dans l’escalier plus ou moins sécuritaire de notre immeuble de logement à Jérusalem. Notre première sirène d’alerte de la nouvelle guerre venait de résonner. Il était tôt, un matin de fête nationale; je n’avais entendu aucune information. D’une voix forte et nerveuse, un homme de l’autre côté du corridor nous apprit que l’invasion du Hamas en Israël venait de commencer.

Ce moment joue en boucle dans ma tête – lorsque je m’éveille la nuit et lorsque les sirènes résonnent. Un siècle s’est écoulé depuis, sans que le temps s’écoule du tout. Les informations arrivent en pièces détachées irrégulières que le cerveau ne parvient pas à rassembler. Le rave à la campagne, où les hommes du Hamas ont pourchassé et massacré des jeunes Israéliens. Le Hamas s’emparant de grand-mères et de jeunes enfants comme otages et faisant une boucherie de familles entières. Et notre armée, sur laquelle nous avons toujours compté, désorganisée, mettant trois jours à reprendre le contrôle de la zone en bordure de Gaza. Plus d’une semaine plus tard, l’insondable décompte des cadavres et les tentatives pour les identifier qui se poursuivent. « Comment cela s’est-il produit ? » fait écho dans toutes les conversations. La réponse-réflexe est que le Hamas est barbare – et ne s’oppose pas à l’occupation mais à notre présence même, ici.

Ce qui est vrai – mais insuffisant. Pour un Israélien, le coeur véritable de la question, c’est: Qui a permis que cela se produise? Malgré l’angoisse, à cause d’elle, nous devons exiger une reddition de comptes nationale de ce qui a rendu le désastre militaire possible: l’orgueil et la complaisance et, surtout, les illusions du Premier Ministre Benjamin Netanyahou et de son gouvernement.  

Monsieur Netanyahou a été Premier Ministre pour treize des dernières quatorze années. Alors que la tête des services de sécurité du Shin Bet et le commandant des renseignements militaires ont publiquement reconnu leur responsabilité, de façon flagrante, le Premier Ministre a omis de le faire. Mais si l’armée et le pays n’étaient pas prêts pour l’invasion du Hamas – comme ce fut clairement le cas – la responsabilité n’a pas d’autre endroit où se loger.  

Le plus récent gouvernement de Monsieur Netanyahou a pris le pouvoir il y a juste neuf mois. C’est le gouvernement le plus extrémiste qu’il ait dirigé parce qu’il n’y avait que les partis extrémistes qui étaient consentants pour se joindre à la coalition d’un premier ministre  poursuivi pour corruption. Son propre parti Likoud est devenu un parti de lèche-bottes; les hommes politiques d’expérience et critiques l’ont abandonné.  

L’agenda du gouvernement  — et ce qui semble être quasiment sa seule préoccupation – a été de siphonner de l’argent en direction des écoles ultra-orthodoxes, soutenir les colonies en Cisjordanie et, par-dessus tout, oeuvrer à faire passer des modifications radicales au système juridique qui protégeraient Monsieur Netanyahou et la mainmise de la droite sur le pouvoir.  L’attention du ministre des finances, Bezalel Smotrich, un homme politique de l’extrême-droite connu pour ses vues ouvertement racistes, est partagée entre deux postes : alors qu’il est chargé de l’un des rôles les plus exigeants du gouvernement, il est aussi responsable des colonies dans la ministère de la Défense. 

Le cabinet de la sécurité, qui a charge de diriger les forces armées, ne s’est réuni que de façon sporadique. En juillet, le chef de l’Etat major,  le général Herzi Halevi fut apparemment incapable d’obtenir un rendez-vous avec Monsieur Netanyahou. En lieu et place, le général adressa une lettre au Premier ministre, l’avertissant d’un danger à la cohésion interne de l’armée – apparemment, en raison du programme juridique du gouvernement. Mais à savoir s’il fut distrait par son procès et l’opposition publique énorme à ses projets, ou s’il fit preuve de confiance excessive dans l’avantage qu’avait Israël sur ses ennemis, Monsieur Netanyahou, clairement, ne prêtait pas une attention soutenue à la sécurité, cette année. 

