
(Dessin à la mine de plomb par Ilana Shamir)
Hier, une femme énervée au point d’en avoir le jugement dévissé m’abreuve d’injures et passe en mode supérieur en réclamant l’inculpation des organisations d’aide aux réfugiés comme “complices” de l’assassinat de Dominique Bernard, professeur au Lycée d’Arras, par un ancien élève de l’établissement. Élève d’origine tchétchène, arrivé en France à l’âge de 13 ans, et dont l’avis d’expulsion avait été contesté par les dites associations.
Je trouve ensuite en commentaire sous un article de Médiapart relatant l’effroi et la sidération des professeurs, trois ans après l’assassinat de cet autre professeur, Samuel Paty: “Diverses associations, comme le Mrap et la Cimade, s’étaient alors mobilisées contre cette expulsion. Tout est dit dans cette phrase, il faut traduire ces associations en justice et les interdire, elles sont complices et responsables de ce qui est arrivé!”
Et voilà. Je serais donc “complice et responsable” d’un assassinat pour avoir milité dans ces mêmes associations car moi aussi, j’ai combattu des expulsions du territoire. La logique ? Il n’y en a pas. Mais on mesure bien l’étendue de la dérive dans l’opinion publique, dérive induite, soutenue, encouragée par les partis politiques, y compris celui au pouvoir qui s’active à mettre la table pour ceux qui vont lui succéder et qui n’auront qu’à se servir des instruments législatifs mis à sa disposition. Je n’irai pas jusqu’à dire que certains chefs de partis se réjouissaient de cette horreur, mais ils en étaient bien proches avec des déclarations où les “condoléances” semblaient une réflexion après-coup, une fois réglée le sujet principal – la préparation de la bataille autour de la loi sur l’immigration qui sera bientôt déposée devant l’Assemblée Nationale.
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Pendant ce temps dans “la plus grande démocratie du monde”: quittons pour un instance les batailles de coq autour du choix d’un Speaker pour le Congrès, paralysé en attente de résolution, pour visiter les arrières-boutiques où se déroulent les entourloupes permettant de choisir le candidat pour la campagne à la présidence du pays. Pendant que Donald se balade, alternant terrains de golf et comparution devant divers tribunaux, ses troupes sont à l’oeuvre dans les états pour modifier les règles établissant le choix du candidat en question. Jusqu’à date, cela se faisait par le vote libre des délégués pour le candidat de leur choix. Terriblement vieux jeu; il faut d’abord veiller au choix des délégués, d’abord, puis, comme le démontrer l’article du New York Times, faire preuve de créativité. Le meilleur exemple en étant en Californie où les règles ont été modifiées: le candidat remportant plus de 50% des voix sera automatiquement le candidat du Republican Party dans la course à la présidence du pays. Il n’échappe à l’attention de personne que seul Trump semble destiné à franchir ce seuil magique.
(Et pour en revenir au Congrès américain; les appuis à l’extrémiste Jim Jordan en sont à menacer de rétribution les Republican aui n’appuierait pas sa candidature. Image de choses à venir. Le Speaker du Congrès occupe la deuxième place dans la structure du pouvoir fédéral aux Etats-Unis.)
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Je vais passer ma journée au mini salon du livre local où les conversations seront sans doute entre les exposants; je ne m’attends pas à y voir beaucoup de passants.
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Pour tout le reste, ça n’est pas tant que les mots me manquent qu’ils me semblent inutiles. Dans un rêve, je trouvais dans la rue une vis manquante pour quelqu’un et je rencontrais un homme qui avait appris à rêver ses propres rêves et qui disait que tous les rêves qui, eux, l’ avaient rêvé avant le faisait rire par leur futilité.
post-scriptum: pour ce qui est de la chronique du jour d’André Markowicz, le “melekh ha mavet” (l’ange de la mort) me fait penser à l’ange du future de Walter Benjamin, mais je n’ai aucune envie de développer plus loin; d’ailleurs il est maintenant 8h, et je dois bouger.*
*Quelqu’un corrige le “melekh” (roi) par “malakh” (ange); j’ai commis la même erreur, mon hébreu n’étant pas ce qu’il fut il y a quarante ans déjà, alors qu’il n’était pas vraiment fameux, de toute façon.
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So yesterday, one with thought processes like loose screws in a jar threw insults at me before revving it up to the next level and demanding that organizations aiding refugees be cited as “accomplices” in the assassination of Dominique Bernard, a teacher at the Lycée in Arras, killed by a former student of the establishment. A student originally from Chechnya, who arrived in France at age 13, and whose expulsion notice had been contested by said associations.
Then, I come across a comment under an article on Mediapart that deals with the stunned dread and fear of teachers these three years after the assassination of another teacher, Samuel Pay: “Various associations, such as the Mrap and the Cimade, mobilized against this expulsion. All is said in this sentence, they must be brought before the court and prohibited, they are accomplices and responsible for what happened!”
Et voilà. I am thus an “accomplice and responsible” for an assassination since I was also active in these same associations and I also, fought against expulsions from the French territory. The logic ? There is none. But one can measure the extent of the drift in public opinion, a drift induced, supported, encouraged by political parties, including the one in power active in setting the table for those who will follow it and who will only need to help themselves to the legistlative instruments at their disposal. I wouldn’t go as far as to say some party leaders are gleeful over this horror, but they sure come damn close to it with declarations where their “condolences” appear as an afterthought tacked on after the main order of business – preparing the battle for the law on immigration soon to land on the National Assembly.
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Meanwhile, in “the world’s greatest democracy”: for a moment, let’s leave the ongoing rooster fight over who will next be the Speaker in a Congress paralyzed until the matter is settled, for a visit to the back rooms in which are played out the dirty tricks allowing for the choice of candidate running for the presidency. While Donald is busy, alternating between golf courses and appearances before various tribunals, his troops are hard at work in the states modifying the rules for choosing said candidates. Up until now, this involved delegates voting freely for the candidate of their choice. Terribly old fashioned; this involves carefully choosing the delegates, to start off with, then, as demonstrated in a New York Times articles, you must make room from creativity. The best example being in California where teh rules were modified in the following way: the candidate receiving over 50% of the votes will automatically be the Republican Party’s choice to run for the country’s presidency. It hasn’t escaped anyone’s attention that Trum is the only one currently expected to cross the magical threshold.
(Getting back to the American Congress: Jim Jordan’s supporters are now threatening retribution on lawmakers who wouldn’t uphold his becoming the next Speaker. The Speaker stands in second place only to the President in the American federal power structure.)
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I’ll be spending the day at the local mini bookfair where conversations will undoubtedly run between exhibitors; I don’t expect to see many browsers.
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For all the rest, words don’t so much fail me as feel useless. In a dream, I found on the street a screw missing for someone else and I met a man who had learned to dream his own dreams and said that all the ones that had dreamt him before made him laugh by their futility.
P.S: as pertains to André Markowicz’ column today, the “melekh ha mavet” (angel of death) makes me think of Walter Benjamin’s angel of the future but I have no wish to develop further; besides, it is now 8 AM and I have to get a move on.