L’aveuglement au danger émanant de Gaza a une histoire plus longue, par contre, et trouve ses racines dans un choix stratégique qui a guidé Monsieur Netanyahou depuis sont retour au pouvoir en 2009. (Il occupa d’abord le poste entre 1996 et 1999).  Presque deux ans auparavant, le Hamas prit le contrôle de la Bande de Gaza, divisant le corps politique palestinien naissant en deux. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et son mouvement Fatah conservèrent leur pouvoir limité dans les zones autonomes de la Cisjordanie.   Bien que Monsieur Abbas n’en soit jamais arrivé à conclure une entente avec Israël sur deux nations, il a favorisé cette solution de façon cohérente.  

Monsieur Netanyahou  a clairement vu le schisme comme un élément positif, favorisant l’indépendance de Gaza de la Cisjordianie et affaiblissant l’Autorité palestinienne. En 2019, par exemple, il a expliqué pourquoi il avait permis que le régime du Hamas à Gaza soit soutenu par des injections monétaires en provenance du Qatar plutôt que de voir Gaza dépendant financièrement d’un cordon ombilical avec la Cisjordanie. Il dit aux législateurs du Likoud que « quiconque s’oppose à un Etat palestinien devrait être en faveur » du financement Qatari, selon la reformulation par une source qui était présente à cette occasion. Etant donné le rejet du Hamas de l’existence d’Israël et l’absence d’une seule voix palestinienne, un accord sur deux Etats paraissait impossible – permettant à Israël de continuer à gouverner en Cisjordanie, selon la préférence évidente de Monsieur Netanyahou.  

Ce point de vue est largement partagé par la droite en Israël. Dans une interview qu’il accordait en 2015, Monsieur Smotrich argua que les attaques palestinienne à l’époque étaient surtout isolées et « atmosphériques » – en d’autres mots, du théâtre politique sans danger stratégique. La véritable menace, avait-il dit, résidait sur le front diplomatique  de Monsieur Abbas. Pour Israël, concluait-il,   “l’Autorité palestinienne est un fardeau, et Hamas est un atout. »  

C’est pourquoi, malgré des manches régulières de combat entre    Israël et Gaza, Monsieur Netanyahou a permis au Hamas de consolider son règne.  La reconquête de Gaza, j’insiste là-dessus, ne fut jamais une option ni pratiquement, ni moralement, et la capacité qu’avait Israël de pousser vers une réunification palestinienne comportait ses limites.  Mais sous Monsieur   Netanyahou, le pays a évité les opportunités de le faire, alors que le Hamas était isolé et faible. Apparemment, ramener Gaza sous l’Autorité palestinienne  ne fut jamais un élément prioritaire dans l’agenda du Premier ministre. Hamas était à la fois l’ennemi et, dans une tournure bizarre, un allié contre la menace de la diplomatie, d’une solution à deux Etats, et de la paix.  

Il s’avère que cette politique reposait sur un excès de confiance et la tromperie.  Elle demandait qu’on croit que le Hamas avait été contré par les combats précédents et qu’il était plus intéressé par l’amélioration des conditions de vie à  Gaza.  Apparemment, ces vues commodes  ont filtré depuis les leaders politiques vers les échelons supérieurs des militaires.  Pareille complaisance aurait rendu possible le déplacement de certaines des troupes depuis la zone autour de Gaza vers la Cisjordanie pour la protection des colons, laissant les communautés frontalières moins protégées lorsque survint l’attaque.  

Quand la commission d’enquête quasiment inévitable examinera l’échec du renseignement israélien à prévoir l’attaque du Hamas, elle trouvera probablement un écho terrifiant de l’échec du renseignement isralien avant les attaques-surprise de 1973 par l’Egypte et la Syrie qui lancèrent la Guerre du Yom Kippour. Les indices étaient là, mais dans ce cas aussi, ils furent mal lus ou ignorés parce qu’ils ne cadraient pas avec les conceptions préconcues. Il y a cinquante ans, l’erreur stratégique prédominante fut la croyance qu’Israël était plus sûre en tenant la péninsule du Sinaï qu’en faisant la paix avec l’Egypte. Plus de 2,600 soldats israéliens payèrent de leur vie cette erreur d’appréciation.  

L’erreur contemporaine reposait sur un orgueil plus grand encore: croire que Hamas pouvait être géré de façon sécuritaire afin de maintenir et d’approfondir indéfiniment l’occupation de la Cisjordanie. Ajoutée à cela la négligence manifeste de la sécurité par le gouvernement, et le résultat fut une catastrophe.

Malgré la crise dévastatrice, Monsieur Netanyahou demeure distant et son gouvernement dysfonctionnel, même après avoir ajouté un parti d’opposition à sa coalition. Il a fallu plus d’une semaine avant que le Premier ministre rencontre les familles des Israéliens emmenés en otages à Gaza — et un délai semblable pour que le gouvernement débute l’évacuation de la ville de Sderot ravagée par les combats.  

Un voisin vient de partir remplir son devoir de réserviste. Ma fille m’envoie un message pour me dire qu’elle est en sécurité, après une autre alerte aux missiles à Tel Aviv.  Au bout de la rue, une famille fait shiva pour un soldat tué dans la Sud. Rien de cela n’était inévitable. Il ne s’est pas agi d’un désastre naturel imprévisible. Monsieur Netanyahou a échoué et il doit être remplacé, ainsi que ses politiques – le plut tôt sera le mieux. 

*

That’s how it goes: either insomnia, either a plunge into sleep so deep I can’t seem to re-emerge.

Last night, instead of reading, I translated Gershom Gorenberg’s opinion piece published in The New York Times. Texte intitulé “Netanyahu led us to catastrophe. He must go.” After that, I collapsed and slept until 8 AM…

I think I could even publish Gorenberg’s words on Facebook without risking an attack for antisemitism by some unconditional from the extremes. After all, not only is Gorenberg Jewish and does he self-define as ” a left-wing, skeptical Orthodox Zionist Jew” but he lives in Jerusalem. But there you have it, Jewish I am not, and craziness is at such a level that, for some, that should forbid me “using a Jew as a caution”. Yep, I’ve been served with that one already. Plus, all those zexperts and indignant ones with their !!!! and their !!???!!!. They make me tired and don’t solve a thing.

*

So for those with access to The New York TImes, Gorenberg’s paper is here. And for those with no access, here is what he has to say:

“How could this happen?” we asked one another, neighbors in pajamas suddenly gathered in the not quite safety of the stairwell of our Jerusalem apartment building. Our first air-raid siren of the new war had just sounded. It was early on a holiday morning; I’d heard no news. In a jittery loud voice, a man from across the hall told us about the Hamas invasion of Israel that had just begun.

That moment repeats on a loop in my mind — when I wake up at night and when the sirens repeat. A century has passed since then and no time at all. The news comes in jagged pieces that one’s mind cannot fit together: The rave in the countryside, where Hamas men hunted down and slaughtered young Israelis. Hamas’s taking grandmothers and young children as hostages and butchering families. And our army, on which we relied, in disarray, taking three days to regain control of the area bordering Gaza. More than a week later, the unfathomable counting of bodies and attempting to identify them continues. “How did this happen?” echoes in every conversation. The reflexive answer is that Hamas is barbaric — and that it opposes not the occupation but our very existence here.

This is true — and insufficient. For an Israeli, the real heart of the question is: Who allowed this to happen? Despite the agony, because of it, we must demand a national accounting for what made the military disaster possible: the hubris and complacency and, most of all, the delusions of Prime Minister Benjamin Netanyahu and his government.

Mr. Netanyahu has been prime minister for 13 of the past 14 years. While the head of the Shin Bet security service and the commander of military intelligence have publicly taken responsibility, the prime minister has glaringly failed to do so. But if the army and country were unprepared for the Hamas invasion — as they clearly were —- there is no place else for the buck to stop.

Mr. Netanyahu’s latest government came to power just over nine months ago. It’s the most extreme he has led, because only extreme parties were willing to join a coalition with a prime minister on trial for corruption. His own Likud has become a party of lackeys; experienced politicians critical of him abandoned it.

The government’s agenda — what appears to be virtually its only concern — has been funneling money to ultra-Orthodox schools, supporting West Bank settlement and, most of all, pushing through radical changes to the judicial system that would protect Mr. Netanyahu and the right’s hold on power. The attention of the finance minister, Bezalel Smotrich, a far-right politician known for his openly racist views, is divided between two jobs: While he occupies one of themost demanding roles in government, he also oversees settlement in the Defense Ministry.

The security cabinet, responsible for directing the military, has met only sporadically. In July the military chief of staff, Gen. Herzi Halevi, was reportedly unable to get a meeting with Mr. Netanyahu. Instead the general wrote the prime minister a letter, with a warning of danger to the army’s internal cohesion — apparently owing to the government’s judicial program. But whether he was distracted by his trial and immense public opposition to his plans or was overconfident in Israel’s advantage over its enemies, Mr. Netanyahu clearly wasn’t paying close attention to security this year.

Blindness to the danger from Gaza has a longer history, though, and is rooted in a strategic choice that has guided Mr. Netanyahu since his return to power in 2009. (He first held office from 1996 to 1999.) Nearly two years before, Hamas seized control of the Gaza Strip, splitting the nascent Palestinian polity in two. The president of the Palestinian Authority, Mahmoud Abbas, and his Fatah movement retained their limited power in autonomous areas of the West Bank. Though Mr. Abbas has never reached a two-state agreement with Israel, he has consistently favored that outcome.

Mr. Netanyahu clearly chose to see the split as positive, as a way to foster Gaza’s independence from the West Bank and to weaken the Palestinian Authority. In 2019, for instance, he explained why he allowed the Hamas regime in Gaza to be propped up with cash from Qatar rather than have it depend on a financial umbilical cord to the West Bank. He told Likud lawmakers that “whoever is against a Palestinian state should be for” the Qatari funding, as paraphrased by a source who was present. Given Hamas’s rejection of Israel’s existence and the lack of a single Palestinian voice, a two-state agreement seemed impossible — allowing Israel to go on ruling the West Bank, as Mr. Netanyahu clearly prefers.

That view is widely shared on the Israeli right. In a 2015 interview Mr. Smotrich argued that Palestinian terrorist attacks at the time were mostly isolated and “atmospheric” — in other words, political theater but not a strategic danger. The real threat, he said, was on the diplomatic front from Mr. Abbas. For Israel, he concluded, “the Palestinian Authority is a burden, and Hamas is an asset.”

That’s why, despite the regular rounds of fighting between Israel and Gaza, Mr. Netanyahu allowed Hamas to continue entrenching its rule. Reconquering Gaza, I stress, was never a practical or moral option, and Israel’s ability to push for Palestinian reunification had limits. But under Mr. Netanyahu, the country evaded opportunities to do so when Hamas was isolated and weak. Bringing Gaza back under the Palestinian Authority was apparently never part of the prime minister’s agenda. Hamas was the enemy and, in a bizarre twist, an ally against the threat of diplomacy, a two-state solution and peace.

That policy, it turns out, depended on overconfidence and self-deception. It required believing that Hamas had been deterred from a major offensive by previous fighting and that it was more interested in improving conditions in Gaza. Those convenient views apparently seeped from the political leaders to the military brass. Such complacency reportedly made it possible to move some of its forces from the area around Gaza to the West Bank to protect settlers, leaving border communities less protected when the attack came.

When the almost inevitable commission of inquiry examines the failure of Israeli intelligence to foresee the Hamas attack, it’s likely to find a terrifying echo of the Israeli intelligence failure before the 1973 Egyptian and Syrian surprise attack that began the Yom Kippur War: The clues were there but were misread or ignored because they did not fit preconceptions. Fifty years ago, the overriding strategic mistake was believing that Israel was safer holding the Sinai Peninsula than making peace with Egypt. Over 2,600 Israeli soldiers paid for that misconception with their lives.

The present-day mistake rested on greater hubris: believing that Hamas could be safely managed in order to maintain and deepen occupation of the West Bank indefinitely. Add the government’s manifest neglect of security, and the result was catastrophe.

Despite the devastating crisis, Mr. Netanyahu remains aloof and his government dysfunctional, even after bringing one opposition party to his coalition. It took the prime minister more than a week to meet with families of Israelis abducted to Gaza — and as much time for the government to begin the evacuation of the battle-ravaged town of Sderot.

A neighbor has left for reserve duty. My daughter texts me to say she is safe after yet another missile alert in Tel Aviv. Down the street, a family is sitting shiva for a soldier killed in the south. None of this had to happen. It was not a freak natural disaster. Mr. Netanyahu has failed and must be replaced, along with his policies — the quicker the better.

Gershom Gorenberg is an Israeli journalist and historian. His most recent book is “War of Shadows: Codebreakers, Spies, and the Secret Struggle to Drive the Nazis From the Middle East.”

 

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